Dominique Arnaud, réalisateur de "Silence on coupe", film sur la circoncision

Dominique Arnaud, producteur et réalisateur, est l’auteur du film documentaire sur la circoncision « Silence, on coupe ! ». Ce film, diffusé en 2007, a été primé au 2e festival du film d’éducation. Il existe en DVD. Vous pouvez vous le procurez, et lire également l’interview réalisée par Chantal Zabus, en allant sur le site : www.circoncision-film.com (rubrique “Interview”).
Riposte Laïque : En février dernier, la députée des Bouches du Rhône, Valérie Boyer déposait un projet de loi proposant le remboursement partiel de la circoncision par la Caisse d’assurance maladie.
D’après-vous, y avait-il, derrière ce projet de loi, de réelles pressions communautaristes ?
Dominique Arnaud :
« Je ne connais pas Valérie Boyer. En revanche, je sais que dans sa circonscription d’élection, de nombreuses communes comptent un électorat majoritairement maghrébin, moyen-oriental et plus généralement originaire d’Afrique, berceau de la circoncision masculine et féminine. Pour renouveler son mandat législatif, Madame Boyer se soumet aux desideratas de son électorat. Par ce projet de loi, le message qu’elle adresse à ces populations essentiellement musulmanes, mais aussi juives pratiquantes et plus largement aux tenants de la circoncision, n’est pas compatible avec la notion de liberté individuelle si chère à notre pays.
Il est vrai qu’aujourd’hui l’incroyable apathie de nos concitoyens face à la progression de ces pratiques rend possible cette démagogie politique. Nos élus peuvent être tentés de surfer sur cette vague chargée de valeurs culturelles et religieuses liberticides venue des rivages sud méditerranéens. Elle pourrait bien les submerger. La banalisation de la circoncision en France est l’une des conséquences de la faiblesse de nos représentants.»
Riposte Laïque : Vous démontrez dans votre film que la circoncision n’est pas seulement un marquage des corps, qu’elle est aussi une mutilation sexuelle au même titre que l’excision.
Dans quelle mesure peut-on comparer la circoncision à l’excision ?
Dominique Arnaud :
« Il s’agit dans les deux cas d’un bizutage extrême infligé aux plus vulnérables d’entre nous. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de mutilations modérées, comme il n’y a pas de criminels ou de fanatiques modérés. Vouloir hiérarchiser la gravité des atteintes au corps selon les sexes est une faute, intentionnelle ou pas. Transiger sur des principes qui fondent notre volonté d’homme libre et responsable, c’est régresser. »
Riposte laïque : Il y a une réelle prise conscience des féministes qui se sont battues contre l’excision et qui rejoignent de plus en plus les défenseurs des droits de l’enfant pour demander de légiférer contre la circoncision des mineurs ? Pensez-vous qu’une telle loi soit possible à l’heure actuelle en France ?
Dominique Arnaud :
« Si gouverner c’est faire des risettes et des salamalecs, la peur au ventre, à tout le monde, il est à craindre que ces pratiques prospèrent. Contenir ces traditions d’un autre âge suppose du courage. La servilité, l’indifférence, la pusillanimité sont les grands poisons de l’action politique. Je loue au passage notre Ministre de la santé pour son niet catégorique au remboursement des circoncisions de complaisance par la Caisse d’assurance maladie. C’est un premier pas et je ne doute pas que d’autres voix s’élèveront contre de telles manœuvres.
Quant à l’interdiction pure et simple, il existe déjà des lois. Appliquées avec rigueur, elles seraient dissuasives. Le problème c’est qu’elles garantissent et le droit à l’intégrité physique et la liberté religieuse. Ce paradoxe aboutit à des aberrations. L’actualité judiciaire lilloise en témoigne : un bébé est sauvé de justesse après une circoncision ratée réalisée à domicile par un prétendu médecin algérien. Stupéfaction : le procureur demande la relaxe sur l’exercice illégal de la médecine et sur les blessures involontaires au motif qu’il s’agit d’un rituel. En réalité, sur ces sujets délicats les magistrats sont livrés à eux-mêmes. Mais accordons leur des circonstances atténuantes ; de même qu’un avion ne peut virer instantanément à 180° sans perdre sa portance, ils ne peuvent dire la loi sans tenir compte du contexte idéologique qui impose aussi ses contraintes.
Dans ces affaires, l’opinion publique se fait entendre même à l’audience, elle peut influer sur les positions prises par les représentants du Parquet. Les idées doivent d’abord faire leur chemin pour espérer plus de justice, tout particulièrement à l’égard des enfants. Silence, on coupe ! participe à ce travail de fond. Un film n’a de véritable intérêt que s’il donne matière à réflexion, l’objectif étant de faire reculer l’obscurantisme. »

Riposte Laïque : Pour ma part, je pense que la symbolique de l’excision et de la circoncision, comme celle du port du voile et de la burqa viennent du même sentiment de haine (et de peur) des hommes envers les femmes. Qu’en pensez-vous ?
