Accommodements “raisonnables” alimentaires dans 30 communes d'Ile-de-France : quelques chiffres

J’ai déjà eu l’occasion de lutter contre les préjugés pro islamiques qui détruisent la conception laïque du vivre ensemble dans ma bonne ville d’Argenteuil. J’ai ainsi dû m’opposer à ce que des parents d’élèves détournent un budget alimenté par tous et destiné initialement à l’organisation d’une kermesse laïque vers le soutien du culte musulman et d’une filière alimentaire communautaire. Il s’agissait de présenter comme normal et sans incidence la décision de financer de la nourriture halal pour cette manifestation festive .
On imagine facilement l’effet de levier que cette décision de financer du halal entre parents d’élèves aurait eu si elle avait perduré. Elle aurait pu permettre tôt ou tard de faire pression sur l’équipe municipale en ces termes « Monsieur le maire, inspirez-vous de la sagesse de vos administrés qui quand on les laisse décider entre eux savent respecter les traditions de chacun (viande halal dans toutes les kermesses de la commune) alors que vous, vous persistez, au nom d’une laïcité frileuse à imposer tous les jours de la viande impure à nos enfants dans les cantines de la commune.»
Bien sûr, fidèle à la démarche des petits pas qui permet de faire mûrir le fruit, de créer la confusion dans le camps laïque et de mieux armé le piège, certains de mes concitoyens (pas forcément musulmans) penseraient sans doute, au préalable, à demander à la mairie, au nom des valeurs d’accueil, de tolérance et de respect de la diversité, que les “traditions” alimentaires musulmanes soient “respectées” lors des évènements (réceptions, banquets, pot d’honneur, …) donnés à l’Hôtel de Ville.
Une des nombreuses justifications qui m’avait été donné, à l’époque, pour justifier ce détournement de fond avec abus de confiance était que : proposer à tous de la viande halal n’était finalement qu’une mesure de compensation assez modeste au motif que, tous les vendredi, un plat de poisson était imposé à tous les enfants. En jouant sur le sentiment d’égalité de traitement entre les religions, cet argument affirmait :
1) du poisson tous les vendredis à la cantine, c’est chrétien ;
2) acheter du halal une fois par an pour la kermesse : c’est vraiment peu demander par rapport à ce favoritisme traditionnel pour la religion chrétienne.
En réalité, il s’avère que les écoles d’Argenteuil, non contentes de ne respecter aucun impératif alimentaire chrétien, s’imposent l’obligation de proposer systématiquement à tous les enfants musulmans un plat alternatif lorsque du porc est programmé au menu. De cette façon, elles mettent en pratique l’interdit mahométan qui bannit la viande de porc de l’alimentation du musulman pratiquant.
Ce qui m’avait frappé à l’époque, outre le mensonge éhonté, c’était que les 7 personnes qui participaient à la réunion interne à l’association où ma dissidence avait été examiné croyaient “dur comme fer” à cette injustice imaginaire envers nos compatriotes de confession musulmane.
Pas une n’avait vérifié quoi que ce soit mais chacune était d’accord avec les autres pour considérer que les musulmans étaient victime d’une discrimination de la part de l’école républicaine.
Que l’on puisse considérer comme une évidence, une contre vérité aussi facile à vérifier me semblait relever d’un déni de réalité ou tout au moins d’un a priori massif et profond éminemment contraire à la raison.
Encore avais-je l’espoir, à l’époque, que ces préjugés erronés victimisant les français de confession musulmane, tous considérés comme désireux de vivre selon les règles de la charia, n’existaient que parmi les parents d’élèves du quartier d’Argenteuil où j’habite. Quelle ne fut pas mon irritation et mon désarroi, lorsque j’entendis André Glavany (un des membres de la commission Gérin les plus laïques) affirmer (lors de l’audition de M. Bauberot le 21/10/09 à 1 heure 6 minutes et 30 secondes du début de la vidéo mise en ligne sur http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/voile-integral/voile-integral-20091021-1.asp) qu’il serait prêt à accepter des accommodements raisonnables pour les menus des cantines dans la mesure où l’église catholique imposait le poisson tous les vendredis à l’école.
Sans doute M. Jean Glavany avait-il des données dont je n’avais pas connaissance ? Il est clair pour moi qu’un élu républicain et laïque aussi conséquent que M. Glavany ne peut pas communiquer publiquement une posture générale (en l’occurrence favorable à la prise en compte d’injonctions confessionnelles dans la composition des menus des cantines des écoles laïques) sans s’appuyer sur des données vérifiées et un argumentaire étayé.

