Élections américaines : l'espoir Obama

Le monde retient son souffle. A l’heure où j’écris ces lignes et même encore à l’heure où sortira Riposte Laïque, personne ne saura qui sera le nouveau président des États Unis. Aujourd’hui cependant, l’espoir est dans le camp des partisans de Barak Obama. Mais les plus superstitieux sont encore dans l’angoisse. Attendons le verdict des urnes car personne n’a oublié de l’élection entre All Gore et W Bush en 2000.
Quarante huit heures d’incertitude ne nous empêchent pas cependant d’analyser l’immense espoir que suscite cette candidature.
Aux États Unis d’abord. Après le duel acharné pendant les primaires avec Hillary Clinton qui considérait que la candidature lui revenait de droit au risque de compromettre l’élan qui portait la candidature de ce jeune candidat, Obama l’a emporté au sein du parti démocrate. Comme John Kerry, Hillary Clinton représentait la candidature de l’élite de la Côte Est et en rien les classes populaires.
Lors de la réélection de Georges W Bush, les classes moyennes ne se reconnaissant pas dans cette bourgeoisie, ont voté pour ce Président faiseur de guerre. Il ne fallait pas que se renouvelle cette erreur de casting, certains faisant d’Hillary parce que femme le symbole de la modernité. Ce qui n’est pas sans rappeler d’autre candidate en France. Être femme de suffit pas. De même, la candidature de Barak Obama n’est pas celle de la minorité afro-américaine. Si pour les Américains, Barak est catégorisé comme black, il n’est pas le candidat des Noirs. Certains on pu craindre au début de sa campagne une sorte de candidat, coqueluche des médias français.
Mais le succès de Barak Obama, l’enthousiasme qu’il soulève tient à son talent, à son charisme personnel qui lui ont permis de toucher ces millions d’Américains abandonnés, désespérés à qui il offre enfin une porte de sortie de ces années noires qu’ils ont subi la mort dans l’âme alors que l’on vantait ailleurs le modèle américain. Combien de journalistes ne connaissaient de l’Amérique que New York ou Los Angeles ne fréquentant que les plus riches et ignoraient tout de la misère qui sévissait à proximité. Il ya des pays pauvres où les gens espèrent que leur sort va s’améliorer. Aux Etats Unis, en dehors des classes privilégiées, les classes moyennes ont vu leur revenus, leur mode de vie régresser. Il faut avoir croisé la détresse profonde et infiniment triste des Américains enfermés dans un système politique qui ne leur n’offrait plus aucun avenir, pour comprendre et partager leur immense attente vers ce candidat.
Grâce à cette élection, et aux multiples émissions qui y sont consacrées jusqu’à friser la saturation peut-être, mais l’événement est d’importance, beaucoup de Français vont découvrir l’Amérique réelle.
Ainsi, l’Amérique qu’on ne cesse de nous présenter comme la championne du melting pot, de la diversité, revient de fort loin. En vertu des lois raciales des États du Sud, avoir une goutte de sang noir fait de vous un noir. Contrairement au Portugal par exemple où cent ans après l’arrivée d’esclaves noirs à Lisbonne ou à Lagos au XVIème siècle, on n’en trouvait plus trace, les mariages mixtes nombreux, les ayant complètement assimilés dans la population locale, il en va tout autrement de la culture anglo saxonne.
Aux États Unis, en Grande Bretagne ou encore en Afrique du sud, les mariages mixtes étaient jugés contre nature et sont restés interdits dans certains États américains jusqu’en 1968. Il sont encore peu nombreux aux États-Unis (seuls 2,5% se déclarent métis) et les communautés qu’il s’agisse de la communauté afro américaine, de la communauté asiatique ou des latinos toutes vivent entre elles, dans les mêmes espaces et disposent de médias communautaires. Les choses évoluent cependant dans les villes et il est vraisemblable que dans les zones urbaines le racisme ait réellement diminué de telle sorte qu’élire un candidat noir à la Maison blanche est devenu possible.
Pour les Américains, pour la middle class, la possible élection de Barak Obama suscite un espoir immense. L’affluence massive aux meetings, la mobilisation des jeunes bénévoles, les interminables files d’électeurs qui attendent des heures pour voter de manière anticipée, tous ces signes manifestent une mobilisation populaire qui rompt avec les campagnes précédentes.
Aux États Unis, le taux d’abstention est en général très important. En fait guère plus de 30 % des électeurs participent aux élections. De ce point de vue, cette élection marque une rupture incontestable par l’inscription des jeunes et des minorités ce qui complique d’ailleurs les pronostics tout en sachant que ces catégories penchent pour Obama.

