Quand règnent sectarisme et étroitesse d’esprit sous couvert de laïcité
Je lis avec attention les numéros successifs de Riposte Laïque et suis d’accord avec le combat que vous menez, au nom de la laïcité, contre l’inquiétante islamisation de la France.
Mais j’ai été stupéfiée que vous ayez accordé une place de choix à l’article d’Hervé Boyer, intitulé “L’Union européenne organise des messes catholiques ; Devedjian fiance les églises”, qui n’était bon qu’à alimenter la rubrique “Courrier des lecteurs” (et encore !!!). Je veux répondre à ce monsieur , et je précise au préalable que je ne suis pas catholique pratiquante (ni adepte d’aucune autre religion, d’ailleurs !), que je ne connais pas Patrick Devedjian et suis on ne peut plus neutre à son égard.
Que Monsieur Boyer proteste contre les messes catholiques dans l’enceinte du Parlement européen, soit ! Il a tout à fait raison sur le principe : la neutralité en matière de religion dans un espace public.
Mais ne voilà-t-il pas qu’il lance l’anathème contre Patrick Devedjian, “coupable” de proposer, je cite, “110 projets de financement concernant la réfection de lieux de culte catholiques”… Et d’ironiser sur l’argumentation du ministre, qualifiée d’ “édifiante quant à la prise en compte du principe de laïcité” !
Que dit donc le ministre de si choquant ? Voici ses propos : « Je ne veux en rien porter atteinte à la laïcité de l’Etat, mais quand on voit ce long chapelet d’églises et de cathédrales, quand on connaît l’histoire de la France et les rapports entre l’Eglise et le roi de France, c’est notre devoir d’entretenir ce patrimoine, c’est aussi une affaire d’identité, de sens, de respect de notre culture ».
D’abord, n’en déplaise à Monsieur Boyer, la France est un pays dont les racines culturelles sont judéo-chrétiennes, ce qui explique en effet la présence sur le sol national d’un grand nombre de chapelles, d’églises ou de cathédrales.
“Pour ces gens-là, éructe-t-il d’un ton méprisant, l’identité et la culture nationales et européennes se limitent à la religion catholique” .
Comment pourrait-il en être autrement, à moins de renier le passé de notre nation ? Peut-on oublier qu’elle a été “la fille aînée de l’Eglise” pendant des siècles ? Faut-il donc, au nom de la laïcité (dans cette période qui voit fleurir la repentance), que la nation française s’excuse publiquement d’avoir été catholique ?
Que propose le ministre ? De subventionner l’Eglise catholique ? Il y aurait là de quoi protester… Mais point du tout ! Seulement d’ “entretenir ce patrimoine” que représentent les chefs d’oeuvre architecturaux de l’art roman, gothique, baroque…
C’est cela qui déclenche la fureur de Monsieur Boyer. Que voudrait-il donc ? c’est clairement exprimé : que l’Etat n’intervienne pas !
Autrement dit que l’Etat laisse se détériorer ce “patrimoine” -car qui d’autre que l’Etat peut assumer la charge de ces réfections ?- , et cela du seul fait qu’il s’agit d’édifices religieux ! Si on va au bout du raisonnement, on se dit que Monsieur Boyer verrait bien une France privée de toutes ses églises. Adieu Notre-Dame de Paris, adieu cathédrales de Chartres, de Reims ou d’ailleurs, adieu petites églises romanes qui fleurissent un peu partout : vous êtes coupables d’être des lieux de culte catholique, donc vouées aux outrages du temps et à la ruine !…
Que Monsieur Boyer ” bouffe du curé”, soit ! Mais pareille étroitesse d’esprit me scandalise…
Rappelons à Monsieur Boyer que les édifices religieux sont -au même titre que les autres monuments- notre commun héritage, à nous tous citoyens français, “bouffeurs de curé ” ou pas, et que le devoir de l’Etat est bien de les préserver, de les entretenir, de les restaurer… Et c’est à cela, entre autres, que doivent servir nos impôts !
Dois-je avouer que l’attitude sectaire de Monsieur Boyer m’ a aussitôt évoqué les Talibans et le dynamitage des Bouddhas…
La fin de l’article est tout aussi affligeante !
Patrick Devedjian a le malheur de souligner “les rapports entre l’Eglise et le roi de France”, et cela nous vaut une diatribe de Monsieur Boyer : “Réduire l’histoire de France à la royauté est une malhonnêteté intellectuelle et il conviendrait de rappeler à ces gens-là qu’à partir d’une certaine date il y a eu l’abolition des privilèges, aussi bien de la noblesse que du clergé, une révolution, l’avènement de l’idée républicaine et de la notion de citoyenneté”.
La malhonnêteté intellectuelle, c’est de ne pas lire ce qui est écrit, de ne pas entendre ce qui est dit : ici, c’est la vôtre, Monsieur Boyer, aveuglé par le mépris (ou la haine) que vous portez à “ces gens-là” (dont on aimerait bien, d’ailleurs, savoir qui ils sont, puisqu’il n’est question que de Patrick Devedjian qui, curieusement, devient à lui tout seul un ensemble de personnes !!!)
Non, le ministre ne réduit pas l’histoire de France à la Royauté ; il évoque la monarchie de droit divin et ses liens avec l’Eglise, parce que c’est en lien avec le sujet : il s’agit des églises, je le rappelle… Or, si je ne m’abuse, la construction des dites églises a plutôt eu lieu sous les règnes des souverains français que sous la Révolution, la Terreur ou la III° République !
Soyons sérieux : était-ce le rôle du ministre de se livrer à un cours d’Histoire exhaustif , pour rappeler des événements que nul français n’ignore et dont il n’avait pas lieu de parler ?
En tout cas, au vu de ce que Monsieur Boyer écrit, nul doute qu’il faudrait, pour lui complaire, revoir l’Histoire de France et la faire débuter le 14 juillet 1789 !
Peut-être faudrait-il aussi, au nom de la laïcité, que la nation française s’excuse publiquement d’avoir été royaliste ?
Il ne le dit pas, mais, de même qu’il est choqué qu’un Etat laïc finance l’entretien des églises catholiques, peut-être est-il choqué qu’un Etat républicain finance l’entretien des palais et châteaux royaux, symbole d’un pouvoir absolu odieux et honni ?
Chantal Macaire