Si nous étions dans le monde des Bisounours, les choses seraient fort simples. Un salaud milliardaire, Gérard Depardieu, mauvais patriote, a choisi la Belgique pour aller planquer son fric, et refuser la solidarité nationale. C’est l’histoire que le Premier ministre a essayé de vendre, se permettant de qualifier l’acteur de « minable », expression boomerang qui lui est revenue en pleine tête, tant la différence est grande entre un personnage comme notre Obélix et un austère bureaucrate socialiste devenu Premier ministre pour bons et loyaux services.
Notre Obélix. Oui, n’ayons pas peur des mots. En effet, la bave du crapaud Ayrault ne saurait atteindre le sublime acteur dans lequel nous nous retrouvons tous, nous les Franchouillards qui aimons la beauté, le panache, l’amour, la vie, la tendresse, les coups de gueule et le petit vin blanc.
Alors, nous nous rions, et comment du faux puritain qui nous sert de premier ministre et qui ose, sans vergogne prétendre qu’à cause de notre acteur fétiche nous n’aurions plus d’argent pour nos écoles, nos hôpitaux, l’entretien des routes et le salaire des fonctionnaires… oubliant qu’il fut, lui, au contraire de Depardieu, condamné pour délit de favoritisme…
Alors, foin des rodomontades des pisse-froid et autres haineux : les Français continuent d’adorer celui qui est, sans conteste, le plus grand acteur de l’époque, et ce n’est pas un autre minable donneur de leçons, Philippe Torreton, petit acteur et élu socialiste parisien qui ne siège plus depuis deux ans, mais touche toujours ses 4800 euros d’indemnités d’élu, qui y changera quelque chose.
http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Depardieu
Une fois de plus, ceux qui se lèvent tôt ont regardé avec agacement et sans y adhérer du tout les gesticulations des journalistes, artistes et politiques miteux croyant se refaire une virginité humaniste en criant au loup devant celui qui a eu le front de dire que leur navire ne lui convenait pas.
Que croyaient-ils, ces Jocrisse ? Que, dans un contexte de crise et de montée du chômage, les Français allaient massivement condamner l’exil de Depardieu ? Que nenni.
C’est que, d’une part, ils se rendent bien compte, et ils sont de plus en plus nombreux chaque jour, que ce gouvernement, nos prétendues élites, et les journalistes qui leur servent la soupe, ne les défendent plus, les abandonnent, et préfèrent de nouvelles populations. Comme le disait Jacques Guillemain, dans ce remarquable texte, à lire complètement…
– Où est la justice sociale quand on repousse l’âge légal de la retraite alors que tout étranger de 65 ans n’ayant jamais travaillé ni cotisé en France, a droit à une retraite de 780 euros par mois dès son arrivée ?
– Où est la justice sociale quand une femme de paysan ayant travaillé 50 ans à la ferme, n’a pas droit à ces 780 euros au prétexte que son mari et elle dépassent le plafond de 1200 euros de minimum vieillesse pour un couple ?
– Où est la justice sociale quand la sécu en faillite continue de payer à l’étranger, sans le moindre contrôle, des retraites à d’innombrables centenaires disparus depuis des lustres ?
(…)
Alors, le coup de la solidarité, avec des Hollande-Ayrault-Duflot au pouvoir, cela ne marche pas !
D’autre part, ce qui compte, ce n’est pas l’homme Depardieu, dont tout le monde se contrefiche, mais l’acteur extraordinaire qui a si bien su donner vie aux vers de Racine ou d’Edmond Rostand. La poésie faite homme. La beauté faite homme. La vie faite homme.
On ne peut peut-être pas tout pardonner à un tel être mais il a tant donné que le moins que l’on puisse faire est de saluer l’artiste et de le laisser vivre à sa guise sa vie privée, qui ne nous regarde pas.
Et puis, et puis, n’y a-t-il pas, dans l’acteur, comme dans l’homme, ce souffle de démesure et de folie qui nous attire, qui nous tente tous ? N’est-ce pas ce côté irréductible Gaulois qui nous fascine ? Depardieu n’est-il pas ce fou géant qui peut se permettre ce que chacun de nous n’ose pas ?
Imaginez… Si chacun de nous, à l’instar d’un Depardieu, était avant tout un homme d’amour et de passion, capable de s’engager dans les projets les plus fous, par amitié, ou par sens du défi ? Si chacun de nous avait été capable de soutenir le Parti communiste en 1992, Sarkozy en 2007, le maire écolo-bobo Jacques Boutault en 2008 (le même qui a essayé de faire interdire le rassemblement de RR devant la place de la Bourse, en 2010), réclamer la régularisation des clandestins, soutenir à nouveau Sarkozy en 2012, tenir des discours d’européiste fou…
La société serait un vaste chaos, tout irait de travers (encore que… le sérieux apparent de nos élites ne les empêche pas de nous emmener droit dans le mur… ) ce serait très difficile de s’y retrouver.
