La stratégie musulmane des accommodements raisonnables

1 -Le principe

Les accommodements raisonnables sont une invention canadienne. Selon Wikipedia, l’accommodement raisonnable est une expression qui traite de la tentative des sociétés laïques de s’accommoder des exigences des différentes minorités religieuses au sein de la société civile. C’est une expression d’origine québécoise mais qui s’étend à d’autres pays francophones confrontés au même phénomène.

Ce n’est pas tout à fait exact car les accommodements raisonnables ont d’abord concerné – et concernent toujours – d’autres questions que celles liées à la pratique religieuse. Les « accommodements raisonnables » correspondent à une notion juridique apparue dans la jurisprudence du droit du travail canadien. Il s’agissait des aménagements nécessaires pour permettre, par exemple, l’accès à l’entreprise d’un handicapé en fauteuil roulant. Cette jurisprudence, initialement, a surtout profité aux femmes et aux handicapés.

Certaines conditions étaient toutefois posées. Ainsi, cela ne devait pas entraîner de contraintes excessives pour l’employeur. Il fallait examiner les limites des ressources financières et matérielles de celui-ci, les atteintes aux droits des autres personnes ou du public, et enfin le bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’institution. Étendre le domaine des « accommodements raisonnables » à la religion est non seulement abusif, c’est une contre-sens, apparu bien après..

En effet, ce n’est que bien plus tard, en 1985, que la Cour Suprême du Canada indiquait : L’obligation dans le cas de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, fondée sur la religion ou la croyance, consiste à prendre des mesures raisonnables pour s’entendre avec le plaignant, à moins que cela ne cause une contrainte excessive : en d’autres mots, il s’agit de prendre les mesures qui peuvent être raisonnables pour s’entendre sans que cela n’entrave indûment l’exploitation de l’entreprise de l’employeur et ne lui impose des frais excessifs.

2 – La brèche s’élargit…

L’on partait d’une intention fort louable, mais des individus provenant de groupes ethniques ou religieux minoritaires se sont engouffrés dans la brèche, réclamant des « accommodements » pour certains nettement farfelus. Ainsi, des Juifs orthodoxes obtinrent que les vitres d’une salle de gymnastique de Montréal dans laquelle s’entraînaient des femmes en tee-shirt et en short fussent givrés. D’évidence, pourtant, il s’agissait d’une interprétation abusive du principe. Celui-ci ne s’entend  – ou du moins ne devrait s’entendre – que dans le cadre du droit du travail et ne devrait par conséquent concerner que des travailleurs ; des tiers ne pourraient s’en prévaloir. En l’occurrence, il était évident que la question soulevée ne concernait en rien le droit des travailleurs.

En raison de ces excès, l’expression accommodements raisonnables a eu tôt fait de prendre un tour péjoratif. Cela finit par atteindre un tel point que début 2007, le premier ministre québécois annonça la création d’une commission pour examiner la question, commission qui déposa son rapport le 22 mai 2008.

En France, pays laïque, les Juifs – des juifs extrémistes, notamment loubavitch, pour être plus précis – ont obtenu quelques accommodements raisonnables… qui ont entraîné immédiatement des plaintes des organisations musulmanes se prétendant discriminées. Le cercle infernal était lancé, la boîte de Pandore était ouverte…

Les bouddhistes, les orthodoxes, les Arméniens, etc. ont eux aussi réclamé leurs accommodements. En ce qui concerne les orthodoxes, ils sont divisés quant aux dates de leurs fêtes, car certains utilisent encore dans leur liturgie le calendrier julien, alors que d’autres ont accepté le calendrier grégorien. Il a fallu en tenir  compte… Comme l’écrivait l’hebdomadaire Marianne : « Il reste encore aux hindous, aux sikhs ou aux animistes de déposer leurs revendications à l’Élysée. A force il n’y aura plus que le 29 février où on pourra organiser des examens »

3 – La critique

Celle-ci a été remarquablement exposée dans un article publié le 18 mai 2009 dans le quotidien belge francophone La Libre Belgique, journal plutôt catholique que l’on pourrait classer comme de centre-gauche

Je reprends ci-après les principaux points évoqués dans ce texte.

