Laurent Bras, qui quitte le FN, m’inquiète par sa proximité avec Mélenchon

L’intervention de Laurent Bras, précédemment Secrétaire départemental adjoint du FN 41, publiée dans RL en date du 23 septembre, me paraît assez choquante.

http://ripostelaique.com/pourquoi-je-quitte-le-front-national-et-continuerai-a-militer-avec-florian-philippot.html

Laurent Bras quitte le FN pour suivre Florian Philippot dans son association, Les Patriotes, titre qui tend à s’attribuer abusivement l’exclusivité du patriotisme. C’est son droit. Mais ses explications sont d’une outrance verbale sur la forme et d’une mauvaise foi sur le fond que je n’ai pas envie de laisser passer sans réagir, d‘autant qu’elles caractérisent aussi les propos de Florian Philippot  et de la plupart de ceux qui le suivent.

Les mots qu’utilise Laurent Bras sont dignes des procès en sorcellerie : un FN qui serait destiné à « s’écrouler » car « ses fondations sont mitées », une « rediabolisation où l’outrance semble redevenir l’élément moteur » sont déjà des expressions croquignolettes. Mais le meilleur est atteint avec ce « repli sectaire d’une caste qui n’aime vraiment que l’entre soi » et ces « éléments… qui…. ont verrouillé l’appareil du parti ». Les militants y reconnaîtront bien plus cette jeune garde philippotiste dont ils disaient qu’elle s’était mise à chasser en meute et à éliminer des cadres chevronnés et méritants au profit de sa petite chapelle. Si Laurent Bras disait vrai, ce serait vraiment l’arroseur arrosé ! Mais tout cela rejoint les propos de Florian Philippot et de la plupart de ceux qui l’ont suivi depuis le 21 septembre, notamment avec leur « terrible retour en arrière » et l’inéluctable « rediabolisation ».

Si le retour en arrière est le retour aux « fondamentaux » du FN, que, pour ma part, je préfère appeler sa mission historique et salvatrice, qui est de repousser l’invasion immigrée et l’islamisation de la France, ce qu’aucun autre parti électoralement  significatif ne fait, avec la rediabolisation médiatique qui s’ensuivra probablement, alors vivent le retour en arrière et la rediabolisation ! Qu’on ne nous dise pas que le FN de Marine ne veut le faire qu’avec des alliés situés à la droite de la droite. Il est clair que la Présidente, et l’énorme majorité des militants à sa suite, n’exclut aucun patriote, qu’il soit de ce qu’on appelle la droite ou la gauche, dès lors qu’il est d’accord avec cette mission absolument prioritaire, qui doit transcender les clivages traditionnels. Qu’on ne tienne pas non plus des propos, injurieux en creux, à l’égard de la grande majorité de ceux qui restent au FN. Par exemple, lorsqu’on dit qu’avec Philippe Murer on a emmené le seul « vrai économiste » du FN. C’est injurieux à l’égard des autres, notamment d’un universitaire, agrégé d‘économie, comme Sulzer, ou d’un excellent praticien de la finance comme Bernard Monot, l’un des rares économistes à avoir annoncé la crise de 2007-2008, deux hommes, pour ne citer qu’eux, dont le CV et les compétences valent largement ceux de Murer.

