Abdennour Bidar met de l’eau dans son vin…

bidarEn allant un peu plus loin que dans l’émission d’hier samedi, notre cher Bidar s’adresse aujourd’hui uniquement aux musulmans pour leur faire prendre conscience qu’il faut quand même remettre les pendules à l’heure…
Ici, Abdennour nous apparaît donc un peu plus raisonnable…

Premier paragaphe :
C’est un paragraphe qui revient sur la charte du CFCM et qui la présente comme étant une nouveauté pleine de bonne volonté… Bien évidemment, on se doute que ce n’est pas par hasard, mais bon… : il faut quand même saluer l’initiative…

Paragraphe suivant :
Là aussi, le discours n’est pas mauvais… Mais évidemment, il n’aborde pas la question de savoir pourquoi les fous furieux, les terroristes, les trafiquants, les meurtriers, etc. se parent de l’islam, se cachent derrière l’islam, ou trouvent leurs inspirations quelque part dans l’islam…, puis introduit son traditionalisme culturel.

Paragraphe suivant :
Il fait un petit état des lieux et explique que le fond culturel de l’islam doit être dépoussiéré, ou doit faire un aggiornamento pour être mis en adéquation avec la société du 21ème siècle.
(J’ajouterai que déjà la moindre des choses serait d’être en adéquation avec la société du pays d’accueil dans lequel les musulmans sont arrivés…)

 

La théorie de l’amalgame : N°10 du dimanche 27 juillet 2014

http://www.franceinter.fr/emission-france-islam-questions-croisees-la-theorie-de-l-amalgame

(Diffusion radio) La femme de Nacim Mimoun entre à l’hôpital le visage voilé : elle a des contractions. Quand une sage-femme s’apprête à pratiquer un toucher-vaginal, le mari lui interdit cet examen : « laisse-les faire, laisse-les faire » crie la patiente. Le mari répond menaçant : « tu en subiras les conséquences : on divorcera ! », puis il se tourne vers la sage-femme et rajoute : « en France, on essaie toujours de violer nos femmes ! » (Musique)

La théorie de l’amalgame. France, Islam : Question croisées. Abdennour Bidar. Bonjour à tous.
Hier, nous avons parlé ensemble du texte récemment publié par le Conseil français du culte musulman –qui est l’organe de représentation des musulmans de France– de façon officielle, historique, solennelle, ce texte proclame l’attachement sans réserve de l’islam de France aux valeurs de la république et des droits de l’homme. Ce texte est la preuve qu’il y a aujourd’hui en France, du côté de l’islam, et en l’occurrence, du côté de ses représentants, des hommes de bonne volonté dont notre société doit saisir la main tendue. D’autant plus : d’autant plus, que pendant longtemps, le discours du Conseil français du culte musulman a été très médiocre, trop insuffisant face aux énormes enjeux de la relation entre la France et ses musulmans. Qu’a-t-on entendu en effet pendant des années et des années ? À chaque fois qu’un islam radical manifestait quelque part sa violence –je pense au crime ignoble de l’infâme Mérah, ou plus près de nous à cet assassin illuminé qui a tué quatre personnes au musée juif de Bruxelles –tout cela relevant de la psychiatrie–, eh bien, à chaque fois que l’islam était ainsi pris en otage de la folie d’un homme, le Conseil français du culte musulman se contentait de répéter toujours la même ritournelle –je cite– : « il ne faut pas faire l’amalgame… ». Ah la-la…, cette fameuse théorie de l’amalgame : – combien de fois l’avons-nous entendue ? Elle signifie qu’il ne faut pas tout confondre, tout mélanger, et en l’occurrence qu’il ne faut donc pas faire l’amalgame, la confusion, entre l’islam et l’islamisme : c’est-à-dire entre la religion musulmane elle-même, et tous ceux qui la détournent de son sens spirituel pour en faire un exutoire de violence ou un instrument de mort. Soit : une telle distinction entre islam et islamisme est évidemment indispensable, face aux dégâts terribles causés à l’image de l’islam par de tels crimes contre l’humanité, l’urgence était bien à chaque fois de rappeler que l’islam : ce n’est pas ça ! Que l’islam n’a rien à voir avec ça ! Que l’islam condamne le plus fermement du monde, et sans appel cette monstruosité. Pourtant : pourtant, cela ne suffit pas du tout, car l’islam, les musulmans, les représentants hauts dignitaires de l’islam : imams, recteurs, etc., doivent aller beaucoup plus loin, s’engager bien plus que cet appel à ne pas faire l’amalgame, et je vais maintenant vous dire pourquoi… (Musique)