– Passer du droit à la différence à la différence des droits. C’est ce qu’a fait un tribunal allemand, par exemple, en refusant le divorce à une femme de confession musulmane victime de violences conjugales persistantes. La juge, en effet, a estimé que ” dans ces milieux, il n’est pas inhabituel que l’homme exerce son droit de châtiment corporel sur sa femme “. Et de citer à l’appui de sa décision des extraits du Coran, rappelant en outre que le couple s’était marié ” selon les lois islamiques “.

Or, c’est le droit de tout citoyen d’être traité selon les lois du pays dans lequel il vit, indépendamment de considérations d’ordre religieux. Ce droit a indéniablement été bafoué dans ce jugement, heureusement cassé en appel.

– Essentialiser les différences, en particulier religieuses, en les traitant comme des composantes aussi naturelles et consubstantielles aux individus que le genre ou le handicap éventuel. C’est la tendance qui sert de fil rouge aux “accommodements raisonnables”, qui consistent à appliquer aux minorités religieuses des mécanismes mis en place à l’origine pour faciliter l’accès des personnes handicapées au monde du travail. Or, la pratique religieuse – que l’on confond trop souvent avec la foi, bien que, dans l’islam, foi et pratique soient difficilement séparables – ne peut de toute évidence être considérée comme aussi consubstantielle à l’individu que le handicap éventuel dont il est atteint. De plus, la pratique des accommodements raisonnables comporte le risque non négligeable d’aboutir à une fragmentation de la société en fonction des appartenances cultuelles des uns et des autres. L’aménagement des horaires de travail ou du jour de congé hebdomadaire en fonction de considérations religieuses, par exemple, risque de compromettre singulièrement le vivre ensemble et de menacer les droits sociaux des travailleurs en favorisant une flexibilité accrue de ceux-ci.

Enfin, dès le moment où la religion peut être invoquée pour réclamer des accommodements raisonnables, on voit mal pourquoi d’autres choix ou préférences individuels ne pourraient pas, eux aussi, donner lieu à des aménagements, sauf à considérer bien sûr – et c’est là le danger – que les convictions religieuses ont plus de crédit, méritent plus de respect que d’autres choix personnels, d’autres convictions, d’autres idées.

– Faire droit à des revendications issues de la minorité agissante que constituent les groupes de pression fondamentalistes, qui tentent de faire passer leur interprétation rigoriste de la pratique religieuse pour la norme, et qui contreviennent à certains principes essentiels de nos démocraties. Ainsi, les contestations de la mixité lors de certaines activités scolaires ou dans les piscines publiques comportent le risque bien réel, si l’on y fait droit, de porter atteinte aux libertés des femmes de telle ou telle confession, qui seraient dès lors sommées par leur “communauté” de se soumettre à la nouvelle règle commune.

Une telle attitude renforcerait donc le fondamentalisme religieux en accréditant l’idée, par exemple, que la femme musulmane porte le voile, mange hallal, et refuse toute “promiscuité” avec les hommes, notamment dans le domaine professionnel ou des soins de santé.

Accepter les « accommodements raisonnables », comme certaines bonnes âmes pressent de le faire, serait le coup de grâce porté à nos valeurs et à nos principes. Ce serait ouvrir toute grande la porte aux islamistes (entre autres), ce serait se livrer à eux pieds et poings liés

Bien au contraire, il faut résister ; il faut que vivant en Europe, tous les croyants et pratiquants de quelque religion que ce soit, vivent à l’européenne. Et puis, au nom des « accommodements ‘dits’ raisonnables », va-t-on autoriser les adeptes de Tezcatlipoca à procéder à des sacrifices humains à grande échelle comme cela se passait chez les Aztèques ou les Mayas ? Soyons sérieux ! La loi est générale ; en vertu du principe d’égalité entre tous les hommes, elle ne peut s’adapter, « s’accommoder » selon qui est le sujet du droit.

Christian MAROT

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