Enquête : nos paysans se suicident pour échapper aux huissiers

Abandonnés par l’Etat et par les collectivités départementales ou régionales, qui préfèrent financer les familles musulmanes ou des constructions de mosquées, ou encore des études coûteuses sur “l’intégration”, ou distribuer des aides aux pays Arabes ou Africains, les agriculteurs de France se suicident en masse (http://suite101.fr/article/agriculture-et-gendarmerie-metiers-ou-il-y-a-le-plus-de-suicide-a35389). D’un côté les chiffres officiels de la MSA ou du ministère de l’Agriculture qui s’accordent sur un suicide par jour en agriculture. De l’autre, les estimations officieuses des syndicalistes qui évaluent le nombre de suicides de paysans à trois par jour en France.

Pourquoi un tel décalage ? La réponse est apportée par Jean-Pierre Vigier, conseiller général de Haute-Loire, ancien président de la Mutualité sociale agricole d’Auvergne (MSA) : “Lorsqu’un suicide survient dans une ferme, cela ne s’ébruite jamais au-delà d’un rayon d’un kilomètre. Pourtant, les agriculteurs s’éteignent comme des bougies dans le vent !…”

Comme un certain nombre d’agriculteurs syndicalistes, contactés par téléphone, Jean-Pierre Vigier déplore “ll n’existe aucune donnée statistique officielle en matière de suicide dans le monde agricole. Pourtant le phénomène existe et semble s’accélérer, sous couvert d’une véritable loi du silence…. Oui, la loi du silence !”.

Pour de nombreux syndicalistes agricoles, à l’image de Francis Galtier, responsable de la Coordination Rurale,  “Le problème, sans vouloir simplifier,  est éminemment économique. Les questions financières entrent dans une part assez conséquente des causes de suicide. Or, depuis 20 ans, l’agriculteur, entrepreneur à part entière, ne vit aucune valorisation de son travail. Il n’y a plus de reconnaissance du travail accompli et du savoir-faire….”.http://suite101.fr/article/du-boeuf-a-linternet-ou-linexorable-chute-des-prix-agricoles-a24631

En privé et tout en souhaitant conserver l’anonymat, en “raison des nombreux prêts en cours auprès de la banque verte”, plusieurs interlocuteurs pointent du doigt les banquiers : “Nous connaissons des paysans qui se sont suicidés car ils ne supportaient plus la pression des fournisseurs ou celle de leur banquier. Ces chefs d’exploitation, pour échapper à leur enfer quotidien, ont commis l’irréparable. Comme ce paysan de 55 ans qui s’est donné la mort la semaine dernière…”.

Seule certitude au fil de cette enquête difficile : les agri­culteurs se suicident plus que les autres professions. Des données récemment dévoilées par l’Institut de veille sanitaire (INVS) indiquent que les agriculteurs ont un risque 3,2 fois plus élevé pour les hommes et 2,2 fois pour les femmes de se donner la mort que les cadres. “Le taux de suicide des agriculteurs exploitants est le plus élevé des catégories socio­professionnelles, à 32 pour 100 000, contre 28 pour 100 000 chez les ouvriers et 8 pour 100 000 pour les professions intellectuelles supérieures”, reconnait pour sa part,  un porte-parole du Cepidc (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès).

Ces chiffres sont contestés par l’Apli (Association des producteurs de lait indépendants) qui avance le chiffre de 800 suicidés par an. Toutefois, d’après les recoupements et l’avis des spécialistes, et sous réserve des possibles suicides “requalifiés” en mort naturelle par les médecins de famille, le chiffre d’environ 400 suicidés, soit en moyenne plus d’un par jour, semble plus proche de la réalité.

Ces dernières années, l’hécatombe est telle que le ministre de l’Agriculture avait exigé, au printemps 2011, que soit créée, dans chaque caisse de la MSA (Mutualité Sociale Agricole) une cellule de prévention. Regroupant des médecins du travail, des assistantes sociales, des conseillers en prévention des risques professionnels et des élus de la MSA, ces cellules doivent repérer les agriculteurs fragiles, endettés, isolés, et les accompagner pour prévenir toute tentative de suicide. Dans certains cantons, les MSA ont mis en place des groupements de prévention du suicide (GPS).

Les premières mesures prises en urgence et bien tardivement confirment, si besoin était, l’ampleur de ce drame. Ainsi, Jean-Jacques Laplante, médecin conseiller à la MSA, qui a effectué une étude en profondeur sur le malaise des paysans auprès de 600 exploitations, livre un diagnostic sans appel : “Stress, charge de travail, absence de loisirs, paperasserie de plus en plus importante sans avoir la possibilité de dégager des revenus ou des loisirs sont autant d’éléments à prendre en compte dans le malaise des paysans….”.

Pire ! Les chiffres et analyses officielles pourraint bien n’être que la partie visible de l’iceberg. C’est du moins l’avis de Dominique Jacques-Jouvenot, professeur en sociologie rurale à l’université de Franche-Comté et co­auteur d’un ouvrage avec Jean-Jacques Laplante sur le malaise paysan, intitulé “Les Maux de la terre”. Pour ce sociologue “Depuis les dernières données disponibles en 2005 auprès du Cepidc, où 150 hommes et 20 femmes se sont donnés la mort, nous constatons dans les différentes régions une nette augmentation des suicides…”.

Chaque jour, un agriculteur se suicide en Rhône-Alpes

La France n’a jamais connu un tel décalage entre les agriculteurs, qui produisent une grosse partie de notre nourriture, et les dirigeants du Pays, qui préfèrent favoriser l’intégration des musulmans plutôt que défendre l’outil de production agricole. Le Rhône, l’Ain, la Drôme ou l’Ardèche ont longtemps donné l’image d’une agriculture prospère, avec des exploitations qui auraient été moins fragilisées que dans d’autres régions.

