Condamné pour avoir menacé de brûler le coran : une justice de plus en plus politisée

La justice vient de franchir un pas de plus vers la création officieuse d’un délit de blasphème au seul profit de l’islam. Le journal l’Est Eclair du 18 mai nous apprend la condamnation par le Tribunal Correctionnel (on suppose qu’il s’agit de celui de Troyes) d’un homme habitant Romilly Sur Seine (Aube), dans des circonstances qui ne peuvent que susciter l’indignation chez tout citoyen attaché à la laïcité comme à l’Etat de droit. (1)

Les faits
Cet homme au profil psychologique un peu tortueux était en conflit tant avec sa famille qu’avec un maire au sujet d’un chalet qu’on l’avait obligé à démolir. Il en nourrit une rancune tenace contre l’une et l’autre, et estimant ne pas réussir à se faire entendre, a imaginé d’attirer l’attention sur lui par un coup d’éclat. En septembre 2011, alors que ni l’islam ni les Musulmans n’ont à voir avec son litige, il envoie anonymement à l’association islamique de Romilly des pages du Coran déchirées et brûlées, puis en mars 2012 annonce par d’autres lettres (à l’Elysée, France 2, Al Jazeera…) qu’il récidivera, cette fois devant l’Elysée le vendredi 13 avril.

Et alors me direz-vous ? Où est le délit ? Nulle part bien sûr. Mais aujourd’hui quand l’islam est en cause, le droit importe peu. S’il faut triturer la loi pour lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, la presser comme un citron rabougri pour en extraire désespérément quelques gouttes de justification juridique, on n’hésite pas. Tout plutôt que risquer de froisser les fidèles de la religion d’Amour, de Paix et de Tolérance.

Dès réception, l’association islamique dépose plainte pour provocation à la haine raciale, et l’incroyable se produit : non seulement la plainte est instruite, mais le Parquet recourt aux moyens d’identification criminelle pour retrouver l’auteur, puisque un relevé d’empreintes digitales a lieu. En mars 2012 le même relevé a lieu sur les lettres annonçant l’initiative publique. Nul doute que s’il n’y avait pas eu d’empreintes, on aurait procédé à une recherche d’ADN. Plus tard, pendant la garde à vue, les enquêteurs diront à l’homme que le Procureur avait personnellement pris en main ce dossier…

Interpellé, notre dangereux délinquant est renvoyé devant le Tribunal Correctionnel. Il explique que l’islam n’a aucun rapport avec son affaire, mais qu’il a choisi ce moyen parce qu’il sait que c’était un moyen sûr d’attirer l’attention, ce qui lui aurait permis ensuite de faire connaître le problème qui l’occupe. Qu’importe, le Parquet requiert 2000 € d’amende dont la moitié avec sursis. Le Tribunal, allant plus loin que ces réquisitions, prononce une peine de 3000 € d’amende dont la moitié avec sursis.

Questions
Dans cette affaire sidérante, le texte appliqué est le sempiternel article 24 al. 8 de la loi du 29 Juillet 1881 sur la liberté de la presse (oui ! on croit rêver) : « Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »

Les moyens énoncés par l’article 23 sont : « … discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics… écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ».

Point besoin d’être grand juriste pour voir qu’aucune des conditions ci-dessus visées n’est réunie.

1) D’abord on voit mal comment il pouvait y avoir appel à la discrimination, à la violence ou à la haine. Dans le premier acte (envoi de pages du Coran à l’association islamiste) le prévenu (l’homme poursuivi, dont le nom n’est pas donné par l’article de presse) s’adressait à des musulmans, sans que le public ait connaissance de cet envoi. Peut-on provoquer des musulmans à se haïr, à se discriminer ou à se faire violence ? Ensuite seul le Coran était malmené, et en aucun cas les musulmans, or l’acte « raciste » doit se faire au détriment d’ « une personne ou un groupe de personnes ». Enfin le prévenu a expliqué qu’il n’avait pas la moindre hostilité ni contre l’islam ni contre les musulmans puisqu’il voulait seulement attirer l’attention, mais cette précision n’était même pas nécessaire.