Heureusement que Maurice Allais, notre premier Prix Nobel d’économie, n’est plus de ce monde, lui qui était très proche du FN et n’hésitait pas à dire que le libre-échange ne devait être pratiqué qu’entre pays de développement comparable. Philippot aurait été capable de le déchoir de son prix Nobel ! Mais Murer est un écolo-gauchiste-souverainiste à tous crins, ce qui, pour Philippot, est sans doute plus important que la vraie connaissance. Et si on essaie de nous faire croire que rediabolisation signifie, selon une vieille sémantique, antisémitisme viscéral, ceux qui me connaissent savent que je ne mange pas de ce pain-là. Et la Présidente du FN non plus. Au point que les Juifs de France ont maintenant parfaitement compris qu’en luttant contre l’islamisation, le FN était encore le parti qui les protégeait le mieux et leur offrait le plus de raisons de ne pas quitter la France pour Israël. Alors, à ces vraies outrances verbales, je préfère opposer l’attitude de Marine Le Pen qui, notamment chez Jean-Jacques Bourdin dès le lendemain de la démission de Philippot, a eu les mots justes et dignes, en disant qu’elle regrettait le départ de quelqu’un qu’elle appréciait et avec qui elle avait beaucoup travaillé depuis des années, louant même ses indéniables qualités de travailleur et de débatteur. Alors, l’accuser d’avoir cherché un fusible à la suite des résultats électoraux de mai et juin, c’est vraiment lui faire un mauvais procès.

Mais, au-delà de l‘outrance verbale, il y a le fond, qui ressemble terriblement à un alignement sur les positions mélenchonistes et leurs utopies économiques irresponsables. Et qui pourrait bien un jour signifier aussi l’abandon de la résistance à l’islamisation, ce que le « principal conseiller » avait commencé à faire en soufflant malencontreusement à la Présidente des propos sur « l’Islam compatible avec la République ». Alors, quand je vois qu’on parle d’un FN destiné à « servir de force supplétive à la remorque d’une droite mondialiste, ultralibérale et immigrationniste », les bras me tombent devant une telle mauvaise foi, ou une telle méconnaissance de la base des militants et sympathisants FN. Mais c’est peut-être caractéristique d’adhérents de fraîche date, vite repartis vers d’autres cieux.

L’immense majorité des adhérents FN quitteraient le parti s’il en allait ainsi. Or, n’en déplaise à Philippot, c’est très loin d’être le cas.  Et son départ n’a rien à voir, quantitativement voire qualitativement, avec l’hémorragie de cadres et d’élus provoquée en son temps par la scission mégrétiste. L’alliance contre nature que Laurent Bras annonce n’est absolument pas dans l’ADN du FN. L’immense majorité de ses militants et sympathisants est consciente que sa base sociologique se situe dans les classes moyenne et populaire et qu‘il faut absolument les défendre. J’en suis moi-même issu, et je tiens à cette attention portée aux gens modestes. L’expression est de Michel Onfray, un des philosophes contemporains les plus lucides sur les questions de société, pour qui c’est la définition même de la gauche. Je me permettrai alors d’ajouter qu’à cette aune, beaucoup de gens dits de droite sont en fait de gauche, ce qui va très bien avec le fameux « ni droite-ni gauche ». Et je ne crois pas que le fichier adhérents du FN comprenne la moindre trace de dirigeants de multinationales et autres membres de cette superclasse mondiale des grands gagnants de la mondialisation.

Pour autant, défendre les gens modestes ne signifie pas tomber dans la démagogie et l’irréalisme, ce que font les 35 heures, la retraite à 60 ans et l’opposition forcenée à ce que le syndicat de Laurent Bras, cet étrange Cercle Front Syndical, appelle la Loi El Khomry puissance 1.000. Comme lui, je suis pour l’élévation du niveau de vie des petits salariés, ou plus exactement l’arrêt et le retournement de sa dégringolade. Mais ce ne sont pas avec des mesures qui dissuadent les investisseurs et les hommes d’entreprise de faire travailler des Français qu’on y arrivera. C’est d’abord par un protectionnisme sans faiblesse. Or, cela, les gauchistes n’osent pas le dire, car ils sont toujours prisonniers de leur vertueux impératif de solidarité prolétarienne étendue à toute la planète. Petit détail sémantique : en 2002, les antimondialistes, qui s‘étaient fait connaître par d‘énormes manifestations anticapitalistes à l‘occasion des G xx, ont décidé de changer de nom pour s’appeler altermondialistes. C’est assez révélateur, et effectivement, pour les déshérités du Tiers Monde, ça sonnait mieux. Je n’ai pas ces pudeurs de rosière. Si le libre-échange tend à rapprocher le niveau de vie de l’ouvrier français de celui du Bangladesh, alors ma priorité n’est pas cet abaissement du niveau de vie français. Tant pis pour le Bangladesh. Mais cela, Laurent Bras et Dominique Bourse-Provence sont coincés pour le dire, tout comme Mélenchon et ses insoumis, avec qui ils défilent contre les ordonnances. Pour autant, le modèle allemand, dérivé des réformes Hartz-Schröder de 2003, s’il fait baisser le chômage, mais avec des millions de travailleurs pauvres, n’est pas ce que je souhaite pour la France.

