Notre collaborateur Pascal Hilout a traduit pour vous la lettre d’une charmante lectrice qui nous fait d’irrésistibles avances en sa langue natale et liturgique : l’arabe classique. En attendant la lune de miel, qui ne saura tarder, ici en France, nous aimerions partager avec vous ces quelques délices préliminaires.
De la part de :
Charia Banquia 9, rue des Dollars Emirats Arabes et Islamiques
A l’attention des :
Résistants Gaulois (R.G.) 36, avenue Maginot Village des Irréductibles
Chers Français de l’association « Résistants Gaulois »,
Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Charia (ce qui veut dire loi islamique en bon français). Banquia est mon nom d’artiste. Facile à retenir, il est dérivé du très séduisant mot italien banca. Je l’ai choisi parce qu’en cette époque de bling-bling, ça évoque facilement l’or et l’argent ! Bien des Européens me le disent à chaque fois qu’ils consentent à entrer sous ma tente et s’accommodent de mes amples voiles saoudiens.
Sachant que vous abhorrez les exécutions, les mutilations, l’égorgement des moutons, la flagellation(1), les défloraisons affichées en rouge le soir des noces, la ségrégation que je prescris à l’égard des femmes et des mécréants …, je me dépouille un instant de tout cela pour me draper uniquement de pétro-dollars. J’en ai suffisamment aujourd’hui pour me racheter et pour me reconstituer une virginité.
Je me dépouille donc devant vos yeux ébahis qui ne tarderont pas à se transformer en autant de zéros que votre caisse enregistreuse n’a jamais su afficher. Attendez juste que je vous dévoile mes centaines de milliards : 700.000.000.000 de dollars sont aujourd’hui mes excédents avec lesquels je vais tenter de bien me placer. Un flirt ou une aventure amoureuse, ça ne vous tente pas ?!
Comme une danseuse orientale bardée de billets de banque, je me déhancherai devant vous et je vous amènerai à faire quelques contorsions à mon instigation. Pour que, ensemble, nous puissions faire la noce et quelques bonnes affaires. Détendez-vous et laissez vous faire ! Allah saura toujours bénir votre mariage avec une deuxième femme ! Je suis persuadée que vous ne résisterez pas à mes charmes et que vous êtes mûrs pour faire quelques infidélités à votre chipoteuse loi positive. Pour la convaincre et l’amener à fermer un peu les yeux, dites lui que, dans le secret du sérail, je saurais lui procurer quelques joies divines, que partagent épouses et concubines. Qu’entre nous-deux, elle sera aux anges, s’élèvera au septième ciel, tout près d’Allah.
Je sais bien que pour de l’argent et les plaisirs qui l’accompagnent, vos parlementaires et vos lois positives sont tout à fait prêts à faire quelque effort. C’est moi qui offre de quoi vous acheter les subtils voiles de pudeur et les sourdines à mettre sur vos principes, un peu trop rigides si ce n’est frigides ! Devant mon offre, ce serait vraiment dommage que vous soyez les derniers à faire la fine bouche ! Ouvrez-vous au monde ! Regardez un peu autour de vous ! Même les Anglais, censés être isolés dans leurs îles, viennent de m’offrir et leur couche et leur gîte. Le couvert en argent, sonnant et trébuchant, c’est moi qui l’offre. C’est ma dot de princesse du Golfe. Aujourd’hui, j’ai droit de City chez eux !
Puisque vous n’avez pas encore accepté que je fasse la loi dans vos cités, je commencerai volontiers par m’installer au centre de Paris. Place de la Bourse, par exemple ! A moins que je ne sois obligée de passer par le Palais du Luxembourg(2), ou autres palaces, là où mes frères, les princes du Golfe, ont l’habitude de descendre.
Chers Résistants Gaulois,
Ecoutez-moi bien ! Considérez au moins où se situe votre intérêt bien compris. Surtout par rapport à vos voisins, mais néanmoins concurrents : les Anglais. Même leur langue, habituée qu’elle est à être mise en avant, est aujourd’hui écartée pour user de la mienne. Mon amoureux, Gordon Brown, a même reçu la bénédiction suprême de Canterbury (3). C’est un réel plaisir de l’entendre disserter de halâl et de harâm(4) pour défendre nos épousailles dans les travées du parlement anglais. Il se racle bien la gorge pour prononcer les h gutturaux ! Mais du coup, il y a quelques mois, toute la presse anglaise s’en était étranglée. La famille royale, aussi, a failli en suffoquer. Mais j’ai su sauver le royaume et tout ce beau monde : pour qu’ils reprennent leur respiration, j’ai injecté quelques liquidités dans le système boursier de Londres, organe à la fois digestif et respiratoire de sa grâcieuse monarchie.
