Claude Beaulieu, président du Comité Valmy

Riposte Laïque : Peux-tu présenter le Comité Valmy à nos lecteurs ?
Claude Beaulieu :
Le Comité Valmy est une organisation républicaine et progressiste, patriotique, internationaliste et anti-impérialiste. Son origine se situe dans le combat républicain et pluraliste mené contre la ratification du traité de Maastricht. Il rassemble des militants issus de différentes sensibilités de l’arc républicain et notamment des gaullistes, des communistes, des chevènementistes, des socialistes, des radicaux, des écologistes et, d’une manière générale, des militants hostiles à la mondialisation, au néo-libéralisme et à l’Europe supranationale qui en découle. Ce rassemblement est facilité par l’approbation commune d’un texte fondateur : le Manifeste Républicain ; il est renforcé par un travail de réflexion politique et stratégique permanent ainsi que par une action militante régulière.
Description détaillée du Comité Valmy :
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article16
Riposte Laïque : Vous êtes de longue date des opposants à l’Europe fédérale. Peux-tu nous expliquer cette opposition, et surtout pourquoi aujourd’hui vous appelez à sortir de cette Europe ?
Claude Beaulieu :
A titre personnel, je combats l’intégration européenne comme instrument de l’atlantisme et du grand capital, depuis les années soixante. Depuis la même époque, tout en étant internationaliste, j’appelle à la défense et au rétablissement de l’indépendance nationale qui seule permet de refuser toute domination et de combattre notamment la politique d’agression et de guerre de l’impérialisme américain.

