Sioniste ! L'injure suprème des coucous qui tiennent la Libre Pensée

Un récent article que j’ai écrit pour la Riposte Laïque commentait le vote unanime des 200 délégués au dernier congrès de la Libre Pensée ; il semble faire jaser le landerneau « trotskiste orthodoxe ».
Des gens, que je n’ai encore jamais rencontrés, se mettent à causer de ma modeste personne, comme si j’étais un important personnage et, surtout, comme si j’étais un criminel. Se sentiraient-ils menacés par ma critique, « insignifiante et opportuniste » ? et probablement inconnue de la très grosse majorité des gens qu’ils influencent.
Rappelons que le dit vote « unanime » des deux cents « délégués » dénonçait, comme « liberticide », le projet de loi contre la bourqua- tchador-niqab dans l’espace public.
Dans cet article, je reliais ce vote unanime, – qui m’a fait penser à d’autres votes unanimes, en d’autres lieux et d’autres temps, je veux parler des votes « fièrement staliniens » de ces délégués unanimes et « enthousiastes », je veux parler de ces votes des défenseurs de la « ligne générale léniniste » à l’occasion des congrès du parti bolchevique devenu une grosse machinerie bureaucratique et totalitaire-. Je reliais ce vote de délégués « libres penseurs » aux positions pro Hamas, pro Hezbollah, Pro Ahmadinejad du groupe politique pseudo trotskiste*1 qui a pris le contrôle de manettes de la Libre Pensée. Ce groupe utilise la vénérable institution comme un petit nid douillet où il pense pouvoir faire couver ses quelques rares œufs aux fins de renouveler un petit peu son modeste poulailler.
L’oiseau laïque ne devrait pas être trop regardant. Il devrait même, lui aussi, se nourrir du brouet « dialectique » de nos coucous ; il devrait déclarer : « que c’est un libre choix de se vêtir comme on veut » le fait d’enfiler en France la camisole de bagnard des femmes afghanes, saoudiennes et iraniennes, camisole de force que des activistes « volontaires », instrumentalisées par les salafistes, voudraient imposer progressivement à toutes les filles et femmes musulmanes de ce pays, puis à terme, comme à Gaza, à toutes les femmes de France, même les non musulmanes.
Notre coucou pondant dans le nid laïque voudrait que l’on s’incline bien bas devant sa découverte dialectique : la liberté individuelle de certaine femmes passe par la dictature vestimentaire. Le port de l’outil vestimentaire d’affirmation permanente et définitive de l’infériorité de la femme et du caractère satanique de ses courbes doit pouvoir demeurer un droit, quels qu’en soient les effets.
Un droit à se vêtir comme on veut, l’enfermement sous le tchador, la bourqua, le niquab ??
Du fond de leur nid « laïque », c’est ce qu’ont piaillé, en gonflant leurs quelques plumes nos coucous, poussant leur cou vers le ciel pour qu’on les entende mieux et surtout qu’on les écoute, impérativement, sous peine d’être un « liberticide ».
J’ai croisé dimanche dernier un voisin, un ex camarade. Sa réponse à mon salut et à ma poignée de main m’a intriguée : alors comment va l’opportuniste ? (…) Le sionisme mène à tout….
D’autres côtés, me reviennent, depuis plusieurs jours, des échos de militants qui se voient mettre en garde : attention camarade, approcher ce sioniste qui critique « le parti », cela pourrait te créer des problèmes, te nuire même… Menaces ? Non, camarade, seulement d’amicaux conseils, rien de plus.
Il faut les comprendre nos coucous… c’est vrai, j’avoue, j’ai osé critiquer ces bons camarades du POI. C’est un crime, c’est certain ! A tout le moins, si ce n’est pas un crime, cela à l’air d’être déjà devenu un délit, dans une portion du mouvement ouvrier.
Après avoir subi le « grand PCF de Maurice Thorez », qui se déclarait « le parti de la classe ouvrière », nous devrions subir le pouvoir absolutiste d’une nouvelle catégorie d’intouchables politique, placés au-dessus de toute critique au sein du mouvement ouvrier.
D’ailleurs, tout s’explique simplement, avec évidence.
Si je me permets de critiquer ces bons camarades, si je relie leur horreur devant le projet « liberticide » envisagé par des parlementaires français, projet visant à préserver la femme de France de la dictature « vestimentaire » afghane, saoudienne et iranienne, si je reliais cela à leur amour unilatéral pour le Hezbollah, pour le Hamas, à leur mansuétude pour la contre révolution en Iran (contre révolution dont le fascisme s’est appelé révolution islamique chiite, qui a écrasé le mouvement ouvrier en 1980-1982 au moyen des prisons, des potences et des bombardements massifs au Kurdistan, -contre révolution qui persécute en 2009 les quelques vrais syndicats ouvriers qui ont réussi à se reconstruire, notamment dans le secteur des transports), si je leur reproche leur condamnation du mouvement populaire révolutionnaire iranien qui a ressurgi depuis juin dernier dans de puissantes manifestations contre le coup d’état « électoral » d’Ahmadinejad et qui s’est traduit la semaine passée encore par des dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes utilisant la « journée de la Palestine » pour scander dans les rues : « mort à toi ! » en désignant clairement l’admirateur iranien du chef du Reich hitlérien, si je dénonce ces honteuses positions anti ouvrières et anti syndicalistes, c’est parce que je suis « sioniste ». Sioniste ? L’horreur absolue, cela explique tout. Ouh ! Ouh ! Ne lui parlez pas, c’est un sioniste! Sioniste ! Sioniste !! Ouh ! Ouh !!