Image d’Epinal, déchirée depuis près de quatre ans par les crises syndicales internes et par le suicide de Jean-Paul Reine, l’un des plus fervents défenseurs de l’agriculture Ardéchoise et longtemps président de la chambre d’agriculture de Privas. Dans ce département, même la puissante association de producteurs “Les vergers du Nord Ardèche”, censée défendre la production des fruitiers, battait de l’aile.

Huissiers, expulsions, surendettement favorisent le suicide des agriculteurs

A partir d’une situation de fragilité, il faut peu de chose pour basculer dans l’engrenage des difficultés. Il suffit d’une chute brutale des prix, d’un financement inadapté, d’un commandement ou d’une saisie d’huissier, d’un problème familial ou de santé, … L’agriculteur se trouve alors très rapidement en rupture avec son environnement. Viennent ensuite l’isolement, le sentiment d’échec personnel, le risque de perdre un outil de travail auquel il est affectivement attaché, l’impossibilité de trouver seul une issue.

Pour Jean-Claude, 51 ans, qui exploite 70 hectares en Ardèche et qui parvient “à joindre les deux bouts”, grâce à une diversification, “Ce ne sont pas seulement les agriculteurs les plus âgés, ni les moins bien équipés, ni ceux qui cultivent les terres les plus ingrates qui rencontrent aujourd’hui de graves difficultés…. La diminution du prix du lait, l’augmentation du prix des matières premières ont contribué à la détérioration de nombreux budgets agricoles….”. Terrible constat alors que le dernier recensement rural de 2010-2011 révèle qu’une exploitation agricole française sur quatre a une superficie inférieure à six hectares !

Des propos confirmés par Gilbert Besseas, agriculteur à Quintenas et président de la Coordination Rurale de l’Ardèche : “Les nombreux suicides sont liés aux difficultés financières. Le paysan a honte d’être en faillite. Il meurt…. Beaucoup ne peuvent vivre de leur travail, malgré 70 heures de boulot par semaine. Ca fait 40 ans que la FNSEA laisse baisser les prix du lait et des productions agricoles. Beaucoup d’agriculteurs ont voulu investir. Ils ne peuvent plus rembourser les emprunts !”.

53 % de baisse du revenu pour la seule année 2009

Au sein des instances agricoles, où il siège comme syndicaliste, Gilbert Besseas a eu confirmation du chiffre de 400 suicides. Beaucoup auraient pour cadre la région Rhône-Alpes. La voix brisée, il ajoute : “C’est désolant de voir ça…. Notre profession est oubliée des pouvoirs publics. Les agriculteurs sont accablés de travail, avec aucun revenu, surtout les éleveurs. Il y aussi la solitude avec tous ceux qui sont seuls à la ferme, célibataires, sans femme pour les aider…. Il y a 25 ans, le litre de lait m’était payé 2,20 francs. Aujourd’hui, je perçois 0,31 euros par litre. Pour vivre correctement, on devrait être à 0,41 ou 0,61 euros par litre !”.

D’autres paramètres pourraient être aussi à l’origine de l’augmentation du nombre de suicides ces derniers mois. “Suite aux difficultés engendrées par le climat, beaucoup de fermes vont disparaître dans les zones à handicap de Rhône-Alpes, précise Gilbert Besseas. Et bien des agriculteurs n’admettent pas que leur outil de travail, que leur cadre de vie ancestral disparaisse… De toute façon, il n’y aura plus d’élevage laitier en Ardèche. Chez nous, il n’est plus possible de tenir !”.

Jointe par téléphone, une vice-présidente de la FNSEA (Fédération Nationale des syndicats d’exploitants agricoles) affirme que cette situation n’est pas récente. Pire, elle s’amplifie. Selon Christiane Lambert “Les raisons sont multiples : avec la crise de la vache folle, où les agriculteurs ont été traités d’empoisonneurs, avec les crises sanitaires en cascade où ils sont accusés de pollueurs, les exploitants agricoles se sentent mal-aimés de la société. Ajoutez à cela la crise économique, la volatilité des prix, les difficultés financières (53% de baisse du revenu sur la seule année 2009), l’absence de perspectives, la solitude, le célibat,…”. Un cocktail dépressif sur fond de vacuité du lien social et d’exclusion.

Ce drame humain demeure à peine perceptible par l’ensemble des médias et de la société française si ce n’est à travers quelques manifestations mal comprises (http://suite101.fr/article/les-ministres-de-lagriculture-du-g20-defendent-lagroindustrie-a29367), quelques statistiques plus ou moins “bidonnées” et mal connues de la chute du nombre d’exploitations ou quelques “faits divers” relatant, entre braquages et trafics de drogue, des suicides de paysans. En quelques lignes, comme si les agriculteurs de France, à l’image des derniers dinosaures, avaient déjà disparu….

Francis GRUZELLE

Carte de Presse 55411

agriculteurs2 agriculteurs1Les Préfets, ministres et autres responsables de l’Etat préfèrent pavoiser lors d’inaugurations d’établissements agro-alimentaires plutôt que d’aider les agriculteurs de terrain (qui nourrissent leurs enfants avec le fruit de leur dur labeur) ou de venir en aide aux petites laiteries et structures de transformation. Les médias nationaux oublient nos villages et la détresse des paysans locaux qui les font vivre. (Photos Francis GRUZELLE)
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