
« Si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée sous quinze jours ni maisons, ni subsistance, ni armes, ni habitants … »
(Général Louis-Marie Turreau de Lignières au Comité de salut public).
Plus les jours passent et plus je me dis que la France ressemble de plus en plus à Cuba, à l’ex-URSS ou à la Corée du Nord : le débat d’idées y est interdit. Hier, j’ai écrit un article sur les guerres de Vendée et le film « Vaincre ou mourir ». Un film descendu en flamme par la presse de gauche. Les moins féroces (ou les plus honnêtes ?) critiquaient « un film à petit budget, réalisé avec les figurants du Puy-du-Fou ». Et que penser de la charge de Christine Tasin sur « Résistance Républicaine » ? Un article au vitriol, d’une vulgarité argotique qui sied mal à une dame (de surcroît agrégée de lettres, sauf erreur ?) et d’une virulence que ne renieraient pas Sandrine Rousseau et Clémentine Autain.
Au final, Madame Tasin nous dit qu’elle n’ira pas « voir cette merde ». Dont acte !
J’admire sa capacité à assassiner un film qu’elle n’a pas vu, bien que cela ne traduise pas une grande rigueur morale et/ou une grande honnêteté intellectuelle. Je n’en dirais pas plus.
Moi, « Vaincre ou mourir » m’a ému, comme j’ai été ému, il y a quelques années, par un autre film à budget restreint, le « Diên Biên Phu » de Pierre Schoendoerffer (1).
Mon article m’a valu une volée de bois vert de la part des défenseurs inconditionnels de la Révolution. Pour Michelet, elle était un tout et il est interdit de penser, encore moins d’écrire, qu’elle a été criminelle et funeste pour la France. Et bien, je m’arroge ce droit !
Un quidam m’a fait remarquer que toutes les guerres sont meurtrières et que les Vendéens avaient autant de sang sur les mains que les « Bleus ». Un autre m’a dit que j’adhérais « bêtement aux thèses nauséabondes des frères de Villiers ». Un troisième, enfin, me déclare que je réveille « des haines franco-françaises alors que les idéaux de la Révolution ont inspiré le monde entier ».
Je me fais un devoir de répondre à la mauvaise foi de ces allégations fallacieuses.
La France des « intellectuels », celle qui pense, qui parle fort et occupe les plateaux-télé pour nous inculquer la bien-pensance, avait découvert, puis honoré, puis adulé Alexandre Soljenitsyne au début des années 1970, quand, avec la parution de son livre « Une journée d’Ivan Denissovitch » (2), il faisait découvrir au monde libre l’univers concentrationnaire soviétique sous Staline. Pourtant, depuis les témoignages de dissidents soviétiques comme Dimitri Panine, on savait ce qu’était le Goulag, mais des acteurs, des écrivains, des philosophes (comme Jean-Paul Sartre), préféraient nier son existence pour « ne pas affoler Billancourt ». Puis ces mêmes intellectuels ont dénigré et rejeté en bloc l’œuvre de Soljenitsyne quand ce dernier a défendu l’âme russe, la foi chrétienne et la nation.
Le coup de grâce a été donné quand il a comparé la révolution d’octobre 1917 à la Révolution française. Puis, qu’il a accepté, en septembre 1993, à la demande de Philippe de Villiers, de se rendre en pèlerinage aux Lucs-en-Boulogne, en Vendée, là où les « Bleus » massacrèrent 500 personnes dont 110 enfants. Sur place il prononça un long discours… qui ne fut pas relayé par les médias.
Le grand écrivain ne semblait pas conquis par notre Révolution quand il déclarait :
« Longtemps, on a refusé d’entendre ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, que l’on brûlait vifs : les paysans pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite, mais que cette Révolution opprima jusqu’à la dernière extrémité… Ces paysans se révoltèrent contre la Révolution… Les hommes ont fini par se convaincre de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société ; qu’elles ruinent le cours naturel de la vie ; qu’elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires ; qu’aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupule; que dans son propre pays, elle est cause de morts innombrables, d’une paupérisation étendue et d’une dégradation durable de la population… Puisque Lénine a ordonné aux Bolcheviques : « Il nous faut des Vendée », Soljenitsyne est venu vous dire : « Il nous faut des Vendéens. Et qui se souviennent »… »
Non, notre Révolution ne sert pas de référence morale au monde entier ; des tas de gens la trouvent barbare. Pour moi, elle a tué « le Trône et l’Autel » au profit de l’athéisme maçonnique.
Passons rapidement « aux thèses nauséabondes des frères de Villiers ». Je n’ai jamais caché ma sympathie, mon admiration et mon respect pour Philippe de Villiers, homme de convictions, créateur du Puy-du-Fou, de « Radio-Alouette », et du « Vendée globe », entre autres.
