Pierre-Marie Gallois, un ami irremplaçable, un modèle et un exemple

Einstein a dit un jour : la seule chose qui nous donne une idée de l’infini, c’est la bêtise.
On peut malheureusement mesurer tous les jours la justesse de cette constatation. Comment ne pas considérer comme une stupidité monumentale le fait que Pierre-Marie Gallois n’ait pas été honoré d’un poste majeur de responsabilité dans la conduite des affaires de notre pays ? Comment un homme aussi averti de la géostratégie internationale, aussi expérimenté et talentueux, et en même temps aussi brave, aussi honnête – et aussi sympathique – n’a-t-il pas accédé au cours de sa carrière aux plus hautes fonctions de l’Etat, ou du moins n’a-t-il pas été invité plus souvent aux innombrables débats de la télévision et de la radio, et respectueusement écouté pour sa lucidité et ses conseils ? Cet outrage au bon sens, et au mérite, en dit long sur la médiocrité du recrutement de nos dirigeants et de nos informateurs, et justifie l’amère observation de l’inventeur de la relativité.

Peut-être ne devrions-nous pas le regretter, car si Pierre-Marie Gallois avait été à la place qu’il aurait du occuper dans l’estime de la nation, il aurait risqué d’apprécier moins la place qu’il a occupé dans l’affection de ses amis. C’est ce que nous lui disons en ce triste moment où il nous quitte : ne regrettez rien, général, vous n’avez peut-être pas conquis un bâton de maréchal au gouvernement, mais vous vous êtes enraciné comme un arbre dans nos cœurs.
Les aventures au plus haut niveau n’ont pas manqué à l’auteur du “Sablier du siècle”. Sa vie a été une succession d’épisodes passionnants dont le récit se lit comme un roman, depuis sa guerre de pilote de la célèbre escadrille Normandie-Niémen jusqu’à ses vibrantes dénonciations du démembrement occidental de la Yougoslavie, en passant par son combat pour l’indépendance de la France, un combat qui a doté notre pays de son armement nucléaire. Je laisse aux biographes le soin de les énumérer. Mais ce qui m’a frappé chez ce grand soldat de carrière, moi qui suis peu militaire de tempérament étant plus libertaire que discipliné et n’ayant jamais dépassé le grade de caporal-chef-pilote, c’est la rare combinaison d’intelligence, de courage et d’humanité qui sont le propre d’une personnalité hors du commun.
Jusqu’à ses derniers jours, il n’a cessé de commenter l’actualité mondiale avec une pertinence rare, accumulant des livres qui sont devenus des ouvrages de référence. Et ce qui était le plus attachant, c’était sa constante disponibilité, sa courtoisie, sa gentillesse, l’ardeur infatigable qu’il mettait à rechercher la vérité associée à la cordialité d’un gentilhomme d’un autre siècle. Pour défendre ses idées, il ne refusait jamais un discours, une réunion, un article ou une signature. Et il nous gratifiait de son accord avec une modestie loin d’être à la mesure de sa valeur, mais qui donnait encore plus de force à sa tranquille autorité.
J’ai déjà eu l’occasion de dire combien l’expérience de notre journal B. I. m’avait valu de faire la connaissance de femmes et d’hommes de qualité venus d’horizons variés. Pierre-Marie Gallois en a fait partie, bien sûr, sans doute un des plus célèbres, certainement un des plus admirables. Des nombreuses vertus dont il était pétri, il en est deux que certains considèrent comme vieillottes, mais qui sont essentielles et qui manquent tragiquement à la plus grande partie de nos “élites” : ce sont l’indépendance et le courage. Dans ce domaine, Pierre-Marie Gallois était un homme d’une trempe exceptionnelle, capable de manier aussi bien le sabre de la bataille que la plume de la liberté.
Qu’on me permette de dire, en hommage sincère exprimé avec humilité, que cela a fait de lui plus qu’un ami irremplaçable, un modèle et un exemple que beaucoup gagneraient à imiter.
Louis DALMAS
Directeur de B. I.
http://www.b-i-infos.com

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