Dominique Arnaud :
« N’ayant pas le don d’ubiquité, il m’est difficile de me transporter dans le cerveau d’un circoncis et à plus forte raison sous la burqa d’une musulmane. Je ne peux donc objectivement apprécier les états affectifs complexes liés à un univers culturel très éloigné du mien. Je m’en tiendrai aux fais divers dont l’actualité nous abreuve impliquant, malheureusement et à de rares exceptions près, la communauté musulmane : mariages forcés, abus sexuels, mutilations génitales, brutalités conjugales, crimes d’honneur, récalcitrantes battues, brûlées vives, vitriolées… Résultat, un taux d’incarcération aux proportions inquiétantes chez ces adolescents agressifs qui s’en prennent aussi à leurs professeurs et aux forces de l’ordre accusées de tous leurs maux.
Ces jeunes gens ont pour la plupart été abandonnés enfant à la lame des circonciseurs par leur mère. Comme le suggère l’anthropologue Malek Chebel dans le film, ces accès de violence répondraient à la trahison maternelle.»
Riposte Laïque : Dans une de vos réponses à Chantal Zabus, vous émettez l’éventualité d’un conflit mondial entre les peuples circoncis, « unis contre le reste du monde impie, en un mot non circoncis ».
Pouvez-vous étoffer vos propos ?
Dominique Arnaud :
« Là encore, je ne suis pas devin, mais il faut se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, à l’exception du conflit israélo-palestinien, les peuples s’affrontent moins pour des différents territoriaux que pour ou contre les rapports qu’ils entretiennent avec l’ordre divin. L’exaltation religieuse se heurte à la raison d’Etat, pieux et impies veulent en découdre. Sans énumérer leurs guerres intestines en « terre d’islam », les communautés musulmanes pratiquant systématiquement la circoncision sont mêlées à d’innombrables conflits à caractère sécessionniste dans des pays qui ne pratiquent pas la circoncision : les turcophones musulmans Ouïghours en Chine, les Cachemiris musulmans en Inde, les minorités Moros aux Philippines, les Tchétchènes en Russie, les Kosovards en Serbie…
Pour tenter de répondre à votre question, je vais caricaturer à dessein : un beau matin, les musulmans des Bouches du Rhône, devenus majoritaires, réclament leur indépendance. Des voix s’élèvent sommant nos compatriotes ahuris de renoncer à tout sursaut identitaire. Les appels au calme se multiplient. Le climat s’envenime avec la profanation des carrés juifs et musulmans d’un cimetière des quartiers nord de Marseille. La situation dégénère. La France s’embrase. La police est débordée. L’armée est mobilisée. Les opérations de maintien de l’ordre sont meurtrières. Condamnation unanime : Emploi disproportionné de la force ! titre la presse internationale. Volant au secours de leurs coreligionnaires, une réunion du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies est votée à l’initiative de l’Algérie, de l’Iran, de la Malaisie, du Soudan et du Pakistan qui exigent l’envoi de forces d’interposition. Les Etats-Unis, Israël, la Turquie ainsi que la Corée du Sud – influence américaine oblige, seul pays asiatique de tradition bouddhique ou confucéenne à pratiquer la circoncision depuis 1950 – proposent une sortie de crise aux accents d’ultimatum : l’organisation sans délai d’élections régionales sous l’égide de ONU. Protestation de la France et de l’Europe qui dénoncent une ingérence intolérable. Veto de nos amis Indiens, Chinois et Russes, eux-mêmes en butte à leurs minorités.
Bref, voilà comment, au stade embryonnaire, pourrait se déclancher l’apocalypse entre circoncis et non circoncis, au nom du Saint prépuce ! Car le judaïsme comme l’islam, son succédané partiellement christianisé, et comme les églises réformées anglo-saxonnes, adeptes de l’Ancien Testament prescripteur de la circoncision pour tout enfant mâle de huit jours et sur lequel les Présidents prêtent serment, sont les champions toutes catégories de la divine opération. Cette pratique par laquelle Dieu reconnaîtrait les siens équivaut à un acte d’état civil ; ça crée des liens. L’état d’incirconcision est pour eux inconvenable, immoral, antireligieux si ce n’est antisocial. D’où cette hostilité à l’égard de tout ce qui n’a pas été baptisé dans le sang, prompte à s’exprimer au moindre prétexte. Ce constat perce dans mon film. Alors, existe-t-il un réciproque et sincère élan de fraternité entre circoncis et non circoncis ?… Non, si l’avenir est à Dieu.
Propos recueillis par Brigitte Bré Bayle