En gage de combats communs, à nos amis de Riposte Laïque, au sujet de Marine Le Pen

Un débat franc et direct s’est engagé avec Pierre Cassen, par l’entremise de plusieurs amis communs, Bonapartine, Alain Rubin, qui collaborent avec nous, dans la blogosphère (lessakele, aschkel.info , interviews de P. Karsenty, Bat Ye Or, Emmanuel Navon …). Le thème en est :
– la capitalisation du succès des Assises sur l’Islamisation à l’échelle européenne et les risques de captation du thème par la nouvelle égérie (Marine Le Pen) d’un parti populiste né dans les années 70 (le FN),
dont l’héritage serait en voie de transmission et de transformation, d’après ce qu’en dit la chronique.
Un média suscitant l’adversité, Riposte Laïque, a popularisé une séquence choquante de la dé-laïcisation de l’espace public français (vidéos de Maxime Lépante) : les prières de rue dans le XVIIIè, à Paris, puis dans des dizaines d’autres quartiers de grandes villes de France. A tel point que, n’y tenant plus de cacher ces derrières religieusement exhibés à la face de Marianne, un beau matin, le discours politique s’empara de l’obscénité, au regard des codes élémentaires du « vivre-ensemble » (comme disent nos chers sociologues fondus à la théologie de l’excuse permanente).
Le second problème, qui ricoche du premier, n’est pas tant que ce soit la prétendante aux primaires du Front National, Marine Le Pen, qui s’y colle la première. C’est aussi que les gorges déployées de toutes les bonnes âmes qui guident le débat public en France se lèvent comme un seul pour enterrer le « scandale » sous un plus grand encore, à leurs yeux, sur l’air de : « la bête immonde est revenue ! ».
Quand je parle de « captation », en effet, c’est que j’entends bien que le débat appartienne, d’abord, à la sphère de la prise de conscience citoyenne, chacun votant en conformité avec lui-même. Et, deuxièmement, que le débat engagé est trans-partisan, multiconfessionnel et laïc. Un sondage IFOP, publié pas plus tard qu’hier dans (excusez du peu) Le Monde, repris par Le Figaro, vient illustrer ce que j’énonce : L’islam inspire la crainte en France comme en Allemagne.
40% d’Allemands et de Français considèrent que l’Islam représente une menace. Personne ne me fera croire qu’il y a 40% d’électeurs potentiels du Front en France ET en Allemagne (ou alors il faut libérer l’Alsace et la Lorraine). Rien n’empêche à ce parti d’essayer d’en tirer force politique et argumentaire, ou aux autres de se tromper définitivement de combat, en ce qui s’exprime et remonte du peuple (avec toutes les réserves scientifiques à propos de la technique).
Ce qui est sûr est que « l’indignation » sélective, suite au discours à Lyon, du 10/12/10 est réduite à peau de chagrin, nulle et non avenue. Aussi, ce coup de sonde fait-il une radioscopie de tout le spectre et rend, à tout le moins, la question en soi, légitime. C’est le premier point. Un avenant est encore de démontrer que la question est « européenne » -chez les deux principales locomotives de l’Union- et fait fi des frontières, ce qui est le point commun, plutôt avec les Assises qu’avec les Primaires et le lancement de la Présidentielle hexagonale.
D’autre part, qu’un point de programme de ce parti vient à rebours de ce diagnostic partagé : la prétendue « sortie de l’Europe ». On y entre, au contraire, sur le mode réticulaire, mais avec toutes les précautions et réserves qui s’imposent en matière de contrôle, d’identité, de culture… Il ne faut pas, là encore, se tromper de combat et identifier l’entrisme islamiste au symptôme mortel de la « mondialisation économique », même s’il en est bien un avatar.
Jusqu’à un certain point, on a pu croire que cette conscientisation reste doublement empêchée :
– par le discours bien-pensant régnant en maître au sein des courants et des partis ;
– par le mode même d’incubation dont l’islamisation réussit graduellement l’exploit en Europe, et, principalement, en France, si on se réfère aux analyses de contre-terrorisme d’Eric Denécé ( www.cf2r.org ) : l’application du principe de Galvani. Une grenouille plongée dans l’eau bouillante bondit hors de l’eau, alors que nageant dans l’eau doucement portée à ébullition, elle se laisse cuire vivante… C’est bien, semble t-il ce qui est en train de se produire dans l’Hexagone, à l’instar de Bruxelles, Rotterdam, Malmö, au Londonistan, pour ne citer que quelques villes-phares du Califat en Europe. Pire, si on y ajoute les attentats de Stockholm, Londres, Madrid, ou les arrestations récentes à Copenhague, Milan, … A savoir que même la grenouille ébouillantée par la menace d’attentat (qui prévaut en France depuis dix ans), ne « surgit plus hors du bain », mais au contraire, réclame un supplément d’eau tiède pour mieux se laisser endormir.
