A Monsieur Philippe Landreux ainsi qu’à la rédaction de Riposte Laïque
Après lecture hasardeuse de votre article datant du 18 janvier 2010 intitulé “Hymne aux prénoms français”, je me permet de réagir par ce courrier.
http://www.ripostelaique.com/Hymne-aux-prenoms-francais.html
Née de parents français, j’ai eu la chance de porter un prénom français à la naissance bien qu’il ne figure pas sur le calendrier.
J’ai alors jusque là bénéficié d’un passeport français, me libérant de nombreuses contraintes administratives lors de déplacements touristiques ou professionnels.
J’en viens maintenant à ma stupéfaction face aux arguments avancés dans votre article, présumant d’abord un certain déterminisme par le nom, comme si porter un nom de famille déterminait les agissements individuels… De même, je relève par la suite que donner un prénom étranger serait un moyen de perpétuer la différence.
Bien sûr on peut considérer que le prénom est une marque d’identité culturelle lorsque des parents issus de l’immigration nomment leur enfant. Mais voilà, aujourd’hui les petits Téo, Enzo, Alex sont français et pourtant leur prénoms ne figure pas plus dans le calendrier que mohammed ou melika. Aussi l’identité fabriquée, se mélange à l’identité parentale, communautaire mais elle devient plus gênante lorsque le prénom n’est pas “européen”.
Ce qui me dérange également c’est que vous considériez comme impossible la réussite personnelle et professionnelle lorsque l’on s’appelle “Barack, Mamadou ou Mohammed”. Non les cas de réussites ne sont pas exceptionnelles, et vos propos me semblent se rapprocher de théories évolutionnistes qui remontent au temps de la colonisation lorsque l’homme blanc se considérait supérieur. L’Islam n’est en rien une invasion,et s’il y a un désintéressement des français, un abandon des croyances religieuses je pense qu’il faudrait mieux s’intéresser aux problèmes internes à l’Eglise, d’ailleurs les scandales qui surgissent actuellement me paraissent justifiés face aux excès de pouvoir exercés par les représentants de l’Eglise. Mais là encore je souhaite souligner le fait que la séparation de l’Eglise et de l’Etat à déjà fêté son centenaire, il serait peut-être temps alors d’évoluer, et de faire valoir cette séparation également dans les discours.
Ensuite, ne pensez-vous pas dangereux non plus de considérer des personnes comme des êtres malveillants? L’erreur allemande n’a elle pas été suffisante? Je n’aime pas cette façon de diaboliser les autres, sans même les connaitres. La ségrégation est bien réelle est effectivement injustifiée au regard des efforts que nombre d’entre eux font chaque jour pour s’intégrer dans une société dans laquelle les français ne s’identifient même plus “blazzés” des querelles politisées incessantes, grâce à des politiciens ne cherchant jamais à construire sinon à détruire les discours des autres (politiciens).
Alors certains cherchent à Franciser leur prénom puisque la question est bien celle que vous soulevez. Sachez que les asiatiques ne sont pas les seuls à exercer cette gymnastique mais que des migrants maghrebins cherchant à s’intégrer dans la société française le font également. C’est d’ailleurs en cherchant à aider l’un d’entre eux dans sa quête que je suis arrivée à vous lire. Sachez que je n’approuve pas vraiment sa décision. Pour moi, changer son prénom est un signe de rupture non pas avec la culture mais avec le lien de parenté si essentiel à la vie, à la stabilité personnelle de l’individu. Tout comme la langue maternelle est celle qui doit être utilisée en ultime tentative de “réanimation”, ce dont on hérite à la naissance est l’amour de nos parents, et chaque jour de notre vie doit viser à ne jamais briser ce lien. Alors que faites vous de cette rupture? Ne trouvez-vous pas celà destabilisant? Et finalement, qu’est-ce que celà change? Si les migrants sont comme vous dites prédestinés à ne pas réussir, celà changerait-il quelque chose de changer de prénom? Et aujourd’hui dans une société qui se mondialise, Mohammed en Algérie hier, Mathieu en France demain et John au Canada après-demain? Est-ce que ceci à du sens?
Je comprend le désir de ces migrants en quête de (re)connaissance qui acquièrent de nouveaux prénoms adaptés à la société dans laquelle ils veulent construire leur vie, mais on ne le souhaite pas toujours. Je ne sais pas si vous aimeriez troquer votre prénom contre Felipe ou Farid selon les lieux dans lesquels vous pourriez être amenés à vivre… Alors devriez vous peut-être poursuivre votre instruction sur la tolérance, lire le prix Goncourt “Trois femmes puissante” de Marie N’Diaye d’ailleurs… A moins, peut être, que celà vous dépasse que l’on octroie le prix à femme de couleur? On peut aimer la France, être francophile, francophone mais ne pas s’appeler Marie.
Ces propos tenus sur les populations étrangères me font mal, et me rendent honteuse de mon pays. Je me trouve trop gâtée par le destin que d’avoir un passeport, qui a pour vocation de réellement passer les ports, et non pas de me confiner dans mon espace d’origine. Je refuse de considérer d’autres être humains inférieurs, quelque soit leur origine, par contre je me sens coupable des discriminations qui se font chaque jour, que ce soit à des migrants Ecuatoriens, Tunisiens ou autres qui même s’ils sont qualifiés se voient incriminés par des xénophobes et anti-sémites (qui je vous le rappelle s’adresse également aux populations maghrébines).
Ces propos me font honte, honte d’un pays qui devrait être celui des droits de l’homme, pour lesquels se sont battus nos ancêtres et non un pays de débats de bassecour, attachés à nier les évidences en tentant de proner de fausses valeurs qui ne font que détruire l’unité nationale.
Je sais que vous n’écouterez pas l’écho que ce message devrait avoir dans votre conscience, mais je ne peux vous lire sans aucune réaction.
Cordialement,
Claudine Menant
Commentaire de Riposte Laïque : Philippe Landeux (et non pas Landreux) a, dans son article, développé une ligne assimilationniste, en proposant notamment qu’on revienne, comme avant 1981, à des choix de prénoms contenus dans un calendrier. On peut ne pas partager le contenu de cet article. Mais rien dans les propos de cet article ne justifient la violence de la réaction de Claudine Menant. Il va falloir, dans ce pays, réapprendre à débattre sans immédiatement chercher à salir son interlocuteur. C’est pourquoi nous proposons ce texte, dont nous ne partageons absolument pas le contenu, à nos lecteurs.