Irak : Pourquoi l’Eglise catholique change-t-elle son discours sur la barbarie islamique ?

L'évêque Bernard Podvin
L’évêque Bernard Podvin

Le mercredi 13 août 2014 :

Dans une déclaration radio-télévisée, largement reprise par la presse écrite, Mgr Podvin, ( qui d’ailleurs a le titre honorifique de “monseigneur”, mais n’est pas évêque ) porte-parole de la Conférence Episcopale des Évêques de France, n’hésite pas à dire à propos de ce qui se passe dans le Nord de l’Irak, qu’il faut “utiliser la force, en l’occurrence c’est tout à fait fondé”, certes “dans des proportions qui doivent rester éthique” et il ne s’agit “pas d’appeler à la guerre pour elle-même, surtout pas”.

Et il enfonce le clou :  “il faut donc user de la force…avec pertinence, justesse et proportion”.

Le mardi 12 août 2014 :

Adresse des évêques d’Europe au Conseil de Sécurité des Nations Unies, “la situation des chrétiens et autre minorités religieuses en Iraq est totalement inacceptable …. la communauté internationale est appelée à mettre un terme à cette tragédie par tous les moyens possibles et légitimes”.

Le lundi 11 août 2014 :

Contrairement à toutes ses positions antérieures dans des cas similaires, comme pour la Syrie en 2013, le Vatican approuve les frappes américaines sur les forces des “jiadistes”.

Par ailleurs, le représentant de l’Etat du Vatican à l’ONU, où le Vatican siège à titre d’observateur, Mgr Silvano Tomasi  précise “il faut intervenir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard”.

Tout le monde évidemment comprend à qui, si besoin est, il faut faire la guerre.

Mais si cela va sans dire, cela irait encore mieux en le disant.

Le soin mis à ne pas prononcer les mots “Islam” et “musulman” est remarquable et regrettable.

En novembre 2008, à Milan lors d’une assemblée de prélats et de religieux, le cardinal Tauran, président du Conseil Pontifical pour le dialogue Inter-Religieux, le dicastère (ministère ) du Saint Siège chargé des rapports avec les autres religions, notamment avec l’Islam, avait déclaré :

“comment Dieu a fait pour revenir dans nos sociétés, c’est le grand paradoxe : grâce aux musulmans”, “ce sont  les musulmans qui devenus une minorité importante en Europe, ont demandé de la place pour Dieu dans la société”.

Le propos est différent le 13 août 2014, ce même Conseil Pontifical pour le Dialogue Inter-Religieux, toujours présidé par le cardinal Tauran, déclare à propos de la situation en Irak :

“face à une telle barbarie, tous les responsables religieux, surtout les musulmans, doivent prendre une position claire et courageuse” et précise “la religion ne peut certainement pas justifier de tels agissements”!

Enfin, et ce n’est pas rien, ces diverses déclarations ecclésiastiques des 11, 12 et 13 août 2014 tranchent absolument avec celles du 20 juillet 2014, où lors de l’angelus, le pape Francois en personne avait appelé à la “prière incessante pour l’Iraq”, en précisant :

“la violence ne peut pas être vaincue par la violence, la violence ne peut être vaincue que par la paix”, et de surcroit durant ce mois de juillet, dans une autre occasion, le pape François évoquait en substance, à propos des populations chrétiennes du Moyen-Orient les mérites du martyr. (!)

Sans conteste, le rapprochement de toutes ces déclarations fait apparaître  qu’il y a une évolution importante de l’Eglise Catholique, à partir du 11 août dernier, par rapport aux agissements d’une barbarie inouïe au nom de l’Islam, à l’encontre des communautés chrétiennes du Moyen-Orient.

Maintenant, ce n’est plus seulement l’appel à la prière et à l’aide humanitaire, mais carrément l’appel à la guerre, “il faut user de la force”, “tous les moyens possibles et légitimes”, “il faut intervenir maintenant”.

Mais ce n’est quand même pas l’appel à la croisade.

La question qui se pose sur ce changement d’attitude soudain et inattendu, c’est de savoir ce qui le motive.

Cette question se pose pour tous, athées et croyants, et pas seulement pour ceux qui sont catholiques, et au nombre desquels je suis (cependant, en plus pour les catholiques il y a des enseignements spécifiques à en tirer, non pas du tout à l’égard de la foi qui n’est pas en cause, non plus, ou si peu, à l’encontre de l’Institution dans son principe, mais en ce qui concerne la politique suivie par la hiérarchie catholique qui est aux commandes ).

