Claudine Palacio est directrice d’école en Seine-Saint-Denis. Le 15 janvier dernier, elle intervenait à la tribune d’une réunion laïque unitaire, mairie du 20e arrondissement (lire Riposte Laïque 23). Elle nous a fait parvenir son intervention, que nous publions avec plaisir.
Précisons que comme celle de sa collègue de l’Essonne Laurence Bonzani, elle fut très applaudie par la salle.
Une sortie scolaire, c’est un temps d’école pour les élèves. Ils vont au théâtre, au musée et continuent de s’instruire à cette occasion. Depuis longtemps, les maîtres font appel aux parents pour les accompagner, essentiellement pour des raisons de sécurité mais aussi pour les associer à la vie de l’école. Précisons qu’il est obligatoire de remplir des autorisations de sortie qui sont signées par les directeurs, lesquels engagent leur responsabilité.
Les personnes portant ostensiblement une tenue ou un signe qui montre leur appartenance religieuse pourraient-elles aider les maîtres durant ce temps de classe ? Oui, répondent aussi bien la HALDE que la direction nationale de la FCPE.
Comment ne pas être outré par la réaction de cette fédération de parents d’élèves ? Je cite: « La HALDE rend leur dignité aux mères d’élèves »!. Ceux qui approuvent la délibération de la HALDE, se disent prêts à ce que ces personnes soient présentes auprès des élèves ainsi que l’ont montré quelques réactions parues sur le site de Libération après la publication de la tribune du 10 décembre. Ainsi, un maître se proposait-il d’organiser un forum inter religieux dans sa classe.
A l’opposé, je pense qu’il faut protéger l’école de toutes ces incursions tout en privilégiant l’instruction, et dans ce cadre, la connaissance du fait religieux, mais sans avoir à imposer la présence de ces signes d’appartenance aux élèves. N’oublions pas que ce sont des enfants de 3 à 11 ans qui sont essentiellement concernés et qu’à cet âge ils n’ont pas la capacité d’apprécier ce que ce collègue proposait de faire dans sa classe. D’ailleurs, soit dit en passant, je ne suis pas sûre qu’il obtiendrait l’autorisation de sa hiérarchie pour organiser une telle activité à l’école.
Heureusement, de nombreux autres parents, y compris adhérents à la FCPE, restent fermement attachés aux valeurs de l’école républicaine. Ils ne comprennent pas qu’on veuille céder aux groupes de pression politico-religieux qui s’immiscent dans tous les services publics pour y imposer leurs pratiques anti-républicaines.
Voici un exemple de ce qui se passe dans les écoles. En octobre dernier, un courrier m’a été adressé par le président FCPE du secteur scolaire où je travaille et il a provoqué un électrochoc au sein des parents élus au conseil d’école ; plusieurs d’entre eux m’ont fait part de leur indignation et de leur soutien. Que disait ce courrier ? « Mettre de côté des parentes d’élèves qui portent le voile en les empêchant de participer aux sorties en tant que parent d’élève accompagnateur – alors même que la loi ne s’applique pas aux parents d’élèves – s’appelle faire de la discrimination ». Se référant au code pénal, il concluait: « La discrimination est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 ‚ d’amende lorsqu’elle consiste à refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi ».
Soyons clairs : ce droit n’a jamais existé. Un parent, quel qu’il soit, ne peut s’imposer auprès des élèves sur le temps scolaire. Ainsi, la FCPE salue la dignité des mères voilées retrouvée grâce à la HALDE, alors qu’elle bafoue celle des directrices d’école qui ne font que respecter l’éthique laïque. Les fondateurs de la FCPE, à laquelle j’ai moi-même appartenu pendant une dizaine d’années, doivent se retourner dans leurs tombes !
On se demande d’ailleurs si la HALDE va aussi bientôt préconiser d’accepter comme accompagnatrices de sorties scolaires les mères qui portent ces longues tenues sombres avec des voiles qui auraient fait pâlir de jalousie les nonnes d’antan qui n’ont pas eu la chance de connaître le tchador et la burqa. Et on risque même, alors que loi française l’interdit, qu’elle ne donne raison à ceux qui revendiquent la légitimité de l’excision des fillettes et on taxera ceux qui s’y opposent de discrimination ethnique !
On le voit bien, cette délibération de la HALDE a, et aura, des conséquences dont on ne mesure pas toute la portée, sauf, comme nous l’espérons, à être remise en cause. Pour illustrer son impact, voici l’intégralité du courrier qu’une de mes collègues, ici présente, a reçu de la part d’une des mères ayant porté l’affaire devant cette Haute Autorité.
