Corinne est violée par un barbu tunisien : le procureur classe l’affaire

C’était hier la journée contre les violences faites aux femmes.

Il était 18h ce 25 septembre lorsque l’une de mes amies a reçu un coup de téléphone de sa meilleure amie, que nous appellerons Corinne. En larmes et suffocante d’une indicible douleur, il lui faudra de longues minutes avant d’être capable de prononcer ces quelques mots, terribles « Je viens de me faire violer ».

Je laisse parler mon amie qui raconte : « dans un trémolo crescendo et un souffle de douleur que je ne pourrais jamais oublier. Mon sang n’a fait qu’un tour. Je savais que c’était grave, qu’elle était sur un minuscule petit fil et que, s’il ne se passait rien, je risquais de la perdre pour toujours, je le sentais, je l’entendais dans la tonalité de sa voix. Alors j’ai juste répondu : j’arrive. 

Il m’aura fallu une heure pour la rejoindre dans les 8 kms d’embouteillages parisiens. Quand je suis arrivée, elle sortait de la douche, le visage décomposé, le regard plein de larmes, à la fois vague, perdu et suppliant et elle s’est effondrée dans mes bras en sanglotant ».

Lorsque mon amie est arrivée chez elle, Corinne lui a alors raconté ce qu’elle venait de vivre et cette salissure qu’elle ressentait dans son corps insulté et humilié.

« Un sale type venait de me la réduire en bouillie et j’étais consternée de voir qu’elle venait de faire disparaitre les preuves, autant sur elle que dans son lit dont les draps tournaient à travers le hublot de son lave-linge. Je lui ai demandé pourquoi, lui ai dit qu’elle n’aurait pas dû, elle m’a juste répondu : je ne pouvais pas, je me sentais sale, souillée. En tant que femme, j’ai compris, je n’aurai certainement pas pu non plus ».

Corinne est gardienne d’immeuble. Quelques heures plus tôt dans l’après-midi, son employeur lui avait téléphoné pour lui demander de se rendre dans un appartement afin de vérifier l’avancée de travaux en vue d’une location. Un peintre se trouve là, il est seul. Corinne connaît bien l’entreprise qui l’emploie, c’est toujours la même qui intervient sur sa résidence mais c’est la première fois qu’elle voit ce peintre.

Celui-ci commence à discuter avec elle puis à lui faire quelques compliments. La gêne commence à monter, elle se dirige vers la porte de sortie mais il l’en empêche et se rapproche d’elle, se met à la toucher, à la caresser, d’abord de manière douce et souriante, sans violence mais « très déterminé ». Elle tente de faire diversion en lui parlant pour calmer les choses, en vain. L’homme finit par se soulager devant elle, dans son pantalon. Corinne se dit alors qu’elle a évité le pire, qu’elle va pouvoir rentrer chez elle. Il la laisse partir mais lui emboîte le pas. Arrivée devant sa loge, il la plaque alors contre la porte en lui arrachant ses clés pour ouvrir et l’allonge sur le lit du studio qu’elle occupe. L’horloge indique 17h, cela fait déjà deux heures qu’elle est à la merci de son violeur et ce n’est pas fini. Les résidents sont au travail, l’immeuble est vide, crier ne servirait à rien et risquerait d’aggraver encore plus son calvaire.

Dans la soirée, Corinne, mon amie et l’employeur mis au courant se sont rendus au commissariat pour porter plainte contre le violeur, un barbu d’origine tunisienne. Nous l’appellerons Samir. L’employeur se trouvait encore au commissariat du 15e à 22h30. Corinne et mon amie ont été conduites dans une voiture de police jusqu’au district du 14e qui gère les crimes et délit avant de se rendre à l’Hôtel Dieu pour tenter de récupérer les quelques preuves qui auraient pu rester sur le corps de Corinne malgré sa douche. A 4h30 du matin Corinne a enfin pu rentrer chez elle. Dans la matinée, l’inspecteur de police l’appelle pour reconnaître l’homme avant de l’appréhender sous un prétexte fallacieux. Corinne devra encore faire des examens médicaux pour vérifier qu’elle n’a pas attrapé de maladie, notamment le sida.

Dans la soirée, Corinne sera confrontée physiquement à son violeur. « Elle a subi un nouvel interrogatoire, la mise en doute de ses déclarations, des photos prises pour les bleus apparus depuis la veille sur son dos, ses seins et ses cuisses, pour la peau du cou râpée par la barbe, enfin la confrontation directe avec son agresseur qui a déclaré qu’il « ne comprenait pas, que la veille, elle était consentante, qu’elle allait lui faire avoir des ennuis avec sa femme et ses enfants, qu’il était marié, et que son employeur n’allait peut-être pas le garder ». Voilà. Samir viole, Samir est un monstre qui pense que les femmes sont de la viande dont il a le droit de profiter comme il veut mais Samir se fait passer pour la victime, c’est lui qu’il faudrait préserver. La vie démolie, l’âme et le corps sali de sa victime n’ont aucune valeur à ses yeux. Ce n’est qu’une femme, n’est-ce pas, et quand on est un barbu tunisien on sait très bien que les femmes n’ont pas de valeur.

Corinne a 45 ans et vit seule. Elle entamait sa seizième année d’ancienneté dans l’immeuble. Elle a dû démissionner, incapable de continuer à faire face aux regards des résidents. Corinne a fui Paris, sa ville natale, pour aller se réfugier dans le sud de la France.

Samir risque l’incarcération. En principe seulement. Car le procureur du TGI de Paris a décidé de classer l’affaire sans suite, faute de preuves suffisantes… Les hématomes, le traumatisme, la nuit au commissariat, l’exposition de son corps devant des équipes médicales, les 20 jours d’arrêt délivrés par un expert psychiatre judiciaire, les nuits passées pour ses proches à la veiller la nuit durant le mois qui a suivi, la perte de son travail et un déménagement pour se reconstruire, tout cela ne compte pas. L’important était sans doute pour ce procureur de ne pas stigmatiser ce pauvre violeur. Qu’aurait dit sa femme, ses enfants ?! Et la violée ? Bah, elle s’en remettra bien. Comme dirait Jack Lang « il n’y a pas mort d’homme ».

La plainte restera dans le casier du violeur mais si un jour il tombe pour un autre viol, celui de Corinne aura compté pour du beurre, pour rien. Si un jour le prédateur Samir fait une autre victime, nous nous souviendrons que le procureur qui l’a relâché devra en assumer sa part de responsabilité, pour ne pas dire sa complicité du crime.

Caroline Alamachère

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