La chute « dialectique » de nos prétendus trotskistes, prétendus militants de la « laïcité », méritait d’être notée. Comme au procès de Rudolf Slansky le secrétaire général du parti communiste de Tchécoslovaquie, comme à Prague en 1952 (2), pour écarter toute évaluation des décisions de la bureaucratie régnante, un argument massif, un argument massue, le seul qui rende superflu tout raisonnement et tout argument factuel : c’est la faute des sionistes. C’est un sioniste. Sioniste ! Sioniste ! Sioniste ! Ouh ! Ouh !
C’est d’ailleurs ce qu’Ahmadinejad a tenté de faire croire hier devant l’assemblée des nations unies : si des choses ne vont pas bien de par le monde, c’est de la faute aux Juifs, et surtout c’est de la faute aux sionistes (3).
Alain RUBIN
(1) Je dis « pseudo trotskistes », cela étonne certains lecteurs. Il faut distinguer. Parce qu’en effet, Leïb Davidovitch Bronstein n’a pas grand-chose à voir avec ces prises de positions qui font penser aux palinodies staliniennes qu’il dénonçait ; celles plus particulièrement de cette époque de la troisième internationale (le comintern) que le fondateur de l’armée rouge qualifia de troisième période du stalinisme. C’était lorsque le parti communiste allemand, sous les coups de fouet de Staline et de ses sbires, recherchait l’unité d’action avec les organisations nationales socialistes berlinoises. L’unité d’action KPD- NSDAP était destinée à faire tomber le gouvernement social-démocrate du land de Prusse. Trotski dénoncera sans complaisance le parti communiste allemand et ses inspirateurs, les satrapes moscovites, qui provoquèrent « la tragédie de la classe ouvrière allemande », créant, par leur politique suicidaire, les conditions politiques qui permirent l’accès d’Hitler au pouvoir et la seconde guerre mondiale.
Trotski fustigea aussi, très clairement, dans plusieurs textes et sans la moindre ambiguïté, le stalinisme en Palestine.
Le stalinisme en Palestine du mandat britannique, après avoir d’abord condamné les pogromes sanglants d’août 1929, organisés par le grand mufti de Jérusalem (le « bon et noble» grand père de Leila Shahid), approuvera ces massacres de Juifs, qualifiés d’actions anti impérialistes par Staline et les siens.
Trotski ne condamnait pas le mouvement national juif, au contraire, mais il l’estimait inefficace, utopiste et sans rapport avec la gravité et l’urgence de la situation des Juifs. Trotski était convaincu que la guerre mondiale qui venait signifierait l’anéantissement des Juifs partout où les nazis et leurs auxiliaires pourraient les saisir. De ce point de vue, le Ichouv palestinien, le foyer national organisé par le sionisme politique, majoritairement socialiste, lui apparaissait impuissant face à l’ampleur et à la gravité mortelle de la menace. La parade, pour Trotski, résidait dans l’aide à l’action de la classe ouvrière, en Europe et dans le monde.
Pour empêcher la guerre qui venait, Trotski considérait qu’il n’y avait qu’un moyen efficace : la lutte résolue d’une classe ouvrière unie face à la menace du fascisme, en défendant la démocratie et en affirmant ses propres objectifs socialistes. C’est de ce point de vue qu’il faisait des reproches aux socialistes juifs sionistes, pas du point de vue de la légitimité du mouvement national juif dont ils étaient les organisateurs.
En 2009, de prétendus disciples de Trotski veulent nous faire croire : que défendre la démocratie, comme moyen de défense de la classe ouvrière, c’est dénoncer la défense des jeunes filles et des femmes musulmanes menacées par la prétendue « liberté vestimentaire » des activistes salafistes, que défendre la démocratie ce serait de laisser ces jeunes filles et ces femmes se faire progressivement enfermer sous une prison vestimentaire, en France comme en Iran, comme en Arabie saoudite et en Afghanistan.
(2) En Tchécoslovaquie, la participation active et remarquée au mouvement connu sous le nom de « printemps de Prague », d’intellectuels communistes juifs, tels que Goldstücker et beaucoup d’autres, déterminera la bureaucratie staliniste à se lancer dans une campagne échevelée de calomnies contre les « sionistes » qui auraient été la cause de la chute de Novotny, du développement du mouvement pour le « socialisme à visage humain » pour « vendre la Tchécoslovaquie à l’impérialisme et aux revanchards allemands ».
(3) Dans un récent discours, le chef dynastique du « socialisme arabe », Mouammar Kadhafi, déclarait que derrière tout ce qui ne va pas en Afrique, il y a la main des Juifs, il y a… le sionisme. Eh oui ma chère. S’il y a déjà 35 ans de guerre au Soudan, que plus de deux millions de Soudanais chrétiens et animistes ont été massacrés par le gouvernement de Khartoum, que plus de deux millions et demi de Soudanais sudistes et de Darfouris ont été chassés de leurs villages et interdits d’y revenir, c’est de la faute aux sionistes !
En effet, si le sionisme n’existait pas, les millions de Soudanais qui s’entêtent depuis 35 ans à refuser la dictature de la charia l’auraient accepté tout de suite, dés le premier jour du coup d’état militaire islamiste du général Nimeyri en 1974. Il n’y aurait pas eu ces trente cinq ans de djihad. CQFD.
Alain RUBIN

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