Dire qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre islam et islamisme : c’est rappeler qu’il est faux, mensonger, trompeur d’associer la religion musulmane avec toutes les radicalités qui voudraient s’exprimer en son nom. Les fous furieux d’Al-Qaïda ou de Boko Haram ne sont évidemment pas des musulmans dignes de ce nom. Lorsqu’au nom de l’islam prétendument, ils perpètrent leur terreur, de toute évidence d’ailleurs, pour certains de ces groupes, le mobile religieux n’est qu’un masque racoleur, avantageux, une pure façade, un pur décor de religiosité et derrière lequel, ils dissimulent en réalité une multitude de trafics parfaitement illégaux et autres activités crapuleuses. Mais une fois qu’on a dit ça : que reste-t-il à dire ? Et à faire ? Le djihadisme, le terrorisme, les radicalismes : oui, l’urgence est là ! mais pas le vrai débat sur l’islam. Attention donc au piège qui consisterait à dire du côté musulman : « ça y est ! on a dénoncé le terrorisme et le fanatisme ! Ça y est ! on a bien dit qu’il ne fallait pas faire l’amalgame ! Donc cette fois, c’est bon : on a réglé le problème de l’islam, on est sauvé, l’islam est sauvé, alléluia ! Ou plutôt : Allahou-akbar ! » En réalité, le problème est nettement plus complexe : – pourquoi ? Eh bien, parce que le terrorisme et le radicalisme ne sont que le problème le plus visible, le plus spectaculaire, le plus destructeur de la religion musulmane, qui en a bien d’autres des problèmes en réalité, et notamment un, dont on a déjà parlé dans cette émission : son traditionalisme, c’est-à-dire : l’attachement d’un certain nombre de musulmans à des dogmes figés dans le passé, à des coutumes obsolètes, à des traditions dépassées, à des commandements d’un autre âge, or tout cela, tout ce traditionalisme, conservatisme, passéisme est infiniment plus répandu du côté musulman que la violence terroriste. (Musique)

Voulez-vous des exemples de ces traditions figées ? Incapables de se remettre en question chez certains ? Je vous en donne volontiers : en islam, une femme a-t-elle le droit de diriger la prière des hommes ? – La réponse est non. En islam, un musulman peut-il être reconnu comme vrai musulman ou bon musulman, s’il ne fait pas les 5 prières par jour prescrites par la loi religieuse ? – La réponse est non. En islam, un non-musulman peut-il être autorisé à prendre dans ses mains le Coran en Arabe ? Pour beaucoup de musulmans : – la réponse est non. Pour d’autres musulmans encore, c’est péché pour un homme que de serrer la main d’une femme, péché aussi pour une femme que de se laisser ausculter par un médecin homme. Or tout cela, tout cela met en jeu la capacité de l’islam à vivre au présent dans un monde d’égalité hommes-femmes, un monde de tolérance et d’ouverture, un monde de liberté de conscience vis-à-vis de la religion : c’est-à-dire vis-à-vis des vieux dogmes de cette religion. Si l’islam vivait réellement et entièrement au présent, une femme pourrait être l’imam des hommes, c’est-à-dire : diriger la prière, or à ma connaissance, une seule a osé le faire jusqu’ici : la professeur d’université afro-américaine Amina Wadoud qui a dirigé la prière collective du vendredi à New York en 2005. Une première, une véritable première qui a littéralement brisé un interdit millénaire. Et si l’islam vivait réellement, entièrement au présent ? Chaque musulman, chaque musulmane, devrait avoir le choix, le droit, la liberté de conscience personnelle et absolue de dire : j’ai choisi de faire une seule prière par jour, ou bien trois, ou bien cinq, et chacun devrait avoir le droit de déterminer tout aussi librement son rapport à chacune des lois religieuses du passé. Ainsi l’islam entrerait pour de bon dans l’ère de l’autonomie spirituelle, c’est-à-dire : de la liberté du croyant de fixer soi-même sa propre loi de cheminement intérieur, y compris : y compris s’il veut quitter l’islam d’ailleurs, et trouver autrement un sens à sa vie. J’avais développé tout cela en 2004 dans un livre intitulé « Un islam pour notre temps ». J’y ai énoncé un principe très simple, celui de l’examen de conscience. Au lieu d’obéir machinalement aux règles de la religion –ce qu’en islam on appelle le « taqlîd », c’est-à-dire la soumission automatique à la tradition. Chaque musulman, chaque musulmane devrait revendiquer le droit d’interroger d’abord sa propre conscience pour lui demander une chose, une seule chose : – dans tout ce qui vient du passé, parmi tous ces rites comme la prière, toutes ces coutumes comme la circoncision, toutes ces pratiques comme le jeûne du mois de ramadan, tous ces signes extérieurs d’islam comme la barbe ou le voile : de quoi ai-je besoin ? Personnellement sur le plan spirituel, qu’est-ce qui me fait grandir vraiment, spirituellement ? Et qu’est-ce qui au contraire me vient que des habitudes ou de tous les stéréotypes que j’ai entendus depuis mon enfance sur ce qui fait la vraie musulmane, ou le bon musulman ? Tous les grands penseurs réformistes musulmans du 20ème siècle, et de ce début de 21ème siècle insistent là-dessus, il est temps que les musulmans osent aller au-delà de la ligne rouge. C’est le penseur marocain Abdou Filali-Ansari qui emploie cette expression dans son livre de 2005 intitulé : « Réformer l’islam ? ». Quelle ligne rouge ? : – Celle des dogmes intouchables, celle du bien et du mal sacralisé, fossilisé, et de tout ce qui venant du passé empêche encore chaque conscience musulmane d’être libre de droit, souverainement libre de sa foi, libre de douter, libre de ne plus croire si elle le désire, libre de sa pratique, libre vis-à-vis de la pression de ceux qui voudraient imposer un modèle unique d’islam, libre donc vis-à-vis de ce que le grand penseur tunisien Yadh Ben Achour appelle « L’orthodoxie de masse », c’est-à-dire les vieux modèles de piété religieuse que continuent d’imposer certaines sociétés, certains milieux, certaines familles. (Musique)

C’est tout pour aujourd’hui. Que la paix soit sur nous tous. À la semaine prochaine. (9’18’’)

Elie Prodhomme

image_pdfimage_print