Quant au second acte (lettres envoyées pour annoncer une réitération publique de la destruction) il traduisait une intention, et l’auteur n’avait même pas commencé l’exécution, donc les conditions de la tentative n’étaient pas réunies. La tentative d’un délit est punie comme le délit consommé, à condition que l’auteur ait commencé de passer à l’acte (ce qu’on appelle en droit un « commencement d’exécution ») et qu’il ait été interrompu contre son gré (ce qu’on appelle « absence de désistement volontaire »), par exemple par l’arrivée de la police. Ici rien de tel : le prévenu avait seulement exprimé une intention, mais en outre l’action projetée n’avait rien de délictueux puisque le fait de brûler un livre religieux même en public ne saurait constituer une provocation à la haine, la discrimination ou la violence.

Donc dans le deuxième acte, l’intention de commettre un acte non délictueux a été considérée comme un délit…

2) Ensuite le prévenu n’a employé aucun des moyens prévus à l’article 23. Dans le premier acte c’est évident. Dans le second, il a écrit à plusieurs correspondants pour annoncer qu’il allait brûler le Coran en public. En quoi cette information (non publique) constitue t’elle une provocation à la haine, la violence ou la discrimination ?

Qu’importe. Pour le Parquet qui a déclenché les poursuites et requis la peine, comme pour le tribunal qui l’a prononcée, seules ont compté les considérations d’ordre sociétal. Il faut décourager tout ce qui peut provoquer le mécontentement de la communauté musulmane, et que l’on qualifiera de « raciste » pour les besoins de la cause. Mais comme un jugement doit être motivé juridiquement, on peut supposer, en l’absence de précision de l’article de presse, que l’interprétation des textes par le tribunal a été la suivante.

Si le premier acte a été condamné, cela signifie que détériorer des pages du Coran et le faire savoir à des musulmans même sans publicité, constitue une provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination à leur égard. Si le second acte a été condamné, cela signifie que constitue la même provocation, le fait d’annoncer par pli fermé à des correspondants choisis, que l’on va détériorer le Coran. C’est donc un délit d’intention, qui n’existe pas dans le droit français, Dieu merci (si l’on ose dire). Autre interprétation : en écrivant cela, on cherche à provoquer auprès de ces correspondants la haine, la violence ou la discrimination envers les musulmans ; or ces derniers ne sont pas visés, mais seulement un livre….

Quel recours ?
Indépendamment de ce qui précède, ce jugement est en contradiction avec un autre rendu récemment dans une affaire semblable, celle de « Caliméro » qui en octobre 2010 s’était filmé pendant qu’il urinait sur le Coran préalablement brûlé, et avait mis en ligne la vidéo. Le tribunal correctionnel de Strasbourg avait prononcé la relaxe , et la Cour d’appel de Colmar confirmera cette relaxe en octobre 2011, estimant que « si la mise en scène décrite (…) revêt un caractère volontairement outrancier et délibérément provocateur (…) il n’en demeure pas moins que les éléments de la procédure ne permettent pas de démontrer avec certitude que l’intention (du prévenu) était de susciter un sentiment d’hostilité ou de rejet de nature à provoquer la discrimination, la haine ou la violence à l’égard des musulmans .

A noter dans ce dossier que si les juges du siège ont à deux reprises relaxé « Caliméro », le Parquet lui, a fait preuve d’un acharnement remarquable, d’abord en déclenchant les poursuites, puis en faisant appel du jugement correctionnel. (2)

Ainsi brûler puis souiller le Coran et publier la vidéo ne constituerait pas une provocation à la « haine etc.. », mais constituerait une telle provocation le fait de mettre un Coran brûlé et déchiré dans une enveloppe, et de l’envoyer à des musulmans ? Ou encore d’annoncer qu’on va le refaire en public ? Incompréhensible, et c’est pourquoi un appel est hautement souhaitable de la part du condamné.

Certes la Cour d’Appel de Reims, territorialement compétente dans cette affaire, ne serait pas obligée d’adopter le point de vue de celle de Colmar, d’autant qu’au-delà des point communs apparents entre les deux affaires, il peut y avoir des différences. Néanmoins celles-ci semblent mineures, en outre si la Cour de Reims confirmait la condamnation, on serait en présence d’une contradiction apparente de jurisprudence qui pourrait justifier un pourvoi en cassation.

