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Au nom d'une liberté, prénommée France !

Je vous ai écrit il y a quelques mois, pour vous faire part de ce que je
subissais, en tant que libraire, au Bourget.
http://www.ripostelaique.com/Je-suis-libraire-au-Bourget-93-et.html
Depuis, ma situation ne s’est pas améliorée, loin de là.
Tout d’abord, suite aux divers articles parus dans la presse, des pressions officieuses puis officielles furent exercées par les NMPP(1), via mon dépositaire. Il m’a d’abord vivement été conseillé par téléphone “de me la fermer, et de faire profil bas; la direction n’aimant pas être contrariée par plus aiguisée qu’elle”, avec la menace de fermer ma boutique. .Le motif officiel de cette fermeture serait bien sûr tout autre, soit un retard de paiement. Quand on parle de liberté de la presse, permettez moi de douter, car si un journaliste ne m’avait pas avancé un peu d’argent, j’aurais tout perdu pour avoir osé dire la vérité de mon quotidien en mon échoppe, véhiculant ainsi une image de la profession trop négative alors que justement les NMPP tentent d’ouvrir des points un peu partout (sans grand succés d’ailleurs).

Je pensais pouvoir un peu respirer après cela mais NON ce fut autour du
propriétaire de prendre la relève. Son seul souci : “me faire dégager”. Pour ce faire il multiplie le loyer par trois, refuse d’écouter la commission des baux qui tente de le raisonner, pour finir aidé par le syndic par me priver de la jouissance de ma réserve.
Ceci a de lourdes conséquences sur mon activité commerciale
Il est des jours que l’on ne voudrait jamais atteindre et d’autres qui
devraient durer toute une vie.
Il en va de même pour certains instants : ce matin, en levant le nez au
travers de ma vitrine, à l’heure où chacun se presse d’avoir son train ou
son café chaud, les cieux m’ont offert ce spectacle merveilleux d’un ciel en rosée.
Une véritable caresse du bonheur en mon coeur; je me suis mise à penser à vous tous ; vous tous qui m’avez lue, soutenue, épaulée; chacun à votre manière en un bouquet de fougères, de lianes, enrubanné de votre écoute, de votre douceur, accompagné d’un énorme trousseau de clés pour tenter de me libérer.
L’heure qui s’en est suivie allait devenir pour moi, l’une de celles que
j’eusse aimé ne jamais vivre.
Posons le décor : un immeuble, jadis la seule auberge au bord de la
nationale 2. En 1978, j’acquiers la librairie avec mon père.
Un bail mixte (boutique + logement + cave) me lie à un propriétaire
charmant, vieux tenancier du café des sports qui jouxte la boutique, haut en couleur, et d’une gentillesse à toute épreuve.
La cave de mon bail n’est pas disponible, l’ancien libraire ne l’ayant pas
encore débarrassée et demandant un délai, obtenu de suite. En échange le bailleur me propose de déposer mes affaires dans les combles en attendant le déménagement, ainsi qu’une remise en état de la dite cave. Le temps passe, les années s’écoulent, le vieux monsieur disparaît, puis sa veuve, puis leur fille… ce qui nous conduit à ce 15 janvier 2009 où tout bascule.
L’immeuble, mon logement, ma boutique et ma cave n’ont subi aucune
amélioration de la part du propriétaire en trente ans. On peut parler d’une insalubrité totale pour l’appartement, d’un toit en tôle amiantée pour la boutique et d’un marécage de puanteur pour ma cave, puisque les eaux usées s’y déversent, aux dires des plombiers intervenant régulièrement pour des fuites de canalisations en tout genre. Logique, le décor se fait vieux et nul n’a pris soin de lui depuis si longtemps.
Le concierge est parti depuis vingt ans, abandonnant la cour dont il
bichonnait chaque recoin aux détritus, aux seringues, aux déjections et
vomis humains, aux rats et rampants en tout genre. Une vraie cour des
miracles, la plus belle de la ville, déjà signalée en mairie, mais pas
encore dans son guide touristique.
Mes voisins eux aussi ont changé. On ne parle plus français à tous les
étages. Les appartements sont loués à l’année par une association, qui loge gratuitement des jeunes de diverses origines peu soucieux de
mes horaires de sommeil, de la propreté des parties communes et de la
convivialité française.