« Le 27 juin 2007 Madame la directrice, Veuillez trouver ci-joint la copie sur la décision de la HALDE. En ce jour, je tenais à vous faire partager ma joie et vous dire que j’ai réussi mon combat et c’est moi qui ai eu raison et non vous, en ce qui concerne la loi, vous avez bien fait de la Descrimination Religieuse. Et la prochaine fois chère Madame la Directrice, réfléchissez avant de dire des choses dont vous n’avez aucune connaissance. En tout cas, les femmes portant le voile ont réussi leur combat et vous ont prouvé qu’elles étaient loin d’être bêtes, comme vous pouviez le prétendre. Encore une fois, la loi ne concerne pas les parents »
Certes, la circulaire d’application à laquelle se réfère la HALDE dit que « la loi ne concerne pas les parents » ; mais on a imprudemment omis d’aborder la situation particulière de l’accompagnement de sorties scolaires, autorisant ainsi diverses interprétations. Certaines académies ont interdit la présence de ces personnes. D’autres, comme en Seine-Saint-Denis, ont bizarrement établi la distinction entre sortie régulière, où la neutralité des parents est requise, et sortie occasionnelle où elle ne l’est pas. Dans les mêmes circonscriptions, les inspecteurs peuvent prendre des positions différentes, voire opposées. Dans les écoles, les équipes pédagogiques sont parfois divisées et de fortes tensions subsistent par endroits qui rappellent ce qui se passait dans le secondaire quand le port de signes d’appartenance était autorisé dans certains collèges et proscrit dans d’autres.
La zizanie menace à nouveau de s’installer dans les écoles. Dans certaines, on a carrément supprimé toutes les sorties scolaires ; dans d’autres on l’envisage et on évite au maximum de faire appel aux parents. Malgré toutes ces précautions, certains se présentent sans avoir été sollicités et nous savons que, malheureusement, des collègues préfèrent les emmener de peur d’être accusés de discrimination, de racisme ou de je ne sais quelle islamophobie!
Un incident, récemment rapporté par mon inspecteur, en dit long sur la stratégie employée par certains parents qui n’hésitent pas à tendre des pièges. Il était convenu, avec une institutrice, qu’un père d’élève accompagnerait la classe de son enfant en sortie l’après-midi. Le matin, il appelle le directeur pour dire qu’il est souffrant et que sa femme le remplacera. Celui-ci remercie poliment et dit que ce n’est pas la peine car il y a déjà d’autres accompagnateurs. L’après-midi, la mère, qui est voilée, se présente quand même et l’enseignante ne l’accepte pas. Dès son retour au domicile, son mari, furieux et manifestement guéri, téléphone à l’inspecteur hurlant qu’il va saisir la HALDE pour discrimination.
A ceux qui soutiennent les femmes musulmanes dans leur « combat » et qui, avec elles accusent les écoles de pratiquer la discrimination religieuse, je conseille d’aller faire un tour dans ce qu’on nomme pudiquement « les quartiers », d’aller voir toutes ces femmes et se demander si c’est cette image-là qu’ils souhaitent qu’on donne à leurs enfants, et à leurs filles en particulier ? Au nom de cette sacro-sainte liberté de conscience, on ne peut tout admettre !
On parle du centenaire de Simone de Beauvoir depuis quelques jours, a-t-on déjà oublié son oeuvre en faveur de la condition féminine ? La loi Neuwirth a légalisé la contraception en France et la loi Veil l’avortement. On a l’impression que tout ça est oublié et la seule revendication concernant les femmes se rapporte au port du foulard. Après les écoles, elles voudront le porter derrière le guichet de la poste, auprès des bébés dans les crèches ou sur les photos d’identité. On n’est pas au bout de nos peines ! Il aurait vraiment fallu que partout on comprenne, et en premier lieu au ministère de l’Education nationale, qu’il était nécessaire de ne pas laisser s’installer une situation qu’on ne pourrait plus maîtriser par la suite.
L’exemple du premier foulard porté par une collégienne à Creil en 1989 aurait dû rester dans les mémoires et servir de leçon. Le ministre de l’Education nationale doit se prononcer : il faut mettre un terme à ces pratiques contraires à la laïcité qui doit rester un pilier essentiel de l’école publique. Ensemble, exigeons un complément à la circulaire d’application de la loi du 15 mars 2004, affirmant que le principe de neutralité concerne toute personne encadrant des élèves sur le temps scolaire, y compris les parents.
Claudine Palacio Le 15 janvier, mairie du 20e arrondissement