Ecole : il est vraiment temps de remettre les compteurs à zéro, et d'arrêter les délires !

Il y a quelques semaines, nous avons reçu la visite de notre nouvelle inspectrice d’histoire géographie. C’est fou comme cette espèce d’oiseau migrateur change souvent de plumage. Dans tous les sens du terme. En dix ans, il s’agit du sixième inspecteur dans la discipline. Au cours de toutes mes inspections j’en ai entendus des « conseils » contradictoires :
– Trop d’écrit
– Pas assez d’écrit
– Trop d’exercices à la maison
– Pas assez d’exercices à la maison
– Trop de cours magistral, il faut favoriser le cours dialogué
– Surtout pas de cours dialogué et instillez donc un peu de magistral, vous verrez c’est révolutionnaire !
On s’y fait. On essaie toujours de s’adapter, de rester performant et de trouver des solutions à l’extrême hétérogénéité des classes.
Mais jusque là, l’Education nationale avait pris garde de ne pas toucher à la sacro-sainte note. Qu’elle soit une lettre, comme aux Etats-Unis ou un chiffre comme en Europe, la note à une valeur circonstancielle intangible pour situer l’élève dans son parcours. Elle lui permet de mesurer l’échelle des progrès lui restant à accomplir devant les exigences du programme et du professeur. Elle mesure à la fois le savoir et le savoir faire inhérent à la pédagogie que nous instillons chaque jour.
Or, dans ce monde aseptisé, ruiné par le politiquement correct, la note devient l’instrument « discriminant » par excellence. Elle pointe du doigt le « mauvais élève », incapable d’avoir une moyenne « décente ». Elle place le bon élève sur un piédestal insupportable pour les bonnes âmes de notre société de l’enfant roi, et de sainte Dolto.
Le Primaire, depuis une quinzaine d’années est devenu l’atelier d’une réforme totalement inconnue du grand public et pourtant, il s’agit de la mesure la plus scandaleuse que la fin du XXe siècle ait connu en France dans le domaine de l’enseignement : la fin de la note, remplacée par le livret de compétences. Dans ce livret, les professeurs des écoles sont priés d’évaluer une vingtaine de critères en « acquis », « non acquis », « en cours d’acquisition ». Si bien que l’enfant ni les parents ne savent vraiment où en est le niveau réel de l’élève.
L’objet des diverses réunions que nous avons connues ces derniers mois n’a d’autre ambition que de faire appliquer ce système au collège. La note va donc l’an prochain disparaître au profit d’un livret de compétences, auquel ni les professeurs ni même l’inspection académique y comprennent goutte, puisque nous en sommes à la troisième mouture en trois mois.
L’idée est simple : il ne faut plus stigmatiser les mauvais élèves et ne surtout pas trop encenser les meilleurs. Nous sommes donc toujours dans cette entreprise de nivellement vers le bas de la culture, du savoir et le collège, après l’école s’en va gaiement vers sa ruine la plus totale. Dans l’indifférence absolue de l’opinion publique.
Du moins jusque ces derniers jours où certains médias commencent à rendre compte de la situation. (SOS Éducation, et Riposte laïque notamment). Les premières expériences de validation de compétence s’avèrent un casse tête chinois pour mes collègues qui perdent un temps fou avec des grilles pour un résultat fort mitigé.
D’autre part bien évidemment il y a autour de ces questions de notations un questionnement essentiel sur le maintien du collège unique. Il y a des élèves en collège qui n’ont manifestement pas le niveau moyen attendu (dyslexie ou supposée telle, absence de niveau due à l’impéritie du primaire dans certains groupes scolaires aux méthodes « progressistes », etc..
Bien évidemment l’existence d’une notation ne peut s’avérer ici que stigmatisante pour l’élève dont on a jamais vraiment évalué le moindre acquis.
Cette volonté du « vivre ensemble » poussé jusqu’à l’absurde fait cohabiter dans l’enceinte d’un même collège les classes UPI (handicapés moteurs), SEGPA (légère déficience mentale) et classes dites « générales ». Violence, bousculade, humiliations, mépris, et surtout un considérable appauvrissement du langage s’ensuivent généralement, le tout plus ou moins fortement teinté de pauvreté culturelle dans certaines communes rurales (la mienne), ou bien encore d’une proportion trop importante de primo-arrivants des régions sub-sahariennes, ou encore des deux conjuguées.
Dans ces conditions l’enfant qui veut s’en sortir est réellement handicapé. Le professeur ne pouvant le plus souvent qu’offrir une pâtée pour chat bien médiocre, la plupart de ses élèves ne possédant simplement pas les armes pour recevoir davantage.
Alors oui, dans ce sens, la note est stygmatisante, car elle révèle l’échec total et absolu du système éducatif de notre pays. Alors « cachez ce sein que je ne saurais voir », tel Tartuffe, les pédagogistes veulent briser ce thermomètre au lieu de soigner la fièvre.
Il faut avoir le courage de dénoncer l’injustice du Collège unique, promouvoir un grand examen d’entrée en sixième et créer des classes de niveau avec pour chacune des objectifs précis, à la carte, prenant soin d’amener l’élève à son plus haut niveau possible, sans démagogie, et à son rythme propre. Certains iront jusqu’au bac, peu en définitive, si on accorde une réelle valeur à cet examen, d’autres s’arrêteront en chemin pour suivre des études professionnelles ou bien un apprentissage solide qu’il s’agit de remettre à l’honneur.
Pays d’intellectuels, nous avons depuis 1968 pensé que l’enfant « Roi » pouvait parvenir naturellement (le mot est ici pesé) aux études supérieures (100% d’une classe d’âge au bac, vieux rêve trompeur). Nous avons méprisé le manuel et c’est là notre plus grande faute. Il est temps que les compteurs soient remis à zéro et que le temps de la Raison vienne.
David Barbaud
Professeur d’histoire géographie
Directeur de Scolaria Excellence

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