En effet, la réponse à cette question présente pour tous les laïques, croyants ou non-croyants, de l’intérêt dans le combat contre l’islamisation de la France et de l’Europe.

Tout d’abord, il faut écarter l’idée que c’est la peur qui étreint les prélats catholiques. On peut leur faire beaucoup de reproches, mais surement pas celui-là.

Il ne faut pas s’imaginer non plus que ce sont des naïfs, plein d’illusions sur la réalité de l’Islam.

Bien au contraire.

Loin d’être des enfants de chœur, la plupart des membres de la hiérarchie catholique, et d’autant plus que l’on s’élève dans cette hiérarchie, sont malins comme, disons, soyons prudent, comme des renards, rusés comme des sioux, et madrés et retors comme des maquignons.

Malgré cela, force est de constater, qu’au contraire du résultat qu’ils poursuivent, cela ne les empêche pas d’arriver à mener des politiques, qui en fait peuvent s’avérer nuisibles au but de l’institution dont ils ont la charge, c’est à dire à la transmission du message du Christ.

Et pourtant, ils n’oublient pas, sans aucun doute, qu’ils sont là où ils sont, pour perpétuer la diffusion de ce message. On ne peut pas en douter.

Il serait faux de croire également que la hiérarchie catholique verrait d’un bon oeil les sociétés musulmanes actuelles, car elles seraient semblables aux sociétés occidentales des siècles passés, où l’Eglise avait un rôle prééminent.

Cette hypothèse ne mérite aucun crédit, ne serait-ce que parce que les réalités historiques et sociales en Europe dans ces anciens temps démentent complètement la similitude ainsi supposée entre ces deux types de sociétés.

D’une part, ce serait faire peu de cas de la lutte permanente et incessante entre le pouvoir temporel (le roi, les seigneurs, puis les bourgeois ) et le pouvoir ecclésiastique, lutte qui a eu constamment pour effet de toujours brider la puissance de l’Eglise Catholique.

D’autre part, c’est ignorer le caractère subtilement subversif du message du Christ, contre les inégalités et en faveur de ce que l’on appelle maintenant les droits de l’Homme.

La force du contenu de ce message “d’amour, de paix et d’espérance”, est telle qu’il persiste à agir, au profit des faibles, même dans la pratique générale et systématique où les clercs utilisaient la religion au service des puissants.

C’est ainsi que l’état d’esprit résultant au long des siècles des principes inhérents à la religion chrétienne, n’est pas pour rien dans l’avènement des Lumières en Europe.

Alors pourquoi cette attitude conciliante, pour ne pas dire béate et ravie, envers l’Islam?

Il n’en a pas toujours été ainsi, loin de là.

Sans remonter jusqu’aux Croisades, dans des temps moins anciens de nombreux évêques avaient un discours différent sur l’Islam et au plus près de sa réalité, ainsi par exemple de l’évêque d’Alger, Mgr Pavy, sous le Second Empire :  “Mahomet, cet homme de pillage et de sang qui prêche sa doctrine à coup de cimeterre, en semant la mort sur plus du tiers du monde alors connu”, tout le sermon du carême de 1853 prononcé en chaire par ce prélat, est à l’avenant de cette citation dont elle est extraite.

Par ailleurs, le 12 septembre 2006, le fameux discours à l’université de Ratisbonne du pape Benoit XVI, avec la citation du dialogue en 1391 de l’empereur byzantin, le savant Manuel II Paléologue : “montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait”, prenait le contre-pied des errements en cours sur ce sujet.

La circonstance que devant le tollé provoqué par certains, Benoit XVI a reculé en faisant savoir qu’il avait été mal compris, n’empêche pas de comprendre que ce pape connait parfaitement la réalité de l’Islam.

Son refus de reconnaître qu’il connait la réalité de l’Islam est d’ailleurs significatif de la dissimulation que l’Eglise Catholique pratique à l’égard du problème posé par l’Islam.

Il est vraisemblable que la perte d’influence en Europe des religions chrétiennes a une grande part dans ce comportement étonnamment conciliant envers l’Islam.

Dans ce conteste, où l’athéisme et l’incroyance se taillent la part du lion, il est à priori réconfortant pour un croyant investi de hautes responsabilités, dont les “troupes” s’amenuisent au fil du temps, de voir arriver des populations nombreuses qui affirment haut et fort leur foi en un au-delà.