Une justice de plus en plus politisée
Ce jugement surprenant pose une nouvelle fois la question de la gauchisation croissante de la justice, et notamment des parquets. Ceux-ci déclenchent systématiquement des poursuites à la moindre plainte contre ceux qui « offensent » les musulmans ou mettent en doute les bienfaits de l’immigration, quand ils restent indifférents aux mêmes faits visant les Français ou les Chrétiens. Qui peut croire que des poursuites auraient été déclenchées contre ceux qui auraient déchiré ou brûlé la Bible ?

Le fer de lance de cette politisation est le Syndicat de la Magistrature. Créé en juin 1968, il a recueilli entre 28 et 29 % des voix aux dernières élections professionnelles, et représente donc près d’un magistrat sur trois (mais nous verrons qu’il n’est pas la seule expression de la gauche judiciaire). L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 lui donne un coup de fouet salutaire au moment où il était en perte de vitesse, et ses représentants investissent alors les cabinets ministériels.

La victoire récente de Hollande nous prépare un nouvel bond en avant de ces militants-juges, d’autant que pour la première fois en 2012, le SM a officiellement appelé à voter pour un candidat (Hollande), avec un total mépris pour l’obligation de réserve des magistrats. Le 27 avril 2012, au lendemain du premier tour de la présidentielle, un communiqué de presse publié sur son site déclarait en désignant Sarkozy : « Empêchons-le de récidiver ». Le contenu est digne d’un tract de la CGT ou d’un parti de gauche : on y dénonce « l’imposture sécuritaire » « le renforcement effréné de l’arsenal répressif », … « l’acharnement à l’encontre des étrangers » (3)

Chez les magistrats comme dans toute la société, l’énorme pression de la gauche qui se prétend seule détentrice de la légitimité morale, a fait évoluer toute la profession. Le syndicat majoritaire, l’Union Syndicale des Magistrats (USM, 62 % des voix) habituellement qualifié de « modéré » et apolitique penche lui aussi à gauche. Dès 1981, son président d’honneur André Braunschweig, suit l’exemple du SM et accepte d’entrer au cabinet des deux premiers gardes des sceaux socialistes, Maurice Faure et Robert Badinter. En 2006 son président Dominique Barella abandonne ses fonctions pour entrer dans l’équipe de la candidate Ségolène Royal, puis se présente aux législatives sous l’étiquette socialiste. Le 12 avril 2012 soit dix jours avant le premier tour de la présidentielle, l’USM rend public un bilan très critique de la politique judiciaire de Sarkozy, tout en affirmant hypocritement ne pas donner de consigne de vote…

Le tableau de la gauche judiciaire ne serait pas complet sans le dernier venu, FO-magistrature (environ 10 % des voix). Quand on sait que ce syndicat est noyauté depuis longtemps par les trotskystes, on est en droit de nourrir quelques appréhensions.

Face à cette situation avec notamment l’évolution à gauche de l’USM, une réaction récente vise à la création d’un syndicat « de droite » intitulé Magistrats pour la Justice, en cours de constitution. (4) Sa probable future présidente, Alexandra Onfray, issue de l’USM, précise que ce nouveau syndicat sera politiquement indépendant et ne se revendiquera pas de droite, mais défendra des valeurs qualifiées telles : refus du laxisme de la justice et de la culture de l’excuse notamment.

Enfin, a-t-on envie de dire. En espérant que les magistrats de ce courant sauront être moins partisans que leurs collègues de gauche.

Jean de la Valette

(1) http://www.lest-eclair.fr/article/a-la-une/a-lamende-apres-avoir-menace-de-bruler-le-coran
(2) http://www.lepoint.fr/societe/relaxe-confirmee-en-appel-pour-l-internaute-qui-avait-brule-un-coran-25-10-2011-1388782_23.php
(3) http://www.syndicat-magistrature.org/Ne-le-laissons-pas-recidiver.html
(4) http://www.atlantico.fr/decryptage/magistrat-justice-finir-avec-magistrature-monocorde-orientee-gauche-alexandra-onfray-359985.html?page=0,2

 

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