A l’heure qu’il est, la France pluraliste n’a réagi que sur des extrémismes vestimentaires, du type de la burqah qui cache mal la forêt de voiles. Le projet est venu d’un communiste réformateur, André Gérin et a été porté par Jean-François Coppé, longtemps n°1 de l’UMP. C’est bien maigre, au regard de l’épaisseur du dossier qui concerne, pêle-mêle : la hallalisation des cantines de l’éducation nationale, du Quick, mais aussi de la police et de la Garde Républicaine, la finance allant à l’avenant, grâce à Mme Lagarde, les piscines privées grâce à Mme Aubry… Et aussi de belles envolées de palestinisme courroucé (Gaza, Mavi Marmara), pour ce qui concerne les inquiétudes qui ne devraient pas être uniquement celle de la communauté juive, pour l’excellente raison apportée par Bat Ye Or : la Cause « Palestinienne », en novlangue eurabienne, vaut monnaie de conversion pour mieux chasser toute référence à l’Etat-Nation et promouvoir le multiculturalisme -à l’avantage d’une seule culture absorbante comme la couche-culotte-, le mauvais exemple à vilipender étant imputé à l’Etat hébreu, contre les Entités supranationales (UE, OCI, Anna Lindh de votre chère Caroline…).
Les bandes de quartier à Grenoble et ailleurs participent de l’extension de l’Intifada contre les institutions, mais aussi de la chasse anti-blanche, par prolongement direct ou indirect de l’antisémitisme musulman à tous les « kouffars » confondus. L’Imam Qaradawi, à l’UOIE se charge du volet « endoctrinement » de ces éternels inorganisés. Si on me demande le rapport avec la choucroute d’Hénin-Beaumont et les prières publiques, je dirais : les deux, mon capitaine, ont en commun de ne pas échanger la paix (sociale ou entre nations constituées) contre des territoires, mais vouloir y imposer l’islamisation comme valeur universelle et sans altérité possible, qui, en soi, est un blasphème contre le Prophète.
Sur ce point, la ligne du parti est imperturbable et confondante de banalité, rejoignant les approches bien-pensantes des autres droites et gauches, jusqu’aux extrêmes. Ce n’est plus le cas de la Liga Norte, du Vlaams Belang, du FPÖ de H-C Sträche, et bien moins encore de Geert Wilders, sans compter Wafa Sultan et bien d’autres. Plus intéressant encore, des contacts existent, tant dans la Communauté juive qu’aux Assises, avec des représentants du mouvement Kabyle. La persécution des Chrétiens d’Orient est un motif d’indignation qui se surajoute aux velléités d’indépendance des Chrétiens du Sud-Soudan. Bref la question des minorités importe.
Ce qui nous ramène au cœur de débat, tout ostracisme mis à part, au lendemain du « discours de Lyon » (10-12-2010).
Faut-il dialoguer avec les membres, voire dirigeants du FN loyaux et sincères partageant un ensemble de préoccupations sur ce thème, qui, fort heureusement, dépasse de bien loin celle de constituer un programme pour un parti unique ? Oui, dans la mesure du respect du pluralisme et du contrat républicain. Pas dans le sens d’une intox idéologique. Si réforme interne il doit y avoir, elle se fait aussi en composant avec des opinions partagées, « pressions » extérieures. Et pour cela, il convient de consolider une identité éditoriale ou politique. Ne pas en perdre son latin laïc.
Faut-il laisser des thèmes être, une fois encore, confisqués par un (ou une) seul (e), grâce aux maladresses répétées et consensuelles à l’envi du chœur des partis politiques en pleureuses outragées ? Je crois qu’il y a un piège et un chantage à l’enfermement dans des clivages politiciens auquel tout mouvement citoyen se doit d’être sensible. Il est, d’ores et déjà, contrecarré par les tendances dans l’opinion, permettant de poursuivre sans complexe ni étiquetage accommodant pour des adversaires acharnés.
La question subsidiaire est celle de l’évolution interne de ce parti, de ses origines à nos jours, de ses réflexes, voire ses archaïsmes, et du contenu émotionnel sur lequel il surfe pour faire le plein de voix, sous l’impulsion de sa probable prochaine conductrice. D’abord, c’est son problème.