Vous l’avez donc compris, je suis la seule tache blanche au beau milieu de ce décor. Une banque, le CIC, vient d’acquérir le bail du café des sports, celui qui me jouxte en tout sens. Conclusion : je dérange là aussi, mais pire que cela, je n’ai plus ma place ici, en ce logement, en cette boutique, en cet immeuble, en cette rue, en cette ville.
Pourquoi? Restera certainement pour moi, le seul mot sans commentaire !
Pour me bouter hors de chez moi, le propriétaire ainsi que
le Syndic “Sylma 2000” de Villemomble, vont tout mettre en oeuvre en
l’espace de six mois pour parvenir à leur fin.
– Un premier temps, multiplier le loyer et les charges par 3, refusant tout
dialogue, y compris avec la commission des baux, préférant de loin la
justice.
– Deuxième temps, faire condamner mes combles, par une porte blindée, me privant ainsi de mes biens, de ma marchandise en réserve, m’amputant de mes souvenirs des jours heureux, songeant même à tout balancer à la benne, afin de transformer les lieux pour l’association. J’assimile ceci à un acte de “marchand de sommeil”.
Je suis restée de longues heures assise, à pleurer en silence, sur les
marches de l’autre côté de cette porte, parce qu’en ce 15 janvier je n’avais pas prévu le rétrécissement de ma cage, je n’avais pas prévu de ne plus pouvoir regarder les photos de la naissance de ma fille, ou de caresser le dernier uniforme de mon père et son képi.
Pourquoi, n’ont ils pas refait une cave avant, pour que je transvase,
conformément au bail de 1978?
-Troisième temps, me menacer de détruire ma colonne d’eau montante, sous prétexte que je n’accepte pas le passage d’un simple tuyau en cuivre, non peint, plein de condensation, passant à cinq centimètres de mon compteur électrique.
La conformité étant largement piétinée, ceci me mettant en danger, mon refus me paraît pourtant logique.
Pourquoi me briser?
Pourquoi tant de haine, de violences morale, de pression, de harcèlement?
Pourquoi m’agresser ainsi, pour servir qui, quelle cause ?
Je ne suis plus en résistance, je suis en guerre.
Ce soir, je ne parviens pas à imaginer qu’ils vont réussir à me mettre hors mon échoppe, qu’ils vont vomir un tas d’arguments dont je ressens déjà les relents pour ce faire, qu’ils vont se justifier de leur bon droit, de leur projet, de leur arrogance, de leur suffisance et de la gêne que je
représente pour eux.
Impassible depuis trente ans, je n’ai jamais osé me retourner contre leurs manquements graves qui m’ont conduite à subir tant et tant d’agressions, de souillures, de souffrances et de peurs, juste par respect, par la retenue d’un vieux locataire envers son vieux propriétaire. Des moeurs d’un autre temps en un autre monde.
Je n’avais pas vu que la nuit était tombée et les loups sortis du bois.
Je n’avais pas vu que les deux extrêmes s’étaient rejoints pour s’unir dans la diversité contre deux enfants de la République.
Je n’avais pas vu que notre bon coq gaulois n’avait plus place en la base
cour.
Moi qui possède cette approche si particulière et si rare des
grands fauves, je n’ai point su et ne saurai jamais parler leur langage.
Ils sont en pleine puissance alors que je suis en total retrait, dos à la
palissade, au bord du gouffre, un souffle d’eux et tout peut basculer.
Tous les vents me sont contraires, ils vont de la bourrasque en passant par la rafale, le blizzard, la tornade pour s’unir en un typhon
dévastateur …
Ils ignorent à quel point ils n’auraient jamais dû dépasser les limites,
à quel point leur manque de respect envers ce qui reste de moi peut
demain les laminer.
Je voulais ce soir vous dire à tous un grand merci pour avoir été, chacun
à votre manière, tout simplement là me faisant ainsi peu à peu comprendre
que je n’étais plus seule car grâce à Internet vous avez fait entendre le
cri de mon silence. Puissiez -vous trouver des réponses à mes pourquoi.
Si je venais à tomber sans pouvoir me relever, sachez juste que quoi qu’il m’arrive j’aurai combattu et porté nos couleurs pour que survive et vive notre culture en 93
Marie-Neige Sardin
(1) NMPP : Nouvelles Messagerie de la Presse Parisienne