Mais qu’il existe des Depardieu pour oser être et faire ce que nous ne pouvons pas être et faire, pour réaliser nos rêves peut-être inavouables, n’est-ce pas le gage d’un fonctionnement heureux de la société ? Freud a montré que nos rêves étaient indispensables à l’équilibre de notre vie, en nous permettant de mettre en scène nos peurs ou nos désirs les plus refouolés. Un Depardieu fait partie de ces soupapes de sécurité dont toute société a besoin. Que nous chaut qu’il choisisse de vivre ailleurs ?
Parce que, Depardieu, d’abord, et surtout, en Belgique ou ailleurs, c’est la grandeur de la France, sa soif de liberté, sa générosité, ses excès, ses jouissances, ses faiblesses, ses conneries, et, qu’il soit patriote ou pas, « Il est des nôtres », il nous ressemble un peu…
Mais surtout parce que Depardieu c’est celui qui nous fait vibrer, celui qui nous permet de deviner que, derrière un comptoir, au milieu des disputes les plus âpres, il existe une magie, un bonheur qui n’a rien à voir avec l’argent, avec le pouvoir, celui de se sentir homme parce qu’on touche à la fois la beauté et l’humanité.
Je vous invite à déguster, comme un des meilleurs crus qui soit, ces images d’un film où, selon moi, Depardieu a atteint le sommet de son talent : Uranus, de Claude Berri, adaptation de l’œuvre éponyme de Marcel Aymé. Ce film, avec d’extraordinaires acteurs (Michel Blanc, Fabrice Lucchini, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Michel Galabru, Daniel Prévost…) montre l’histoire d’un petit village bombardé, à la fin de la guerre. Il est bien évidemment politiquement très incorrect, et c’est pourquoi il est beaucoup moins connu qu’il ne le mérite. On est bien éloigné du manichéisme officiel, où les résistants de la première heure sont très gentils, et où les collabos sont très méchants. On n’est pas dans le blanc et le noir, on est plutôt dans le gris, celui d’une France majoritairement pétainiste en 1940, et majoritairement résistante en 1944… On est dans une vision, parfaitement incarnée par le personnage de l’instituteur Philippe Noiret, où l’humanisme est plus important que le dogme, et où les hommes comptent davantage que les idées qu’ils prétendent défendre.
http://www.dailymotion.com/video/x21hnr_uranus_shortfilms
On voit certains collaborateurs qui ne sont pas si antipathiques, et certains résistants qui se comportent en salauds…. Et le contraire. Le personnage de Michel Blanc, communiste sincère et honnête, est également émouvant. Tout le contraire de celui de Fabrice Lucchini, petit bourgeois communiste haineux qui se rêve commissaire du peuple, ou de Daniel Prevost, crapule stalinienne dans toute sa splendeur. Que dire de celui de Jean-Pierre Marielle, honnête ingénieur qui risque sa vie et celle de sa famille pour essayer de sauver la vie d’un collabo… Et Galabru, dans le rôle de ces vrais salauds qui sont toujours dans le camp des vainqueurs…
http://www.dailymotion.com/video/x74ay4_uranus-1990-extrait-monologue-de-ga_shortfilms?search_algo=2
Mais c’est sans conteste Gérard Depardieu, dans le rôle du bistroquet Léopold Lajeunesse, qui crève l’écran. Anarchiste de droite, force de la nature, ancien forain, alcoolique, capable de pleurer en écoutant des vers de Racine, grande gueule, franc du collier, un peu combinard, un peu résistant, un peu collabo, ne supportant pas la trahison et haïssant les communistes, il incarne le vrai Gaulois, dans la continuité du village d’Astérix, de sa bonne bouffe et de ses bagarres multiples qui finissent par des réconciliations devant une bonne cervoise. Une France que les froids énarques, qu’ils soient au PS ou à l’UMP, ne comprendront jamais, mépriseront toute leur vie, et veulent voir disparaître. Dans ce film, Léopold-Depardieu, c’est le vrai peuple, c’est notre France.
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Voilà pourquoi, même si les bobos parisiens lui crachent dessus, les Français ne pourront jamais détester Depardieu, et que nous n’attendons qu’une chose, qu’il nous revienne au cinéma. D’ailleurs, son talent est tel que, si le projet de lui faire jouer le rôle de Dominique Strauss-Kahn se concrétisait, il serait capable de rendre ce dernier sympathique. N’est-ce pas dire son génie ?
Christine Tasin