De surcroît, plus d’un clerc a sans doute pensé que la pression de cette masse musulmane, très revendicative, pourrait aussi contribuer à “faire de la place dans la société” aux autres religions.

Avec l’idée qu’on arriverait toujours à contrôler la situation.

Et s’y ajoute le contexte historique des débuts de la reprise de l’expansion musulmane alors que le communisme n’était pas encore à terre, et que ce dernier constituait jusqu’à l’obsession la préoccupation de l’Eglise Catholique.

Ensuite, il y a eu une sorte d’euphorie de la hiérarchie catholique provoquée par la chute du communisme, et cette euphorie, sans en être l’élément essentiel, a eu un rôle dans l’acceptation par l’Eglise Catholique de l’arrivée expansionniste de l’Islam sur les terres chrétiennes.

Enfin, si tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir non plus, le message évangélique peut aussi en partie expliquer ce comportement, puisqu’il dit qu’il faut “aimer son  prochain comme soi même”, sans faire d’exception pour celui qui débarque à Lampedusa, comme dirait le pape François.

Par contre, que dans le troupeau des fidèles, de plus en plus nombreux soient ceux qui s’inquiètent de la mollesse de leurs pasteurs à l’égard de l’Islam, semblenti sans grande influence sur cette soudaine évolution du discours tenu, le clergé étant constamment hermétique aux divergences manifestées parmi les croyants dont il a la charge.

Et tout d’un coup, sans crier gare, en ce mois d’août 2014, changement flagrant de discours, dans le cadre de ce qui apparaît comme une opération coordonnée.

Ce n’est pas par hasard : concomitamment au niveau de la France, de l’Europe et du Vatican fusent des déclarations similaires au ton nouveau.

Ces déclarations affirment, non seulement de façon implicite, mais aussi, du bout des lèvres, de manières explicites, que la guerre est admissible, nécessaire même.

Au demeurant, en y regardant de près, pas tant pour sauvegarder la vie des chrétiens du Moyen-Orient, mais plutôt pour préserver le maintien des communautés chrétiennes sur le sol qui les a vu naître il y a presque 20 siècles.

Ce changement d’attitude ne relève pas d’une subite prise de conscience de la nature réelle de l’Islam, sur ce point, comme relevé précédemment, “ils” étaient déjà au courant.

Ce changement d’attitude trouve sa source dans le refus par la hiérarchie de l’Eglise Catholique de l’éradication totale de toute présence chrétienne dans les territoires dont il s’agit.

Tant que l’Islam se contente, si l’on peut dire, de massacrer des chrétiens, certes c’est très grave pour l’Eglise Catholique, mais pas autant que la disparition totale et définitive des Eglises chrétiennes, dans les régions concernées, qui elle est inacceptable et doit être combattue par tous moyens.

Tant que seulement, si l’on peut dire, des personnes sont “martyrisées”, le discours de l’Eglise Catholique c’est “prions, prions, pour que ça cesse”.

Mais à partir du moment où des territoires entiers risquent d’être perdus à jamais pour le Christianisme, le discours devient “il faut user de la force, de tous les moyens possibles et légitimes”, il faut faire la guerre, si besoin est, pour empêcher la “perte” de ces territoires.

La preuve en est, que récemment, et antérieurement à l’Irak, en Syrie, il y a eu d’innombrables abominations, notamment contre les chrétiens, et la prière a été jugée suffisante pour y faire face (sic).

Comment ne pas penser que le risque de disparition définitive du christianisme en Syrie qui n’était pas avéré, explique la différence de réaction ?

Il parait donc évident que ce changement d’attitude face à l’expansion, avec des pratiques horribles et monstrueuses, de l’Islam en Irak, s’explique d’abord par le refus de cette conquête, par la hiérarchie catholique, qui estime inacceptable la disparition du christianisme, dont le catholicisme, dans cette partie du globe.

Etant donné que l’Islam, par nature, ne peut que continuer à essayer de faire disparaître, ou à défaut de soumettre, le christianisme, il y a tout lieu de croire que plus ça ira, plus l’Eglise Catholique sera contrainte de s’opposer à lui.

Cette évolution prévisible de l’Eglise Catholique à l’encontre de la conquête islamique est bienvenue pour tous les laïques – qu’ils soient athées ou croyants de toutes les religions, y compris les laïques musulmans s’il en existe – engagés dans la lutte contre l’expansion de l’idéologie funeste, totalitaire et ségrégationniste, propagée par l’Islam.

Pierre Mazers

 

 

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