L'Observatoire de la diversité audiovisuelle, machine de guerre communautariste

Nous sommes heureux et fiers de vous annoncer la naissance d’un énième bidule indispensable, par décision du CSA : l’Observatoire de la diversité audiovisuelle (1). Bien entendu, l’inénarrable Halde est dans le coup. Et tenez-vous bien, le bébé nous créé au passage un nouveau délit : le « dénigrement de communautés ».

Représentation de la diversité

Le Machin, présidé par Rachid Arhab, aura pour mission de « veiller à la représentation de la diversité de notre société dans les médias audiovisuels. Miroir de la société, les médias se doivent de présenter un visage conforme à la France d’aujourd’hui. Cette diversité constitue un facteur essentiel de cohésion sociale. Le CSA souhaite donc inciter les opérateurs à favoriser cette diversité dans les programmes audiovisuels et à lutter contre les discriminations. »
Il s’agit donc d’« améliorer cette représentation de la diversité, (…) depuis la politique des ressources humaines jusqu’à l’écriture des fictions, le choix des documentaires, voire le traitement de l’actualité ».
Diantre, voilà qui pique notre curiosité ! Comment le Truc va-t-il pouvoir mesurer la diversité, en l’absence de pouvoirs d’investigations et de statistiques ethniques ?
… Car pour prétendre pouvoir représenter la diversité, encore faudrait-il en avoir une image précise. Au grand dam de nos amis bidulistes, le Conseil Constitutionnel n’a pas jugé conforme à nos traditions juridiques d’y souscrire.

Statistiques ethniques et discrimination positive

Vous l’aurez compris, la naissance de cette merveille implique la mise en œuvre de statistiques ethniques et de mécanismes de discrimination positive. Ca tombe bien, notre Président bien-aimé vient justement d’installer le Comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, présidé par Simone Veil, qui a pour mission d’« inscrire l’égalité hommes-femmes, le respect de la diversité et la bioéthique dans le préambule du texte fondateur de la Ve République » (2). Tout se tient.
D’ailleurs, le CSA ne s’en est jamais caché.
Voici ce qu’on peut trouver dans la littérature du Schmilblick :
« 1.2. La nécessité de procéder à une étude quantitative de la diversité dans les médias. S’il est un point qui a suscité un consensus parmi l’ensemble des personnes auditionnées, c’est bien celui de la nécessité de quantifier la diversité. Mme Anne Debet, Commissaire à la CNIL, a estimé que “pour mesurer, il faut des statistiques”. »
Ou encore :
« Le Conseil a enfin lancé, en décembre 2007, un appel d’offres pour la réalisation d’une nouvelle étude quantitative et qualitative sur la diversité dans les médias audiovisuels dont les résultats devraient être rendus publics au cours du dernier trimestre 2008 »

Des progrès ont pourtant été accomplis

Les récents progrès enregistrés dans la représentation des « minorités visibles » et salués par le rapport annuel du CSA n’étaient sans doutes pas suffisants pour combler l’insatiable boulimie législative présidentielle : « Nous avons assisté à un léger mieux dans la société sur la question de la diversité mais cette démarche reste pour l’instant trop générale, voire simplement généreuse » a-t-il commenté, précisant qu’il n’était « pas un farouche partisan des quotas » (Rachid Arhab).
Et en effet, l’heure est grave :
« “Toutefois, nous apportons quelques bémols à cette situation” (…) En effet, chez TF1, dans les contenus comme les séries, il n’y avait toujours pas en 2005 de héros issu des minorités. Pour sa part France Télévisions ne valorise pas suffisamment l’apport de RFO. Chez M6, l’information est à la traîne dans le cadre de la diversité. “D’une manière générale, dans les programmes pour la jeunesse, les minorités sont peu présentes. En outre, les minorités asiatiques sont quant à elle très peu représentées”, précise Laure Leclerc.
Sur Arte notamment, aucune minorité n’est représentée. De même, côté emploi, la diversité n’est pas du tout représentée dans les postes d’encadrement, notamment éditoriaux. “On a même régressé car la diversité était représentée chez France Télévisions avec un responsable de programmes, qui a été licencié”, rappelle Amirouche Laïdi. (3) »….