Philippe de Villiers est un remarquable historien. Je vous conseille la lecture de son dernier roman : « La valse de l’adieu » (3). En revanche, je ne suis pas séduit par son cadet. Le général Pierre de Villiers est devenu la coqueluche des plateaux-télé depuis la sortie de son livre « L’équilibre est un courage » (4). Quand il a quitté son poste de Chef d’état-major des Armées, il a commis un bouquin assez indigeste intitulé « Servir » (5). Ce livre aurait dû s’appeler « Servir la soupe » tant ce brave général y flagornait les hommes de pouvoir. L’année suivante il sortait un autre livre : « Qu’est-ce-qu’un chef ? » (6) qui enfilait les fadaises et les lieux communs propres à toutes les formations en management. Les bonnes pages étant inspirées par « Le rôle social de l’officier » d’Hubert Lyautey. Je n’ai lu que quelques extraits de son dernier opus et je n’ai absolument aucune envie de l’acheter.
Le général de Villiers est certainement un grand soldat mais il y a, entre Philippe de Villiers et son frère, la différence qui existe entre un homme de convictions et un homme de servitude (j’allais écrire « de servilité »). D’ailleurs les médias aux ordres ne s’y trompent pas : Pierre de Villiers est reçu par toutes les chaînes de radio ou de télé. Et, tel un curaillon de gauche, il nous explique comment intégrer les « jeunes » de banlieues par le sport. C’est un baratin lénifiant qu’on nous sert, en gros, depuis la nomination de « Nanard » Tapie comme ministre de la Ville.
Pour le général de Villiers, il faudrait un… Didier Deschamps pour redresser la France. Depuis que je l’ai entendu dire : « Moi j’écris moi-même mes livres », subodorant fielleusement que ce n’est pas le cas de son frère aîné, je le trouve même un peu « foireux », pour rester poli.
Venons-en au dernier point : la barbarie était dans les deux camps ; les Vendéens étant aussi cruels que les « Bleus ». Essayons – honnêtement – d’y voir clair ! Pour ce faire, j’invite mes lecteurs à se reporter aux livres cités dans mon article d’hier (les livres sur la Vendée ne manquent pas !).
Lorsque la révolte éclate, en mars 1793, des violences sont commises par quelques groupes d’insurgés ; le paysan vendéen n’est pas un tendre. Mais elles se raréfient à mesure que s’établit un semblant de discipline dans l’« Armée Catholique et Royale ».
À la suite des premières victoires, les Vendéens font de nombreux prisonniers. Certains sont utilisés comme boucliers humains, notamment à la bataille de Chemillé et de Saumur. Cette tactique était inefficace car les prisonniers réussissaient à s’échapper. Elle sera donc rapidement abandonnée.
Des chefs vendéens, dont Athanase Charette de La Contrie, proposent alors des échanges de prisonniers, mais cette proposition est systématiquement rejetée par les Républicains qui refusent toute négociation avec les « Brigands ». Les prisonniers sont alors internés, et leur traitement varie beaucoup selon les chefs. D’après Lucas de La Championnière, au printemps 1793, à Legé, ville aux mains de Charette, les exécutions sont rares tandis qu’au Port-Saint-Père, les rebelles commandés par La Cathelinière exécutent tous leurs prisonniers.
Dans l’ « Armée du bocage », les généraux d’Elbée, Bonchamps, Lescure et La Rochejaquelein font preuve de clémence, (d’Elbée réussira à empêcher ses hommes de massacrer 400 prisonniers après la bataille de Chemillé). Lescure sauve plusieurs centaines de Républicains lors de la première bataille de Châtillon, tandis que Bonchamps, mortellement blessé à la bataille de Cholet, parvient, avant sa mort, à empêcher ses hommes de massacrer 5 000 prisonniers républicains qui sont ensuite relâchés. Lucas de La Championnière, qui est officier dans l’« Armée du marais », rend compte, en septembre, des différences avec la Grande Armée ou « Armée du bocage » :
« L’esprit des paysans qui composaient les détachements de la Grande Armée était bien différent de celui qui régnait parmi nous. Les nôtres pillaient, battaient et juraient comme de vrais soldats. Les autres revenaient du combat en disant leur chapelets, ils faisaient prisonniers tous ceux qu’ils pouvaient prendre sans les tuer et rarement s’emparaient de leurs dépouilles. »
En Anjou et dans le Haut-Poitou, les habitants républicains sont soumis à une très étroite surveillance tandis que les soldats « bleus » sont maintenus en prison.
D’après des témoignages de Républicains, à Mortagne-sur-Sèvre les 2 000 prisonniers sont bien traités par la population, les gardiens et le général Sapinaud. Mais à Châtillon-sur-Sèvre, où sont enfermés 3 000 prisonniers, le gardien fait exécuter tous ceux qui cherchent à s’évader.