Pour la petite histoire, Hartz était un ancien DRH de Volkswagen. Décidément, ces DRH qui se mêlent de politique sont redoutables ! Quant à ce qui concerne l’identité, l’Europe et la sortie de l’Euro, qu’on me permette de préciser ma pensée. Contrairement à Bras, et à Philippot, je ne suis pas contre l’Europe par principe, mais je suis contre le conformisme et la lâcheté actuels de ses institutions. Symétriquement, je ne suis pas par principe pour le souverainisme, auquel je préfère l’identité, ni pour le retour au Franc. Et je crois que, sur ces points, je suis bien en phase avec la grande majorité des adhérents FN et, plus encore, des électeurs FN. Souverainisme et sortie de l’Euro ne sont pas, à mes yeux, un but en soi, mais je les prends comme une nécessité à laquelle il faudra probablement se plier pour atteindre nos objectifs, qui sont l’identité et la prospérité.

La philosophie droits-de-l’hommiste qui imprègne l’UE est incompatible avec les mesures à prendre pour sauver notre identité et notre civilisation. Si les Patriotes (au sens courant, pas au sens de l’association de Florian Philippot) parviennent au pouvoir, ils devront donc quitter cette Europe-là. De même, la réprobation qu’ils susciteront dans les organisations financières internationales les obligera à retrouver l’autonomie de la planche à billets, donc le retour à une monnaie qui soit au service d’objectifs politiques. Ce sont des choses qui auraient probablement mérité d’être mieux expliquées dans les campagnes électorales du printemps dernier, surtout vis-à-vis de l’électorat âgé et aisé. En tout cas, nous sommes là à l’opposé de la perspective, que j’espère purement polémique, avec la mauvaise foi que ça implique, de « force d’appoint d’une droite mondialiste, ultralibérale et immigrationniste ».

Et je vais terminer sur ce point. La comparaison avec le PC des années 80, auquel Mitterrand faisait le baiser de Judas, ne tient absolument pas, même si elle court beaucoup, actuellement, dans les rédactions bien-pensantes. Le FN n’est pas en position de faiblesse vis-à-vis de LR, alors que le PC était déjà bien déclinant avant même l’élection de Mitterrand et avant que la chute du mur de Berlin ne vienne acter sa quasi-disparition. Le FN actuel pèse d’un poids électoral au moins égal à celui de LR. Et surtout, ce parti LR est en pleine crise, beaucoup plus profonde que la petite agitation que crée, au FN, le départ de Philippot. La très probable élection de Wauquiez à sa présidence, en décembre, devrait entraîner le départ de tous les immigrationnistes centrophiles, du genre Juppé, NKM, Pécresse, Estrosi, Bertrand, etc., et la fin de l’alliance contre nature des « bons R », style Ciotti, Myard, Mariani et bien d’autres, avec les centristes collabos, tel un J-C. Lagarde. Cet éclatement de LR, condition d’une alliance électorale avec le FN, c’est ce que les Patriotes attendent depuis des décennies, de même que 70%, selon des sondages assez constants, de l’électorat LR. Et dans une telle alliance avec les bons R, c’est le FN qui représenterait la force principale… et montante. Rien à voir avec les sombres pronostics de Laurent Bras !

Eric Lhullier