Les Lyonnaises ont montré que le football était aussi un superbe sport féminin

Paul Le Poulpe a fait un bel article, dans RL 201, sur la formidable équipe de Barcelone, la qualité de son jeu, et sur l’identité de ce club. Mais, n’en déplaise à tous ceux qui pensent que le foot féminin, c’est moche à voir ou qu’à la limite « ça vaudrait le coup si elles étaient en jupe», n’en déplaise aux sexistes de tous bords qui affirment que la maitrise du ballon rond est une affaire de virilité, il y a quelque chose de changé dans le monde du sport.

Des millions de téléspectateurs ont enfin vu, quelques jours auparavant, un match de foot féminin qui remettait les pendules à l’heure. Le fait que pour la première fois, une équipe française, l’Olympique lyonnais, ait remporté cette coupe d’Europe après laquelle les joueurs lyonnais du président Aulas courent depuis dix ans ne gâche pas notre plaisir. Avec leur esprit de groupe, leur jeu offensif et une grande combativité, elles l’ont bien mérité leur victoire, les filles de l’OL. Elles nous ont épatées ces footballeuses. Espérons qu’elles auront un peu décoincé les cerveaux étriqués de ceux qui ne parlent du foot qu’au masculin. Et certains habitués des tribunes qui se délectent de critiques (lenteur du jeu, moins d’engagement viril, etc.) en comparant le jeu masculin au jeu féminin feraient mieux de la mettre en sourdine. Evidemment que ce n’est pas le même jeu, idem pour le basket, le volley et tous les sports.

Tant que les amateurs du ballon rond considéreront que regarder un match entre deux équipes de filles, c’est plutôt chiant, le foot féminin sera relégué au second rang des sports collectifs. Il faut dire que les médias, qui ont dû reconnaitre, quand même, un fort pic d’audience lors de la diffusion de cette finale de la Ligue, ont une grande responsabilité dans ce manque d’engouement pour le foot féminin. A l’instar du rugby féminin, c’est un sport qui n’a jamais fait couler beaucoup d’encre dans les colonnes de nos quotidiens, où la logique marchande met en avant essentiellement les sports fortement médiatisés, comme le football, le rugby ou le tennis. Concernant ce dernier sport, les sportives ont mené des batailles, souvent victorieuses, pour que les vainqueurs femmes de grands tournois touchent les mêmes sommes que les vainqueurs hommes.

Les journalistes sportifs vont peut être, à présent, il faut l’espérer, suivre la nouvelle « tendance » et relayer la campagne de promotion du foot féminin engagé par la FFF avec la participation d’Adriana Karembeu. Encourager les femmes à pratiquer le sport, surtout dans ce genre de compétition où la puissance du jeu masculin fait l’attrait du spectacle, est essentiel dans une société qui prône l’égalité des sexes. Et la France est loin d’être un modèle quand il s’agit de certains sports collectifs à connotation virile comme le sont le rugby, le foot, voire le cyclisme.

J’ai encore à l’esprit cette phrase d’un champion cycliste, Marc Madiot, à la grande championne, Jeannie Longo. Il lui disait, avec tout le machisme possible, qu’une femme en plein effort sur un vélo, ce n’était pas séduisant. Jeannie lui avait répondu du tac-au-tac : “Parce que tu te crois craquant, avec tes grimaces, quand tu montes le Tourmalet ?” Il n’est pas inutile de rappeler que les anglos saxons sont, de ce point de vue, bien plus en avance que nous. L’histoire du foot féminin a démarré en Angleterre et en Ecosse à la fin du 19e siècle. Chez nous, il a fallut vaincre bien des réticences pour faire admettre que les femmes pouvaient jouer au ballon rond, et en public de surcroit.
Nos législateurs trouvaient cela indécent, et le baron Pierre de Coubertin, par exemple, considérait que les femmes devaient se contenter d’applaudir les athlètes masculins, mais surtout pas de chercher à les imiter. Le foot féminin fut même rigoureusement interdit sous le régime de Vichy. Jugé inadapté à leur anatomie, ce sport était considéré comme trop dangereux pour les femmes. Il a fallut attendre les années 60 pour que cette discipline soit reconnue dans notre pays. Des compétitions féminines s’organisèrent sur le modèle des compétitions masculines, mais de manière non officielle. Mais à force de persévérance, un vrai championnat finit par se mettre en place.

Alors, oui, on peut dire que les filles de l’OL reviennent de loin, qu’elles ont mené aussi un combat féministe, à leur façon, avec leur passion du ballon rond et leur acharnement à franchir les étapes jusqu’au sommet. En gagnant la coupe de la Ligue, elles ont porté le foot féminin français au plus haut de sa gloire et nous ne pouvons qu’en être fiers. Leur victoire, c’est une avancée non négligeable dans la bataille pour l’égalité des sexes, dans le sport comme dans la vie. Gageons que les amateurs du ballon rond les plus sexistes porteront bientôt un autre regard sur le foot féminin, et peut être un autre regard sur les femmes en général.

Mais n’oublions pas qu’Annie Sugier, présidente de la Ligue du Droit international des Femmes, avait remarqué que, ces dernières années, sous la pression des religieux musulmans, le nombre de femmes pratiquant le sport dans certains quartiers de notre pays était en baisse inquiétante. Comme quoi rien n’est jamais acquis.

Brigitte Bré Bayle

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