Après les victoires de mai 1793, les Vendéens font un nombre considérable de prisonniers mais ne sont pas en mesure de les garder. Une proposition du général Donnissan est alors adoptée par l’état-major vendéen : les prisonniers sont relâchés contre le serment de ne plus prendre les armes contre les Vendéens. Ils sont ensuite tondus afin de pouvoir être reconnus s’ils trahissent leur serment ; les tondus repris seront fusillés. Ainsi 3 000 prisonniers républicains sont relâchés après la bataille de Thouars, 3 250 après la bataille de Fontenay-le-Comte et 1 100 après la bataille de Saumur. 25 000 prisonniers auraient été tondus. La Convention refuse cependant de reconnaître la validité de ce serment, les soldats tondus sont renvoyés au combat une fois leurs cheveux repoussés.
Le 22 juin, la Convention décrète que tout homme qui prêtera ce serment sera : « déclaré lâche et déserteur de la liberté, comme tel privé du droit de citoyen pendant dix ans et mis en état d’arrestation. » À partir de l’été 1793, le conflit devient beaucoup plus brutal.
En septembre, l’Armée de Mayence est envoyée dans l’Ouest. Elle avait capitulé devant les Prussiens après le siège de Mayence puis remise en liberté contre le serment de ne plus combattre la première coalition. L’état-major de l’« Armée Catholique et Royale » les déclare traîtres à leur serment, puisqu’ils combattent les défenseurs de la monarchie, et proclame qu’il ne sera pas fait de prisonniers mayençais, mais ce ne sont que des mots. À Fougères, 800 prisonniers sont relâchés après avoir été tondus, ceux pris à Avranches sont également libérés. Henri de La Rochejaquelein libère 150 blessés républicains à Antrain.
Lorsque la deuxième guerre de Vendée éclate en 1795, Charette capture 300 Républicains lors de deux attaques surprises. Un échange de prisonniers est proposé aux Républicains mais il est refusé par ces derniers. En août, Charette ordonne l’exécution de tous les prisonniers en représailles des massacres de Quiberon. Six hommes seulement seront épargnés.
Le nombre des victimes d’exactions vendéennes n’est pas connu, 2 à 3 000 prisonniers sont tués lors des principaux massacres (Machecoul, Châtillon, Le Pallet, Bouin, la route de Cholet et Belleville). 2 à 3 000, donc, du côté vendéen, dix fois plus du côté des « Bleus ».
De plus, les Vendéens exécutaient des soldats (à quelques exceptions près), les Républicains décimaient des civils : hommes, femmes, enfants, vieillards… et parfois aussi, le bétail.
Emmanuel Macron, qui ne sait plus quoi inventer pour battre sa coulpe au nom du peuple français, a décrété que nous commémorerions tous les ans le génocide… rwandais, et que cette tuerie interethnique figurerait dorénavant dans les programmes scolaires. Préalablement il avait décrété arbitrairement que le 24 avril deviendrait la journée nationale de commémoration du génocide… arménien. On se demande en quoi ce génocide nous concerne ?
Je ne sais pas si Emmanuel Macron est fou, immature, irresponsable, ou machiavélique, je lui laisse le bénéfice du doute, mais il serait bon de rappeler à ce gamin narcissique, qu’il est AUSSI le président de la République française ? S’il veut vraiment commémorer des génocides, pourquoi ne pas commencer par ceux pour lesquels une contrition nationale serait ô combien légitime.
Par exemple, le « populicide » vendéen décrété par la Convention en 1793.
On pourrait, on devrait, apprendre aux petits Français que la Convention a fait assassiner quelques centaine de milliers de Vendéens : femmes, enfants, vieillards… On pourrait aussi leur parler des deux tanneries de peau humaine – dont celle des Ponts-de-Cé – qui permettaient aux généraux républicains (et à Saint-Just lui-même) de se pavaner fièrement avec des culottes en peau de Vendéens ; de cette graisse (de femme) fondue qui, d’après Carrier, était excellente pour les moyeux de charrettes (7) ; des « colonnes infernales » de Turreau de Lignières, etc.
Alexandre Soljenitsyne, victime du Goulag soviétique, a bien fait de venir en Vendée en 1993 pour rafraîchir nos mémoires car, si la France doit rougir de son passé, qu’elle le fasse à bon escient !
Éric de Verdelhan
1)- « Diên Biên Phu » film franco-vietnamien, réalisé par Pierre Schoendoerffer en 1992.
2)- « Une journée d’Ivan Denissovitch » (en russe : Один день Ивана Денисовича) est un roman d’Alexandre Soljenitsyne publié en URSS en décembre 1962 et en France en 1973.
3)- « La Valse de l’adieu », de Philippe de Villiers ; Plon ; 2022.
4)- « L’équilibre est un courage » de Pierre de Villiers ; Fayard ; 2020.
5)- « Servir » Fayard ; 2017.
6)- «Qu’est-ce-qu’un chef ? » Fayard ; 2018.
7)- Comme quoi les suppôts de l’oncle Adolf n’ont hélas rien inventé !