Cohn Bendit en mission pour liquider le soldat Zemmour

cohnbenditcaricaturePour terrasser le vilain dragon Zemmour, dernier avatar de la bête immonde, on avait envoyé du lourd chez FOG l’autre soir, entre autres fines gâchettes; Mazarine Pingeot, fille de son père for ever, Richard Attias, heureux époux de Madame ex première dame et, par ailleurs, businessman mondialisé et fier de l’être, et, last but not least, Daniel Cohn Bendit, Dany le redoutable, Dany le Rouge, Dany le Vert, bateleur d’estrade professionnel depuis bientôt 50 ans.

Mais qu’a-t- il fait bon Dieu pour mériter tant de gloire ? Pas une émission de politique spectacle, sans qu’il vienne étaler son numéro de gouaille de vieil anar qui déstabilise le bourgeois… en 68 !

Depuis beaucoup d’eau a passé sous les ponts, mais le père Daniel nous rejoue toujours le même spectacle, le verbe haut et provocateur (pense-t-il), le geste théâtral, l’œil complice et racoleur, un rien d’insolence canaille au coin de la lèvre pour bien montrer que  le vieux mâle dominant c’est bien lui, et tout ça, sous le regard  complaisant du ou des journalistes- animateurs de service, satisfaits de tenir un « bon client ».

Et, en effet, Mister FOG ravi, l’œil malin  animant son visage fané de plumeau ébouriffé, déguste d’avance le spectacle qui s’annonce. Faux cul comme pas deux, il excite les combattants, tout en les rappelant au calme et à la concorde. Le spectacle des « veilles canailles » en live, il ne manque que BHL pour nous faire, au-dessus de la mêlée, le coup du prophète inspiré avec, à la clé, une gestuelle d’archevêque de cours.

Le petit Caron devrait prendre des leçons ; trop lourd, trop direct, trop évident, il a besoin de cours particuliers, de temps pour se bonifier, se densifier et se complexifier dans l’art du vice et de la duplicité médiatiques réunies. Comme disait (dans le Bébête show) leur maître à tous, le « sphinx de l’Elysée » : « c’est un métier » ! Caron n’est certes pas très doué, mais, avec du travail et de la persévérance, c’est sûr, il progressera.

Pas très douée non plus la pauvre Mazarine, pincée et besogneuse, comme la bonne élève appliquée qu’elle a dû être. Elle récite sa leçon, nous inflige un cours de freudisme pour classe de lycée, comme si elle révélait un lourd secret enfoui si profondément dans l’âme obscure du pauvre Zemmour, toute fière de sa démonstration, censée carboniser définitivement l’ennemi au feu de sa dialectique de l’inconscient.

La pauvre, confesse-t-elle, ça lui donne la « nausée au ventre » de lire Zemmour. C’est sûr, son drame nous émeut, on se sent tout de suite en empathie. Les vacheries de ce dernier sur ses « petits livres illisibles, que d’ailleurs personne ne lit », doivent- imagine-t-on- lui faire très mal, mais, si son style offensif est nul, la « précieuse ridicule »- dixit Zemmour- sait au moins encaisser.  Ses yeux tendres et arrogants à la fois ne cillent pas, sa voix reste lisse et maîtrisée.

Décidemment, les 300.000 exemplaires du trublion du PAF, les rendent malades, ça ne passe pas, ils ne comprennent vraiment pas. « Le ventre encore chaud de la bête immonde » qui leur fait un enfant dans le dos, ça ne rentre pas dans leur grille de lecture.

C’est sûr, se disent-il entre eux comme pour se rassurer, c’est la haine qui fait vendre. Zemmour est l’homme des bas instincts, il joue des peurs et  du refoulement salutaire qu’impose une société civilisée, pour fourguer sa mauvais came.  Le bon peuple s’égare quand on lui lâche la bride.

Perdre leur pouvoir de domination les insupporte. Il projette sur l’autre la haine qu’il les anime et la peur qui les tient (transfert et contre transfert, n’est-ce pas Mazarine ?). Ils nous l’ont si souvent asséné leur slogan : la peur est le fruit de l’ignorance et de la bêtise. Elle est aussi, ils feignent de l’ignorer, le début de la sagesse.

Dany le rebelle ou le casse du siècle

Cohn Bendit, lui, la sagesse c’est pas son truc. Il a au moins le mérite de ne pas la jouer buté et sentencieux. L’animal a du métier. Il a appris à maîtriser sa morgue depuis ce temps héroïque, où, encore auréolé d’une aura subversive, il vantait, avec un petit air concupiscent, sur le plateau de Pivot, le côté « excitant de voir une petite fille de cinq ans vous dégrafer la braguette ».  Bouffi de vanité et de laideur morale, porcin, avachi sur son siège et vautré dans le contentement de soi, Dany le révolutionnaire, arrogant et dominateur, provoquait ainsi  le brave Paul Guth, relégué au rôle du bourgeois benêt et dépassé.

Il faut voir et revoir cette scène qui lui colle à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. Il y a comme cela des émissions cultes, elles disent, en quelques images ou quelques mots, tout d’une époque et d’un type de personnage.

Aujourd’hui, pépère, le vieux cabot la joue complice, voire compère, mimant presque une proximité bonhomme avec Zemmour, pour mieux le bousculer ensuite de grandes envolées verbeuses. Zemmour, en connaisseur, regarde l’artiste faire son numéro attendu  sans vraiment se dérober à cette complicité factice qui semble l’amuser.

Et puis soudain, le happening superbe, la petite phrase à ne surtout pas rater alors qu’elle passe, rapide et imprévisible, dans les échanges débridés qui agitent le plateau. Face à l’exubérance envahissante d’un Cohn Bendit au taquet qui pose en maître des débats, Frantz Olivier Gisbert, ironique, lui fait remarquer qu’il prend le rôle de l’animateur. Et Dany le Fougueux de répondre du tac au tac…« juste, après l’émission, je passe à la caisse » !

Enfin, du vrai, du fort, du vécu ; c’est presque aussi beau que la rolex de Ségala qui sait, lui, ce que « réussir sa vie » veut dire.

Bien dit camarade, ça va faire 50 ans que tu passes à la caisse. Un mois de boxon, 50 ans de télévision ! Qui dit mieux en termes de retour sur investissement ? Question de « se faire la caisse », les Spagiarri et autres virtuoses du casse bancaire peuvent bien aller se rhabiller, ils finissent tous en taule, si non butés,  après avoir vécu  traqué et planqué pendant des années de galère.

Lui, le casse idéologique du vieil édifice bourgeois, il en vit tranquille et prospère depuis quelques décennies, et ce n’est pas encore fini.  La révolution, camarade, mène à tout, pourvu qu’on sache  s’en  servir.

Dany Boume

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