Tourner la page de l’ultra libéralisme ouvert par Reagan

Depuis l’arrivée de Reagan au pouvoir , les États Unis et le monde entier ont subi le désastre engendré par la politique engendrée par l’ultralibéralisme et les néoconservateurs. En appliquant la théorie ultra libérale inspirée par Milton Friedman, les économistes de l’Ecole de Chicago ont cassé l’équilibre né des années Roosevelt permettant une répartition à peu près équilibrée des fruits de la croissance entre le capital et le travail inspirée par Keynes.
Obsédés par le culte du marché absolu, les gouvernements américains ont cru qu’ils allaient pouvoir envahir l’immense marché chinois .Or cette idée s’est révèlée un piège car elle a agit comme un boomerang. Contrairement à leurs prévisions, ce sont les produits chinois qui ont envahi les États-Unis, les super containeurs débordant de marchandises arrivant dans les ports du Pacifique. A tel point que pour acheminer des milliers ou millions de containers vers le centre des États Unis ou sur la côte est, les anciennes voies ferrées comme la Pacific trail qui traversent ce pays continent, ont été réhabilitées pour faire passer des trains à deux étages de containers.
Tous ceux qui profitant de la faiblesse du dollar cet été ont été aux Etats Unis cet été, ont pu voir ces immenses convois traverser les déserts de l’Arizona ou du Colorado.
Devant cette invasion de produits bon marché, des pans entiers de l’industrie américaine se sont effondrés laissant les travailleurs américains sans travail, avec des aides sociales réduites au minimum. Fini le rêve américain. Le serpent s’est mordu la queue.
De nombreux économistes américains dont le professeur d’économie, Paul Krugman qui vient d’être récompensé par l’attribution du prix Nobel, dénonçaient l’augmentation dramatique des inégalités depuis l’arrivée de Reagan. La richesse des très riches s’est accrue de façon spectaculaire dans les trente dernières années comme la pauvreté. Les classes moyennes, symbole de l’Amérique ont vu leurs revenus stagner voir régresser.
Aujourd’hui les inégalités de revenus sont redevenues aussi fortes qu’en 1920. Ce modèle s’est répandu dans le monde entier mais au lieu de se révolter contre la richesse immense et scandaleuse de ces nantis, grâce à la presse people, on préfère faire miroiter le luxe. Ainsi, tous les reportages consacrés au dernier salon de l’Automobile se sont extasiés devant les voitures les plus onéreuses comme la Ferrari California à 179 000 euros et autres Lamborghini ou ont décrit avec moulte complaisance les acquéreurs richissimes du salon de l’art contemporain qui, eux, ne connaissent pas la crise…
Avec la crise financière, on a atteint le summum de la logique absurde des théories économiques ultra-libérales, un zéro pointé à partager par un grand nombre de responsables politiques.
Rappel du mode d’emploi :
1° Pour accroitre vos profits, vous délocalisez là où les salaires sont les moins élevés.
2°. Vous supprimez toutes les entraves au commerce international
3°. Vous importez et inondez votre marché intérieur, vos entreprises sont incapables de résister à cette concurrence inégale (sauf à détruire toutes les protections sociales et certains s’y sont engagés sous l’égide de l’OMC et du FMI), pour faire face à cette concurrence vous baissez les salaires.
4° Vous laissez mijoter. Au bout de quelques temps, la population capable de consommer se raréfie. Qu’importe. Vous inventez le crédit et les subprimes et par des campagnes de communication incessantes, vous encouragez fortement ceux qui n’ont que de faibles ressources à s’endetter…Vous refilez ces crédits « toxiques » au monde entier.
Et puis, un jour la pression des actionnaires devient trop forte, les traiders, version moderne des joueurs de poker menteur s’affolent, le château de cartes s’écroule et les masses colossales d’argent virtuel s’évaporent. . C’est la crise que connaît aujourd’hui le monde entier qui n’est que le résultat prévisible de l’idéologie libérale, des dogmatiques de la concurrence à tout pris. Si la rupture se confirme, il faudra également que la page des années Reagan portée par le FMI et l’OMC soit tournée,. que les échanges commerciaux soient régulés et contrôlés par les Etats, que le cycle de Doha soit définitivement clos et renvoyé aux oubliettes et Pascal Lamy avec.
S’il est élu Barak Obama aura un énorme défi à relever. Certains critiquent l’absence de programme très précis. Et alors ? Quand Roosevelt a été élu, il n’était pas convaincu au départ par les théories keynésiennes. Pourtant, face à la situation , il a mis en oeuvre le New Deal qui a permis aux États Unis de sortir de la crise de 1929 .

