6: Le rôle dangereux de la Charte Européenne des langues régionales et minoritaires

Les articles précédents ont fait apparaître que la « défense et la promotion des langues régionales et minoritaires », pour reprendre la définition consacrée, est suscitée par plusieurs motivations et objectifs différents :
 d’abord de faire vivre et revivre la pratique du parler de ses ancêtres (ou d’une partie de ses ancêtres, vu le métissage fréquent), qui avait souvent une histoire et une production culturelle importante, ce qui incite à le perpétuer (comme les dialectes occitans).
 ensuite d’essayer de continuer à faire vivre une langue originale, parfois bien différente de la langue française, dite de nature latine indo-européenne (comme le breton d’origine celtique ou le basque d’origine non indo-européenne).
 enfin de perpétuer un lien communautaire (et pas forcément communautariste) dans une aire géographique originale par l’histoire (comme le dialecte alsacien) ou l’insularité (comme le dialecte corse), ou dans une communauté issue de l’émigration (comme l’arménien, le kabyle ou le romani).
Toutes ces motivations sont nobles en elles-même, et ne suscitent aucunement, de par leurs natures, le délitement du sentiment national républicain, si l’on s’en réfère au concept de la nation apporté par le triomphe du jacobinisme sous la Révolution Française de 1789 et des années suivantes (jacobinisme républicain prônant l’égalité en droit de tous les citoyens et de leur familles avec les mêmes institutions étatiques ayant des prérogatives identiques sur tout le territoire national, qu’il est nécessaire de bien distinguer de la dérive bonapartiste de concentration des pouvoirs au niveau central parisien, image qui lui reste injustement collée).
Mais ces motivations suscitent pour définir une politique publique, deux interrogations fondamentales :
1/ Tous les parlers, dialectes et langues de ses ancêtres ont-ils tous le même intérêt à être aidés pour qu’ils restent utilisés dans la communication et les échanges entre groupes d’individus?
En clair, y a t-il un intérêt à mettre sous perfusion par des aides publiques la survie du dialecte gallo et du patois picard-chti, dérivés de la langue d’oil, laquelle a donné la langue française moderne, le patois savoyard venu de l’arpitan parlés dans seulement quelques aires géographiques isolées et par des personnes âgées, et dont les productions littéraires n’ont jamais été dominantes et foisonnantes?
2/ Pourquoi faudrait-il imposer les dialectes et langues régionales ou issues de l’émigration à tous les habitants d’une aire géographique donnée ou à tous les descendants d’une communauté spécifique? Cela signifierait à l’évidence une volonté totalitariste,anti-nationale dans le sens républicain du terme, puisque cela équivaudrait à à imposer par la pratique reconnue d’une langue ou d’un dialecte dans les actes officiels et l’enseignement, la création à terme d’une multitude de structures régionales et communautaires enfermées sur elles-même par la langue et imposées sur une base ethnique. L’étape suivante se trouverait naturellement dans la reconnaissance de droits et de devoirs différents pour chaque communauté constituée, parfois avec une religion ou une église dominante qui se prévaudrait de privilèges spécifiques, faisant voler en éclat l’égalité en droit et la laïcité.
Et ce sont par les réponses à ces deux interrogations qu’apparaissent au grand jour la volonté politique.
– d’une part des nostalgiques du féodalisme inégalitaire, ennemi juré du modèle de la nation républicaine égalitaire qui instrumentalisent la défense et la promotion de ces langues régionales et communautaires.
– d’autre part des tenants de la mondialisation néolibérale qui ont besoin du triomphe de la domination impérialiste de la langue anglaise pour changer les mentalités et affaiblir les structures politiques d’un état républicain au profit du modèle sociétal anglo-saxon gouverné essentiellement par les forces financières et économiques, et pour cela utilisent ces dites langues pour affaiblir les langues nationales.
En effet à partir de toutes les constatations que nous avons faites dans cet article et les précédents, ainsi qu’à partir des analyses qui en découlent directement, apparaissent à l’évidence les objectifs à peine voilés de destruction des structures de la nation républicaine et de son idéal laïque qu’apprte la Charte Européenne des langues régionales et minoritaires rédigées en 1992.
