"Culture et diversité", cache-sexe de la discrimination positive

Vendredi 4 juillet, l’émission « Les 4 vérités de Télématin », sur Antenne 2, avait pour invité Marc de LACHARRIERE, Président de la Fondation « Culture et Diversité ».
Pourquoi cette Fondation ? Pour permettre aux jeunes issus des quartiers les plus défavorisés de la région parisienne de s’intégrer dans la société. Comme le dit Marc de Lacharrière : « On est persuadé, dans cette Fondation, que pour ces enfants l’accès à la culture est un des meilleurs vecteurs pour l’intégration sociale et puis aussi pour leur épanouissement personnel ».
Par quels moyens va-t-on parvenir à cette noble fin ? « Nous avons deux piliers – répond Marc de Lacharrière : la cohésion sociale et l’égalité des chances ».
La cohésion sociale consiste en des ateliers, dans lesquels ces jeunes construisent des maisons de l’avenir et des cités idéales, ou encore en des « spectacles vivants » au cours desquels ces mêmes jeunes participent à des pièces de théâtre, grâce au concours des acteurs, des décorateurs et du metteur en scène. Comme le précise Marc de Lacharrière, « il n’y a pas que le sport pour ces jeunes pour s’intégrer dans la société française : il y aussi la culture », c’est-à-dire l’apprentissage de la créativité et de la beauté.
C’est dans cette perspective que s’inscrit l’égalité des chances. L’égalité des chances consiste, en effet, à permettre à ces jeunes de préparer une école des beaux-arts. Or, « lorsque vous voulez préparer une école des beaux-arts, l’Etat ne donne pas de bourse : c’est comme ça ! ». En conséquence, « pour que ces jeunes puissent accéder à une école des beaux-arts, par exemple l’Ecole du Louvre, nous leur donnons une bourse. Et si les meilleurs d’entre eux souhaitent aller plus loin et préparer le concours du patrimoine, nous leur attribuons de nouveau une bourse ».
Evidemment, pour toutes ces activités, « la demande est énorme », déclare Marc de Lacharrière, et on veut bien le croire, car les enfants « issus de l’éducation prioritaire et de la banlieue » sont de plus en plus nombreux. La preuve en est que Marc de Lacharrière souhaite étendre sa Fondation – pour l’instant limitée à la région parisienne – à « tous les lycées d’éducation prioritaire en France ».
Or, c’est cela qui est inquiétant, car ce n’est pas sans rappeler le seau qui doit venir à bout d’une arrivée d’eau toujours plus importante : ou le videur s’épuise, ou le seau est emporté.
Vu sous cet angle, le nom de cette Fondation devient, à son tour, préoccupant : si le mot « culture » (du latin « colere ») désigne ce que l’on « met en valeur » – qu’il s’agisse d’un champ ou de l’esprit – pour quoi lui accoler le mot « diversité » ? La culture n’est-elle pas universelle ? Depuis quand l’universel serait-il « divers » ?
En réalité, cette diversité n’est autre que le masque du multiculturalisme, si bien qu’il eût été plus exact de nommer cette Fondation « Culture et Cultures ».
Plus encore : si cette Fondation cultive le multiculturel, en quoi peut-elle être intégratrice ? Intégrer un immigré, n’est-ce pas l’inviter à muer culturellement, c’est-à-dire à laisser son enveloppe originelle pour entrer dans celle du pays d’accueil ?
Plus grave : en quoi cette Fondation serait-elle en accord avec les principes de l’égalité républicaine ? Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ne déclare-t-il pas que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion » ? Ne sommes-nous pas ici dans un cas d’anti-constitutionnalité, comme sait en produire la fameuse « discrimination positive » ?
Si l’on accorde à ces jeunes une aide financière suffisante pour assurer leur réussite sociale, pourquoi n’accorde-t-on pas une aide semblable au fils d’ouvrier ou de chômeur autochtone, aux enfants « ordinaires » dont les parents peinent au quotidien, aux enfants d’Asiatiques ou d’Hindous en difficulté d’insertion, bref à tous les jeunes Français privés de repères, de moyens ou d’argent mais désireux néanmoins de s’élever socialement malgré le silence médiatique qui les jette dans l’oubli, vu qu’ils ne brûlent aucun véhicule ni ne détruisent aucune école ? Ces derniers, tout aussi jeunes que les jeunes dont s’occupe la Fondation « Culture et Diversité », ne connaissent-ils pas, à leur tour, la grisaille des cités – au cœur desquelles, selon les mots mêmes de Marc de Lacharrière, « l’espace du temps n’existe pas » puisque dans la semaine, ils sont dans la cité, et le week-end, aussi ?
Mais qu’est-ce qui rend une cité invivable ? La cité en tant que telle, ou ses habitants ? Si les ascenseurs sont détériorés, si les couloirs sentent l’urine, si les boîtes aux lettres ont été arrachées, si les murs sont couverts de tags, si les carreaux et les lampadaires sont régulièrement brisés, si la musique de je ne sais quel appareil assourdit le voisinage, à qui la faute ? Promenez-vous à « Chinatown », dans le XIIIème arrondissement de Paris, où se dressent de grands ensembles tout aussi « invivables » que ceux des cités explosives, et dites-moi si vous avez l’impression d’évoluer dans le même univers ! Les cités qui ont connu les émeutes de novembre 2005 et de novembre 2007 étaient-elles vraiment dépourvues d’infrastructures culturelles et sportives ? Les « jeunes » n’y auraient-ils incendié que des voitures ?
En insistant sur la nécessité d’intégrer ces jeunes à des fins de cohésion sociale, Marc de Lacharrière les discriminent à son insu puisqu’il leur rappelle qu’ils ne sont pas des Français « comme les autres », ce qui revient à les déposséder à vie de leur qualité de Français, malgré les efforts déployés pour qu’ils soient français à part entière !
Voilà le nœud gordien de toutes ces Fondations et autres Associations qui, croyant œuvrer à l’apprentissage de la vie en commun par la « culture » et la « diversité », permettent finalement à la diversité d’en finir avec la culture !
Une culture ne peut être la culture que par le doute universel, c’est-à-dire par la critique de ce que ma culture a fait de moi. Cela vaut pour chacun. Or, l’union des termes « culture » et « diversité » dispense de cette libération fondée sur l’universel. Que l’apprentissage de la beauté et de la créativité puisse favoriser cette libération, soit ! Mais il faut d’abord qu’il y ait la culture de ce doute conduisant à l’universel ! L’humanisme doit commencer par la table rase, sans quoi tous nos efforts d’intégration continueront d’être bus par la culture d’origine comme le sable boit l’eau.
Pour édifier cet humanisme salvateur, une seule solution : l’imposer à tous ces « jeunes » : Marc de Lacharrière, hélas, les en dispense !
Maurice Vidal

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