En finir avec l’interventionnisme de Bush

A cette politique économique désastreuse, s’est ajoutée la politique internationale calamiteuse de GW Bush. Pour maintenir son approvisionnement en pétrole, les États Unis ont utilisé l’attaque d’Al Qu’Aïda contre les twins towers du 11 septembre 2001 pour se lancer dans une croisade contre les terroristes. Loin de s’en prendre à ceux qui les finançaient comme l’Arabie Saoudite, ils décidé de frapper l’en Irak en fabriquant de toute pièce les justifications de leur intervention. Les bombardements ont détruit l’État irakien sans ramener la paix, ni la démocratie. D’ailleurs cette politique se révèle un échec absolu, la nébuleuse terroriste comme un cancer a développé des métastases qui sèment la terreur de Madrid à Alger, de Londres à Islamabad
Mais l’objectif essentiel, loin d’instaurer une démocratie aux normes occidentales, était de maintenir l’approvisionnement en pétrole et en gaz pour que les Américains n’aient pas modifier leur mode de vie. Tous les derniers conflits sont liés à la construction et au contrôle d’oléoducs, qu’il s’agisse de l’Afghanistan, de l’ Irak ou tout récemment de la Géorgie.
Une grande partie du monde attend l’arrivée d’un Président qui rompe avec la politique désastreuse menée par Georges W Bush.
L’élection de Barak Obama ne changera pas tout. Mais en ce qui concerne les relations internationales, s’il est élu, il a déjà annoncé une autre conception des relations avec les États du monde. Il aura beaucoup à faire pour restaurer l’image des États Unis terriblement dégradée. Au moins, les néoconservateurs vont-ils quitter la Maison Blanche, mais il n’est pas dit que sachant leur mise à l’écart prochaine, certains n’essayent pas de saisir les derniers mois qui leurs restent pour fomenter encore quelques sales coups en douce, comme le bombardement en Syrie ou ceux au Pakistan, histoire de laisser quelques « boules puantes » comme s’ils n’avaient pas commis assez de crimes.
L’espoir que suscite cette candidature est à comparer à celle de la campagne de Robert Kennedy. Sa campagne commencée sous l’ombre tutélaire de son frère assassiné, avait peu à peu mobilisé les foules et avait aussi fait naître un espoir brisé brutalement par son assassinat. Aux États Unis, pays où la liberté s’exprime symboliquement et concrètement par celle de porter des armes, l’assassinat se porte bien. Nombreux redoutaient et redoutent encore que l’acte d’un fou ou prétendu tel vienne, à nouveau, interrompre le rêve américain. Le rêve est en train de renaître. Pour l’Amérique et pour le monde entier, l’Histoire est en train de se jouer ce 4 novembre 2008.
Gabrielle Desarbres
A lire :
L’Amérique que nous voulons Paul Krugman Flammarion
Les Américains André Kaspi Point Histoire