Pour connaître les dangers de cette Charte, il est nécessaire de se référer à l’intervention de Jean-Luc Mélanchon au Sénat du 26 mai 2008 et de l’article de Christine Tasin consultable sur son blog: http://christinetasin.over-blog.fr/ et dans Riposte Laique.
Dans mon article, je dirai simplement que cette Charte Européenne des langues régionales et minoritaires prévoit :
– l’obligation pour les différentes administrations de l’état (tribunaux compris) et des collectivités territoriales et par extension pour celles ayant un caractère de service public comme la Sécurité Sociale et la Poste, d’avoir des locuteurs pouvant répondre dans des langues choisies pour leur implantation anciennes dans des aires géographiques données et des communautés spécifiques, même si elles ne sont pas employées ni majoritairement ni exclusivement par une partie des population concernées.
– l’obligation de rédiger tous les actes officiels dans ces différentes langues et dialectes même si ils sont inadaptés pour transcrire l’esprit du droit français républicain , et dont les difficultés d’interprétation provoqueront ans aucun doute des recours sans fins auprès des différentes cours européennes.
– la revendication de droits et devoirs spécifiques.pour chaque groupe régionaliste et communautaire.
Il est indispensable de rappeler un point fondamental de l’intervention de J.-L. Mélenchon au Sénat: « Le fait de parler une langue différente ne suffit pas à instituer des droits particculiers en faveur de ses locuteurs! C’est ce que prévoit explicitement la Charte : il s’agit d’encourager la pratique de ces langues dans la vie publique ey la vie privée. Quant à la vie publique, il est précisé que les états doivent prendre en considération les besoins et les voeux exprimés par les groupes pratiquant ces langues. »…
Christine Tasin dans son article rappelle opportunément que le président du parlement.européen M. Potterring soutient sans état d’âme la PUEV (Union Fédéraliste des Communautés ethniques Européenne) qui a pour objectif dans ses statuts la revendication: “Pour une Europe des Régions à caractère ethnique.” C’est la démonstration ultime du rôle de cheval de Troie que la Charte Européenne des langues régionales et minoritaires aurait dans notre République laïque et d’égalité en droit.
Et cela, nous le répétons encore, est à relier à la politique de l’impérialisme linguistique de l’anglais en faveur de la transformation de la société dans un modèle anglosaxon, plus apte alors à accepter les conséquences de la mondialisation néolibérale Nous ne répéterons pas les textes officiels que nous avons déjà dévoilé dans les articles précédents et qui montrent au grand jour cette volonté politique.
Nous vous invitons néanmoins à lire l’article de Louis-Jean Calvet, professeur de sociolinguistique à l’Université de Provence de juin 20O2 qui définit un modèle gravitationnel dans l’utilisation des langues. Nous citons quelques points importants de cet article : « Autour d’une langue hypercentrale (l’Anglais), dont les locuteurs natifs ont une tendance forte au monolinguisme, gravitent une dizaine de de langues supercentrales (le Français, l’Espagnol, l’Arabe, le Chinois, l’Hindi, le Malais)….
Autour de ces langues superpivots de la gravitent à leur tour cent à deux cents langues centrales qui sont elles-même les pivots de la gravitation de quatre à cinq mille langues périphériques…. Mais derrière la défense des petites langues se profile l’opposition à la domination de l’Anglais de la part des locuteurs de langues supercentrales (les locuteurs des langues minoritaires ont un tout autre rapport à l’anglais dont la domination pourrait, au contraire, préserver leur langues). Dans ce schéma à trois niveaux (langue internationale, langue de l’Etat, langue grégaire), la logique de la mondialisation suppose la disparition de la seconde de ces trois langues, la langue de l’Etat. L’Europe pourrait aller ainsi vers la domination de l’anglais coexistant avec la pluralité de « petites langues comme le gallicien, le catalan, le basque, le corse, l’alsacien… »
La messe est dite. Il n’y a que les bobos de gauche pour être aveugles et sourds devant cette offensive programmée de tentative de destruction des valeurs de la république laïque dont la conception de l’état-nation qui en découle. L’adoption récente dans la Constitution française de la reconnaissance des langues régionales peut être ainsi le premier pas de la ratification par la France de cette Charte des langues régionales et minoritaires et de l’intégration des dangers qui y sont inhérents.
Valentin Boudras-Chapon

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