M. Ménard, votre arrêté interdisant de cracher dans la rue est un acte raciste

robert-menard

C’est un acte raciste parce que je vous soupçonne de viser une communauté spécifique de votre ville de Béziers. Avouez que ce n’est pas n’importe qui crache dans la rue. Et même s’il est indéniable que certains crachent plus que d’autres et privilégient les lieux publics pour leurs déjections salivaires, je ne vois pas en quoi cela peut être dérangeant.

J’ai habité une commune de Bruxelles, Saint-Josse, où les habitants crachent à mesure qu’ils marchent. Un crachat à chaque pas. Les autorités n’y ont jamais rien vu de mal. Et ça n’empêche pas la population de Saint-Josse, composée à 90 % de Marocains et de Turcs, de vivre en parfaite harmonie avec le reste de la population (dont une certaine subsistance belge).

On crache de la même façon dans les autres communes de la ville. On crache en une journée autant que sur les terrains de football réunis de la Belgique et de la France durant toute une saison de championnat, toutes catégories confondues (En France, c’est surtout au Parc des Princes que l’on crache − les joueurs autant que les spectateurs − depuis que le PSG a été acheté par les Qatariens). On ne se contente d’ailleurs pas de cracher. Un énergique clic sur la narine droite à l’aide du pouce permet de vidanger une bonne partie de la morve contenue dans la cavité nasale gauche, ce que la médecine appelle pudiquement « humeur ». Et les habitants de Bruxelles ne se gênent pas de jalonner leur parcours dans les rues de la ville de leur humeur toujours féconde.

Tout cela n’empêche pas Bruxelles d’être la capitale de l’Europe, d’abriter des sommets de chefs d’Etat et de recevoir des têtes couronnées et moins couronnées (comme Lady Gaga  qui sera aujourd’hui même à la Grande-Place de la ville). Bruxelles a même été capitale européenne de la culture il y a 14 ans et abrite chaque année une foire musulmane (on ne sait pas si Bruxelles sera encore un jour capitale culturelle, mais il est quasi sûr que la foire musulmane, elle, sera toujours là. La prochaine édition se tiendra du 7 au 9 novembre prochain).

Je vous soupçonne aussi, M. Ménard, de vouloir sciemment perturber la pratique de l’islam, surtout durant le mois de ramadan quand les jeûneurs crachent beaucoup pour éviter d’avaler leur salive au risque de rompre leur jeûne.

Votre décision, Monsieur le maire, va d’ailleurs à l’encontre de la liberté d’expression. Vous n’êtes pas sans savoir que le fait de cracher en public est une façon de manifester la frustration vécue dans une société qui se dresse comme un obstacle devant des ambitions individuelles et collectives. Un peu comme le mur qui se dresse face au coup-franc en football… Il est vrai qu’on crache avec abondance après un coup-franc qui bute sur un mur, surtout quand c’est placé dans l’axe bien face au but… Le crachat est donc une façon de s’exprimer qu’il faut protéger et défendre comme vous avez toujours défendu la liberté de la presse.

Vous avez été au Maroc, M. Ménard, et vous avez vu qu’on y crache à profusion. Là-bas, chaque individu se mouvant dans la rue est un lance-roquettes de type Katioucha. Les crachats pleuvent comme les Orgues de Staline sur Berlin en 45. Et pourtant cette habitude (qui n’est pas une expression de quoi que ce soit, mais juste une « tradition ancestrale ») n’affecte nullement « l’émerveillement des sens » que ce pays prétend vouloir offrir aux touristes.

Vous savez aussi qu’on crache énormément en Chine et pourtant cela n’a pas empêché Pékin d’organiser des jeux olympiques qui ont été un grand succès. Vous avez certainement regardé la récente coupe du Monde au Brésil et vous avez vu que là, non plus, on ne se prive pas de cracher. La star Neymar l’a fait sur un joueur mexicain et l’arbitre n’a pratiquement rien dit, étant donné qu’il considère ce geste comme une expression du fair-play.

Ce n’est d’ailleurs pas absolument vrai que le crachat contient des germes pathologiques. D’après l’imam Khomeiny, seuls « les crachats sanguinolents sont impurs, tandis que le reste qui n’a pas été souillé par le sang est pur » (tiré du « Petit livre vert de l’ayatollah Khomeiny » à voir sur http://www.fnb.to/FNB/Article/Khomeyni/Khomeyni.htm). Or, il n’y a pas de raison de croire la médecine occidentale et pas le vénérable ayatollah.

Le crachat est une émanation de la diversité culturelle et la diversité culturelle est un gage de richesse. Le crachat est donc une richesse qu’il faut encourager plutôt qu’interdire. En s’y attaquant, on affaiblit l’Etat français. La France, vous le savez, est déjà en crise. Les immigrés arrivent en masse et les capitaux fuient en liasses. Les entreprises délocalisent et le chômage fuse. Il faut, en plus, faire face aux dépenses imprévues, comme financer la participation de la France à la coalition anti-califat islamique et payer des indemnités et des pensions aux ayants droit des « djihadistes » français qui vont y être tués (par leurs compatriotes de l’aviation) pour atténuer le courroux de leur famille. Ce n’est donc pas le moment de lui porter un coup de couteau dans le dos.

Où allons-nous comme ça, Monsieur le maire ? Déjà que vous avez interdit l’étendage du linge aux fenêtres et l’installation de paraboles sur les façades des immeubles. Déjà que vous avez supprimé les repas halal des cantines municipales pendant que votre collègue de Hayange s’amuse à organiser la fête du cochon. C’est le vivre-ensemble que vous remettez tous en cause.

En le remettant en cause, Monsieur le maire, vous vous rendez coupable d’un casus belli.

Et là, je ne peux que… vous soutenir !

Messin’Issa

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