Monsieur Henri Pena Ruiz, nous nous sommes déjà rencontrés à deux reprises. En 2005, lors d’un débat avec Jean Luc Mélenchon que j’avais organisé avec mes amis de l’Ufal des Yvelines, et à Marseille, en avril 2007, lors d’une rencontre laïque que j’animais au théâtre Toursky, avec Raymond Mallet, président d’une organisation laïque marseillaise. Vous étiez, ce jour là, à la tribune devant 400 personnes, avec Michèle Vianès, présidente de Regards de Femmes et Pierre Cassen, à l’époque animateur de Respublica (Riposte Laïque n’existait pas encore).
J’ai lu, comme mes amis de RL, votre intervention aux rencontres internationales laïques de St Denis, et votre réponse irritée à la critique de Pascal Hilout. Vous ne serez pas surpris en apprenant que je partage les réactions de mes amis de la rédaction de Riposte Laïque, et plus particulièrement celle d’Anne Zélensky qui exprime avec brio ce que j’aurais aimé vous dire.
Au cours de ces deux initiatives, que j’animais à la tribune, j’ai apprécié, comme la majorité des personnes de la salle, la qualité de votre discours. De toute évidence, votre réputation vous amène, en général, un auditoire que vous savez déjà conquis et qui vous écoute avec admiration. Et c’est bien ce qui s’est passé pendant ce débat que nous avions organisé dans les Yvelines et où vous interveniez avec Jean-Luc Mélenchon. Le public avait savouré le haut niveau de vos échanges.
Le 10 avril à Marseille, j’avais trouvé formidable la complémentarité de votre intervention avec celles de Michèle Vianès et de Pierre Cassen. Le public ne s’y trompa pas, il vous applaudit fortement tous les trois.
Mais, à ma grande surprise, sur la fin de cette soirée, une divergence assez vive est survenue, entre vous et Michèle Vianès d’abord, et avec Pierre Cassen ensuite. Vous avez voulu interrompre Michèle Vianes au milieu de son intervention, pour lui reprocher les propos qu’elle tenait au sujet de la prolifération du voile et de l’offensive de l’islam comme premier danger pour la laïcité et la République. Michèle ne se laissa pas démonter, et continua son exposé. Soutenant Michèle et sur un ton mesuré, Pierre pris ensuite la parole. Il évoqua Mohamed Sifaoui, Ayaan Hirsi Ali, l’assassinat de Théo Van Gogh, Mina Ahadi, Robert Redeker, pour démontrer que seul l’islam, aujourd’hui, menace de mort, voire assassine, ceux qui osent le contester, et que ses principales victimes sont souvent d’origine arabo-musulmane. Je n’ai pas oublié non plus les propos qu’avaient tenus Pierre contre les autres Eglises.
Malgré tout, profitant de la dernière prise de parole que l’on vous accordait, vous avez grossièrement déformé les propos de Michèle et de Pierre. Et votre dernière estocade fut de leur reprocher la théorie du « choc des civilisations » comme s’ils avaient avancé cet argument dans leur discours respectifs. Votre conclusion m’a stupéfaite et je fus très surprise par le ton désagréable que vous avez alors utilisé contre mes amis Michèle et Pierre. C’était le professeur qui faisait la leçon à ses mauvais élèves.
Vous avez montré alors que, non seulement, vous aviez du mal à écouter une personne qui énonçait un point de vue différent du vôtre, mais que vous pouviez lui manquer de respect en déformant ses propos, et en usant de votre notoriété pour chercher à déconsidérer deux intervenants qui ont eu l’indécence de parler de la dangerosité de l’offensive islamique, ce qui, à vos oreilles, était intolérable. J’avoue que votre attitude, ce soir là, m’a profondément déçue. J’ai retrouvé cette façon de faire dans la suspicion que vous émettez à l’encontre de RL, dans votre droit de réponse, laissant entendre, de manière malveillante, que pour notre journal, la laïcité serait une couverture pour mener d’autres combats, bien moins nobles.