Des dispositions déjà inscrites dans la loi

Nadine Morano avait d’ailleurs craché le morceau au Sénat, lors du débat sur l’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (4): « la mission (de l’Observatoire) est de suivre l’application des politiques d’amélioration de la représentation de la diversité ». Il existerait donc déjà des politiques de représentation de la diversité ?!!
Et oui. La promotion de la diversité est inscrite dans le droit français depuis 2006, avec la loi n° 2006-396 pour l’égalité des chances (5), qui dispose que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de radio et de télévision, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète la diversité de la société française. Il rend compte dans son rapport annuel de l’action des éditeurs de services dans ce domaine. »

Novlangue et réécriture de l’actualité ?

On touche les sommets de l’ineptie avec le respect de la diversité dans le traitement de l’actualité. Peu importe qu’il n’y ait pas d’actualité spécifique sur telle minorité, il faudra bien trouver des angles journalistiques pour nous tenir informé heure par heure des derniers développements captivants de l’artisanat des personnes de référence afro-maghrébine™ en Seine-Saint-Denis, ou des dernières tendances vestimentaires chez les sapeurs zaïrois. Il va sans dire qu’il serait désormais très inapproprié de stigmatiser les jeunes des quartiers issus de la diversité citoyenne © lorsqu’ils délinquent un petit peu, les médias étant conviés à présenter les minorités sous un jour positif et/ou convivial.

La Halde n’est jamais loin…

Pour les besoins de la cause, il y aura un partage des compétences avec l’inévitable Halde : « les plaintes en matière de discrimination seront traitées par le CSA dès lors qu’elles concernent un fait visible à l’antenne des chaînes (dénigrement de communautés, incitation à la haine raciale, respect des obligations des chaînes en matière d’exposition des minorités visibles et en matière d’accès des programmes aux personnes sourdes et malentendantes), la HALDE exerçant sa compétence pour toutes les autres plaintes en matière de discrimination audiovisuelle (gestion du personnel, politique d’accès aux plateaux. »
Car le machin aura bel et bien des pouvoirs de sanction pour « sanctionner un diffuseur dont les programmes seraient discriminatoires ».
… Mais qu’est-ce donc qu’un programme discriminatoire ?
Tout simplement un programme qui ne respecterait pas le quota officiel de caucasiens, noirs, jaunes, sans parler des minorités sexuelles visibles et autres personnes souffrant de handicap.
On attend impatiemment le quota de personnes souffrant de déficiences cognitives et autres altercomprenants.

Un nouveau délit pénal

Au passage, le bidule nous créé un nouveau délit qui ne figure pas dans le code pénal, le « dénigrement de communautés ». On a beau chercher, nulle trace dans les Articles 225 du code pénal, ou dans la Loi de 1881, qui répriment les provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse, la diffamation ou l’injure publique raciale, nationale ou religieuse.
Il ne s’agit pas ici des ethnies ou des « races », noirs arabes chinois, dont la diffamation, l’injure, la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse est déjà punie par l’article cité plus haut.
… Communauté, ça ne vous rappelle rien ? La communauté juive, la communauté musulmane, la communauté d’Emmaüs ? Voilà qui évoque fâcheusement les communautés religieuses, et en particulier l’Ummah, la communauté des croyants en islam, qui justement, n’avait pas encore son délit spécifique comme les juifs ont le délit d’antisémitisme. Le CSA vient tout simplement de créer le délit d’islamophobie réclamé par l’UOIF et l’OCI, et dont pourront se prévaloir toutes les communautés religieuses pour faire taire la critique. Robert Redeker a du souci à se faire…
En résumé, le bidule, anodin au premier abord, se révèle une redoutable machine de guerre pour installer durablement le modèle communautariste dont rêvent de concert Nicolas Sarkozy, le CRAN et l’UOIF.
On se consolera en imaginant les circonvolutions reptiliennes dans les cerveaux des membres du CSA, pour répondre à ces questions brûlantes : faut-il comptabiliser Magloire comme gay ou comme noir ? Djamel figurera t-il plutôt dans la colonne arabe ou handicapé ? Et surtout, que compte faire le CSA au sujet de la représentation des minorités visibles auprès des non-voyants ?
Ratafiole
(1) http://www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=126174
(2) http://www.lefigaro.fr/politique/2008/04/16/01002-20080416ARTFIG00005-constitution-lepreambule-redige-avant-fin-juin.php
(3) http://www.latribune.fr/info/Diversite-des-origines–les-medias-doivent-aller-plus-loin-~-ID2F5434EFC2B90679C1257222004ED1A4-$Db=Tribune/Articles.nsf-$RSS=1
(4) http://www.senat.fr/seances/s200804/s20080409/s20080409009.htmlhttp://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000268539&dateTexte=
(5) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068930&dateTexte=20080520

image_pdfimage_print