Choisir la vie

L’Europe a peur. Cela se comprend. Nous nous sommes, pendant des siècles, tant étripés, que nous nous retrouvâmes fort épuisés quand la paix fut venue, il y a plus de soixante ans. Depuis, dans nos forts intérieurs, nous répétons : laissez-nous souffler, que d’autres prennent la relève.

Mais hélas, depuis près de dix ans, le réveil. Le 11 septembre, les banlieues, le communautarisme, le voile, le chômage, la décroissance, les frustrations, la violence scolaire, l’analphabétisation galopante : décidément, l’avenir n’est plus ce qu’il était. Et l’Europe de se retrouver à la croisée des chemins.

Veut-elle devenir une grande Suisse protégée, pasteurisée, désengagée et pacifiste, érigeant murs et forteresses pour empêcher les « barbares » de forcer les portes ? Pourquoi pas ? Il faudrait simplement savoir si nous avons les moyens de continuer à faire l’autruche.

Veut-elle, au contraire, redevenir une grande puissance qui fera bonne figure et bon poids entre l’Atlantique Nord et le Sud en ébullition ? Il faudra là encore pouvoir se le permettre. Après ce qui s’est passé dans les Balkans, et ce qui se passe en Afghanistan, en Irak ou en Iran, une chose est sûre : les mouvements de mentons, les effets de manches et les ministères de la parole ne suffiront jamais à donner le change. Entre démocratie, même imparfaite et intégrisme toujours destructeur, il faut choisir. Et comme écrivait Sartre : « En toute circonstance, choisir la vie ».

L’idée républicaine s’est incarnée, un peu partout, grâce à la volonté de centaines de milliers d’hommes et de femmes qui eurent la passion et le courage d’œuvrer, afin qu’elle advienne. Nous sommes aujourd’hui, en ce début de XXI° siècle, au point où en étaient nos ancêtres à l’orée du Siècle des Lumières : condamnés, pour sortir des impasses, à vivre, à inventer, à se battre, à risquer. Avec les armes du bord, ses pièges, ses abîmes et ses bonheurs.

Dans tout cela, il est parfaitement évident que la mollesse ne peut avoir de part. La marche des siècles a cessé depuis longtemps de se faire en rampant la tête dans le sable, la peur au ventre dans une société à irresponsabilité illimitée.

André Bercoff

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