Il faut, certes, se référer, à la fois à la conférence de presse de Marine Le Pen du 13 décembre 2010, à son discours sur la laïcité devant l’assemblée régionale du Pas-de-Calais et à ses points positifs ; à la mise à l’index de la précédente « rénovation », entamée par le père, avec Soral, l’ancien communiste et son inséparable Dieudonné…
Dans le cadre des « primaires », jusqu’à présent, la « rénovatrice » présumée accomplit un « sans faute ». La nouveauté serait de la voir renouer avec les valeurs républicaines [l’ancienne extrême-droite étant née contre la Révolution Française, puis contre Dreyfus, ensuite, lors d’une autre « révolution nationale », où nombreux étaient les anciens de la SFIO-Pierre Laval, Bousquet, Doriot… etc.]. Si la République officielle (Assemblée Nationale) va à l’encontre de la laïcité et du débat public, et que la représentante d’un parti longtemps considéré comme « antirépublicain » défend ces valeurs bafouées, il va de soi que les Républicains sincères passent en dissidence et ne voient plus « le mal » où l’on dit qu’il est, mais dans la cause première du trouble à l’ordre « public » : la revendication outrancière par « l’occupation » et la ruse du droit du sol, pour y importer et imposer un « ordre nouveau » : celui, islamique du Califat.
De façon plus structurelle, et c’est là où s’exerce mon scepticisme : je crois qu’on ne réforme pas les mentalités par décret ou par discours enjôleur, plus particulièrement, au sein d’une telle mouvance. Tout ce qui va en ce sens est salutaire et à observer avec circonspection, quoi qu’il en soit. Mais, il s’agit d’une structure lourde, dont la rénovation aurait aussi pu avoir lieu bien plus tôt, dès la génération d’avant, si elle l’avait vraiment voulu.
Or les clivages politiques, par le jeu des oppositions idéologiques passant pour « viscérales », ont fait que ce populisme de droite a été le meilleur allié objectif des lourdeurs conservatrices de la « gauche », et le fossoyeur des valeurs fondamentales de la nation, par ses relents de xénophobie et d’antisémitisme instrumental. Deux millénarismes s’affrontent en apparence, mais se confortent l’un l’autre dans un jeu de rôles « fascistes »/ « antifascistes » pour mieux que rien ne change ou pour exprimer leur hantise de ce qui bouge (les lignes). La « nation » mystique que construit le populisme se bâtit par opposition à un « Autre ». Le thème de « l’envahisseur » ou de « l’ennemi intérieur » ne lui est pas « étranger », si on peut dire, sinon qu’il peut varier avec les époques. Le fait est qu’il faut qu’il existe pour que son exclusion, de fait ou de mœurs, constitue la cohésion du groupe réputé national.
L’islamisation apparaît là opportune pour consolider l’objectif de cohésion et ranimer la petite flamme au milieu du logo, mais comme un cas de figure parmi d’autres possibles. Gage supplémentaire, merci l’IFOP, le thème marketing marche mieux que le révisionnisme de Papa ou la place des Juifs dans les médias. Que croyez-vous qu’elle fît, pas folle la guêpe ? L’illusion serait de croire que, parce que ce raffermissement partisan fonctionne comme opérateur de rassemblement, il ait aussi le pouvoir de transformer les valeurs et attitudes auxquelles ce parti reste connecté pour s’ajuster au dénominateur commun du pluralisme comme espace de débat inviolable.
Le déterminant identitaire du rassemblement plus large dans le combat contre l’islamisation est qu’il constitue un front global. L’autre question serait de déterminer si ce parti est, pour autant, à même de proposer un programme susceptible d’aborder d’autres thèmes, au-delà des sujets protestataires.
Je ne citerai rapidement que deux exemples à creuser : le protectionnisme en économie, qui est à l’origine de la chute de Barack Obama et la question européenne. Pas le temps de faire « l’apologie de Strauss-Kahn », restons-en donc au second :
Certes, Marine est fine pénaliste, mais il n’est pas certain, qu’ayant suivi la filière « carrières juridiques et judiciaires », elle ait parachevé sa formation en droit européen. Si ce point de programme reste identique à lui-même : l’option pour la sortie, peut-être s’avance t-elle vers bien des déconvenues. Ce qui tend encore à démontrer que les effets d’annonce populistes, la condensation du mécontentement porté à incandescence est le point réel, mais implicite, du programme. Non l’étude de dossiers nécessaire à la gestion des affaires courantes. Là où se situe le point de rupture entre politique et démagogie, même si on peut perpétuer le sport national du jeu de massacre contre « l’UMPS ». En théorie, la France peut sortir de l’Union, en théorie, seulement. Concrètement, tout a tellement été cloisonné tout au long des traités, la France ayant toujours été une des locomotives, avec l’Allemagne, qu’à ce stade, cette proposition reste une énormité. Ceci n’empêchant pas de reparler de l’avenir de l’Euro comme monnaie unique (Grèce, Irlande, Portugal, …). Elle est un indice qu’une partie majeure du programme sera à l’avenant : celui d’un parti protestataire à orientations parfois passéistes, nostalgiques, maniant les vieilles ficelles.
Comme on dit chez nous, il faut savoir « Raison Garder ».
Bien cordialement,
Marc Brzustowski

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