N’ayant pas ces éléments, j’ai donc écrit au représentant du peuple qu’est M. Glavany pour lui demander :
1) quels étaient les éléments sur lesquels ils se fondaient pour affirmer que les églises chrétiennes imposent des plats de poissons tous les vendredi dans les écoles de la République et
2) en quoi, si c’était le cas, cela justifiait, du point de vue laïque qui est le sien, d’accepter que l’école de la République impose un impératif religieux supplémentaire (celui de l’islam ou d’une autre religion) à nos enfants.
Néanmoins, pour me faire une petite idée avant que M. Glavany n’éclaire ma lanterne, j’ai engagé une enquête sur Internet concernant les interdits alimentaires religieux chrétiens et musulmans dans les cantines d’une trentaine d’écoles en Ile de France .
Ainsi, quand je trouvais sur Internet les menus des écoles d’une ville, je vérifiais si ces menus incluaient tous les vendredi un plat de poisson (impératif chrétien) et s’ils incluaient un plat alternatif quand du porc était prévu (impératif musulman).
Les résultats de cette enquête sont éloquents. En voici la synthèse :
• sur les 30 communes de l’Ile de France considérées, seules 2 ne prennent pas en compte un quelconque impératif confessionnel pour élaborer les menus des enfants fréquentant l’école laïque. Parmi ces deux communes, on compte celle de Maison-Lafitte présidée par Jacques Myard.
• Parmi les 28 restantes, 2 ne respectent que l’impératif alimentaire chrétien.
• Les 26 autres communes restantes appliquent l’impératif musulman concernant la prohibition du porc. Parmi ces 26 communes islamisées, la moitié (13) n’applique que l’injonction musulmane, les 13 autres utilisent les pouvoirs et moyens municipaux pour appliquer la règle alimentaire chrétienne et la règle alimentaire islamique.
De plus, il faut savoir, si j’en crois l’exemple d’Argenteuil, que le choix de faire pratiquer l’impératif islamique de prohibition du porc dans les cantines municipales entraîne une ribambelle de comportements qui donnent une image totalement dévoyée de ce qu’est la laïcité à nos enfants (et à leurs parents) :
• recensement déguisé par la mairie de la religion des parents à qui il est demandé de “choisir” entre un “régime” sans porc et un “régime” avec porc dès l’inscription des enfants à la cantine,
• obligation imposée par la mairie à tous les parents (même ceux pour qui le porc ne recèle pas de vertu démoniaque particulière) de devoir choisir entre ces “régimes” alimentaires non médicaux et de complaisance sous peine de voir leur dossier d’inscription refusé,
• obligation faite aux parents qui ont choisi d’émanciper leur progéniture de toute injonction religieuse quant à leur nourriture de devoir restreindre volontairement la liberté de leurs propres enfants qui se verront refuser ou imposer un plat, en toute impunité par les agents municipaux, au motif qu’ils sont ou ne sont pas musulmans,
• prise de conscience par tous les enfants des contraintes que font pesés sur eux les a priori alimentaires confessionnels de certains, a priori religieux relayés et légitimés par la mairie
• attribution aux agents municipaux du rôle de bras armé dans l’application d’un interdit religieux alors que, payés par les impôts de tous les citoyens de la ville, leur travail devrait seulement consister à assurer la distribution des repas selon les principes du triptyque républicain sans respect particulier pour une règle confessionnelle ou une autre,
• dévoiement des finalités de la Caisse des Ecoles, cet établissement public communal censé dans toutes les communes, comme cela est clairement explicité sur le site de la mairie d’Argenteuil, « proposer des menus élaborés selon un plan alimentaire garantissant l’équilibre nutritionnel du déjeuner et tenant compte des recommandations relatives à la nutrition en restauration scolaire qui cadrent la quantité, la fréquence et la qualité des plats proposés »
• formation de deux groupes dans la cour avant de rentrer à la cantine (les “sans porc” et les “avec porc”) pour faciliter le service et éviter les « erreurs » blasphématoires d’attribution d’un plat haram à un enfant considéré par la mairie et ses agents comme musulman
• traitement différent des enfants selon leur religion supposée
• facilitation et justification de l’éventuelle pression communautaire à l’encontre d’un enfant qui tenterait de s’émanciper des lois de la communauté à laquelle on l’assigne en échangeant sa nourriture avec son copain considéré par la mairie d’une religion différente de la sienne, etc …
M. Glavany a-t-il, sur un échantillon plus large donc plus représentatif, des chiffres aussi alarmants ?
Ai-je joué de malchance en trouvant les menus de ces 30 communes d’IdF ?
Comme ma lettre est partie début décembre et que je n’ai toujours pas reçu de réponse de sa part en ce mois de février, je commence à penser que mes questions ne sont pas proches de trouver une réponse de notre député et que j’ai été finalement bien inspiré de me faire ma propre idée sur la question sans attendre l’éclairage autorisé de notre député.
En effet, j’ai bien peur que M. Glavany n’ai été victime d’un oubli… à moins que les mêmes préjugés massifs qui font prendre des vessies pour des lanternes à certains parents d’élèves de mon quartier soient à l’oeuvre également auprès de ce député réputé être des plus laïques.
Selda

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