Entrouvrez-moi votre porte et je vous initierai à quelques uns de mes secrets bien gardés. Je vous avoue que j’ai été agréablement surprise par l’accueil chaleureux que les hauts fonctionnaires de Bercy m’ont réservé. Comme eux, commencez donc par prononcer un mot tout à fait simple : soukouk !
Au Ministère des finances tout le monde en a saisi et le sens et tout l’intérêt. Mais évitez à tout prix de prononcer ce dernier mot ! Dorénavant, à l’instar de vos homologues du journal Le Monde, vous remplacerez le mot intérêt par usure ; quel qu’en soit le taux par rapport à l’inflation. Et ne faites surtout pas les difficiles ou les puceaux effarouchés. Vos homologues ont bien su négocier le virage. Ils savent que je les attendrai au tournant ; avec quelques liasses de billets. Ne continuez surtout pas, je vous en prie, à penser que je joue sur les mots ou que c’est un simple tour de passe-passe, comme l’a déjà écrit votre collaborateur, M. Hilout (5).
Chez-moi, en Arabie et en Islamie, les religieux qui contrôlent aussi bien les mosquées, la presse que les finances, ont forgé le mot soukouk en place et lieu de vos damnées obligations. Comme le Prophète, il nous est permis de nous enrichir autant que nous pouvons en pratiquant du commerce(6), mais pas en achetant des obligations à votre Etat. Vos obligations, telles que définies par vos lois positives, procurent un intérêt garanti et n’obligent pas l’Etat à affecter l’argent qu’il récolte à une entreprise bien précise.
Or nos religieux musulmans exigent que l’argent des soukouks, rapporte un bénéfice et soit affecté à une entreprise licite (halâl) et non pas prohibée par l’islam (harâm) : pas de subventions à l’agro-alimentaire ayant trait à la vigne, à la filière du cochon ou à la boucherie non consacrée par mes imams. Pas de financement pour l’hôtellerie ou pour la restauration où l’on sert de l’alcool(7). Même si votre Etat ne risque pas de faire faillite (8) et que nous soyons assurés d’encaisser des entrées régulières, nous préférons être désignés comme entrepreneurs, achetant des participations. Ne me posez pas trop de questions ! En religion c’est comme ça, le nom importe plus que ce qu’il recouvre et il faut bien des voiles linguistiques et juridiques pour transformer un taux d’intérêt en dividendes.
En espérant que nous pourrons bientôt nous tutoyer, je vous prie d’accepter l’expression de mes salutations les plus sincères.
Votre dévouée Charia Banquia Islâmia
P.S. : Ah, juste un petit détail ! J’ai failli oublier de vous préciser que Bercy devra faire appel à mes éminents conseillers particuliers pour la certification halâl de ses montages financiers et pour nos épousailles, j’ai choisi le mufti financier Al-Qardâwi et Christine Lagarde comme témoins.
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(1) Note du traducteur : Fernand Renaud y aurait ajouté un « quoique ! » : l’auto flagellation étant toujours le sport national de notre intelligentsia.
(2) Table ronde du 14 mai 2008 organisée par la Commission finances du Sénat. La finance islamique pousse ses pions en France : http://www.bakchich .info/article356 6.html
(3) « Gordon Brown se met à la finance “charia-compatible” », article de Marc Roche publié dans Le Monde du 06 mars 2008
(4) Note du traducteur : c’est à dire licite, respectivement illicite, au regard de l’islam
(5) [La finance islamique ou la magouille sonnante et trébuchante->http://www.ripostelaique.com/La-finance-islamique-ou-la.html
(6) Tabari, un des premiers chroniqueurs musulmans, raconte que la bénédiction divine faisait des miracles auprès de la caravane à laquelle Mahomet s’était joint : « les marchandises ; les objets qu’ils avaient acheté pour un dirham, ils les vendirent avec un profit de dix dirhams ». Cf. Mohammed, seau des prophètes. Editions Sindbad, Paris 1980, vol. 3, p. 57.
(7) « Un grand hôtel du Caire ne sert plus d’alcool sur ordre du patron saoudien », dépêche AFP du 2 mai 2008
(8) Fernand Reynaud aurait ajouté : « quoiqu’il n’en soit pas très loin ! »