Les fondateurs de notre comité ont d’abord milité dans le Comité pour une autre Europe, contre la ratification du traité de Maastricht. Ils ont fondé le Comité pour une Europe des Peuples et Nations Souveraines qui a enfin pris le nom de Comité Valmy. Certains d’entre nous ne se sont jamais leurré quant à la possibilité de réformer la « construction » européenne. D’autres ont considéré qu’une Europe confédérale, une Europe des nations était possible et souhaitable. Pour les uns tactiquement et pour d’autres par conviction, nous nous sommes entendus sur l’idée séduisante d’une Europe de la coopération entre des peuples libres et constituant une alliance exempte de supranationalité et d’irréversibilité, entre nations souveraines.
Aujourd’hui vouloir réformer l’Union Européenne est devenu une chimère pour tous. Cette Europe est intrinsèquement perverse et non amendable. Elle se fait contre les peuples de façon non seulement antidémocratique mais véritablement dictatoriale. Elle est la dictature du Capital financier mondialisé sous domination américaine ou germano-américaine. Comme Marx le disait à propos de l’Etat bourgeois, le peuple se libérant ne pourra le reprendre tel quel ; il devra le briser, s’ériger en classe dirigeante. Avec Engels, ils affirmaient ensemble dans le Manifeste que le moment viendrait où la classe ouvrière (le peuple) devrait s’ériger en classe nationalement dirigeante, devenir elle-même la nation. Il en va de même de cet Etat supranational euro-atlantiste en devenir, occidentaliste et totalitaire. Qui peut sérieusement croire qu’il est possible de lui donner un visage humain, démocratique, pacifique et social ? C’est une prison des peuples dont nous devons nous affranchir.
Riposte Laïque : Certains lecteurs nous reprochent de mélanger notre hostilité à cette Europe avec la défense de la laïcité, pour eux deux combats différents. Quel est ton avis ?
Claude Beaulieu :
Cette Europe est fondamentalement hostile à la laïcité que bien des pays de notre continent ne pratiquent pas. Son drapeau, symboliquement, est une référence « mariale » à la chrétienté. La reine d’Angleterre est le chef de l’Eglise anglicane. Les européistes diffusent le multiculturalisme, l’ethnicisme, une vision anglo-saxonne d’une pseudo laïcité. L’Union Européenne s’oppose à la République, à la citoyenneté et à la souveraineté populaire. Par ailleurs, on peut craindre que certaines organisations proches de la social-démocratie euro- dogmatique et qui se réclament de la laïcité travaillent de façon souterraine, et au nom de l’Europe, à faire progresser une vision communautariste de notre société.
Riposte Laïque : Penses-tu que le « non » irlandais change fondamentalement la donne européenne, ou bien que, comme au lendemain du « non » français et hollandais, l’Union européenne contournera encore une fois l’avis des peuples ?
Claude Beaulieu :
Le « non » irlandais change la donne en faveur des peuples dans la mesure où il démontre les progrès significatifs de leur prise de conscience collective sur la nocivité, à leur égard, de l’Union Européenne, de son caractère de classe, antidémocratique, antisocial et belliciste. En revanche il ne change en rien la volonté de l’oligarchie au pouvoir, et de ses employés de l’UMPS par exemple, d’ignorer la souveraineté populaire et de la contourner. Mais le rapport des forces a manifestement commencé à bouger dans le bon sens.
Riposte Laïque : Que penses-tu de la ligne d’organisations trotskistes, voire de certains républicains de gauche, qui réclament une autre Europe, voire les Etats-Unis d’Europe, tout en se refusant à avancer le mot d’ordre de « sortir de l’Europe » ?
Claude Beaulieu :
Toute ma vie militante, j’ai côtoyé des militants trotskistes de la base en appréciant le militantisme de beaucoup d’entre eux. Depuis longtemps j’ai en même temps la conviction que ce militantisme est en quelque sorte stérilisé par la démarche politique dogmatique (ou autre) de leurs dirigeants.
La question qui bloque les militants sincères dans cette mouvance, et chez certains républicains, est selon moi celle de la Nation. De la citation de Marx et Engels, ils ne veulent voir que « les prolétaires n’ont pas de patrie ». Ils écartent « le moment viendra où la classe ouvrière devra s’ériger en classe nationalement dirigeante, devenir elle même la nation ». Ils ne voient pas que la bourgeoisie financière au pouvoir cherche par tous les moyens à détruire la nation, par le haut avec le fédéralisme et par le bas avec le régionalisme et le communautarisme. Aujourd’hui la nation c’est le peuple. Nous souhaitons promouvoir le concept de peuple-nation.
Riposte Laïque : Longtemps, le terme « souverainiste » a été considéré comme injurieux. Te prétends-tu aujourd’hui « souverainiste » ?
Claude Beaulieu :
En réalité et concernant Valmy, nous ne nous sommes jamais présentés comme des souverainistes et pourtant nous avons été traités de souverainistes par des gens généralement incultes politiquement, et qui entendaient à la fois nous injurier, nous décrédibiliser et nous diaboliser. Nous sommes des républicains patriotes, internationalistes et laïques. Nous avons des relations amicales avec certains souverainistes et pas avec d’autres, trop polarisés à droite. Sur ce sujet, j’invite les militants à la réflexion politique individuelle, à l’honnêteté intellectuelle et à se méfier de la calomnie.
Riposte Laïque : Revenons à la logique de la sortie de l’Union européenne. Plusieurs organisations aujourd’hui, de droite comme de gauche, s’en réclament. Avec qui le Comité Valmy pense-t-il possible de travailler, et sur quelle base ?
Claude Beaulieu :
Nous avons entrepris une démarche de rassemblement avec des gaullistes, des communistes et d’autres républicains qui ont compris la nécessité de se libérer de l’Union Européenne. Nous avons appelé cette alliance l’Arc Républicain de Progrès.. Nous souhaitons nous associer avec tous les républicains qui sont favorables à cette rupture, au progrès social, au rétablissement de la souveraineté populaire et nationale, à la laïcité et à la lutte contre tous les impérialismes et leur chef de file actuel, celui des Etats-Unis. Pour étayer cette stratégie, nous proposons notamment, l’actualisation du programme du Conseil National de la Résistance qui conserve toute sa modernité.
Propos recueillis par Pierre Cassen

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