Je ne vais pas renchérir sur les écrits de mes amis de la rédaction, je relève seulement, en relisant votre allocution à Saint Denis, cette phrase qui me semble bien étrange : « il est temps de sortir le débat de questions souvent mal posées, d’attitudes réactives, voir de bons sentiments qui produisent le contraire de ce qu’ils visent ». Mais, monsieur Pena Ruiz, ne voyez vous pas que vous vous adressez à vous-même ? Non seulement vos « bons sentiments » vous aveuglent sur la réalité de l’offensive de la religion musulmane en France et dans toutes les démocraties, mais ils réduisent à l’aveuglement une bonne partie des laïques bien pensants qui acceptent, à cause de cette posture d’ intellectuels soit disant neutres qui vous amène à affirmer que toutes les religions se valent, une France de plus en plus islamisée.
“La loi votée le 15 mars 2004 ne l’a pas été que contre le voile “, affirmez-vous dans la plupart de vos discours. Que vous disiez cela par tactique et pour démontrer encore une fois que toutes les religions se valent, pourquoi pas, mais je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à mettre le voile, la kippa et la croix chrétienne sur le même plan. En 2004 ce n’était pas la réalité du terrain, ça ne l’est toujours pas aujourd’hui ! Vous savez bien que la Commission Stasi a été mise en place parce qu’il y avait de plus en plus de jeunes filles voilées dans les établissements scolaires et que cela posaient de sérieux problèmes aux équipes enseignantes. Pourquoi ne pas être capable de dire au moins cela ? Vous devriez lire les témoignages de Maryse Haslé, Martine Ruppé et Jean-Claude Santana, dans les trois premiers chapitres de notre livre « Les dessous du voile ». Où voyez vous, dans leurs témoignages, qu’ils étaient confrontés à autre chose qu’au voile ?
A défaut de faire l’effort de vous procurer notre livre, (puisqu’il fut interdit de diffusion à Saint-Denis par les censeurs de l’Ufal) si vous tombez dessus par hasard et que vous osez jeter un œil plus attentif à certains chapitres, vous découvrirez que l’islam n’a pas besoin de « isme » pour mettre en danger la laïcité de notre République. Le quotidien de certaines villes, comme à Marseille, où je vis depuis trois années, nous renvoie tous les jours les images d’une invasion, celle des tchadors et des burqas, celle des jeunes filles et fillettes voilées, celle des fast-foods et des magasins d’alimentation hallal. Quel est l’avis du philosophe laïque, sur cette invasion de la sphère civile, publique, par une religion ségrégationniste et sexiste, qui s’attaque aux valeurs de notre République en imposant la subordination des femmes, les interdits alimentaires aux enfants jusque dans les cantines scolaires, et qui cloisonne la société en renforçant ses ghettos autour des nouvelles mosquées? Vous pensez réellement, comme vous l’écrivez, que c’est en dialoguant paisiblement avec les musulmans qu’on va les convaincre de cesser leur prosélytisme et de ne plus marquer ainsi la rue de la présence de l’islam ?
Vous êtes sans aucun doute, monsieur Pena Ruiz, un « maître à penser » de la laïcité, vous êtes certainement très préoccupé d’humanisme, vous prônez l’égalité de tous les citoyens devant la loi commune, vous dénoncez ce qui n’est pas tolérable dans les traditions et les cultures, vous affirmez qu’il est inacceptable que les femmes soient considérées comme inférieures aux hommes, mais cela reste des mots. Au fond, vous ne vous souciez que très peu de la régression que subissent les femmes musulmanes. Sachez qu’elles sont de plus en plus nombreuses à porter le voile, de plus en plus nombreuses à devoir se soumettre aux hommes de leur communauté, de plus en plus nombreuses à être mariées de force, de plus en plus nombreuses à se vêtir comme des fantômes parce que leur corps (et leur esprit) ne leur appartient pas. Il y a également de plus en plus de petites soldates de l’islam, sur notre territoire, qui mènent un vrai combat politique. Vous oubliez que la notion de « chef de famille » n’est pas qu’une notion judéo-chrétienne et que l’islam renvoie à un machisme autrement plus pernicieux, autrement plus dangereux, d’abord pour les musulmanes, mais aussi pour toutes les femmes qui savent que leur liberté est fragile et que leurs droits ne seront jamais définitivement acquis.
L’idéal laïque est, selon vous, une entité universelle pour peu qu’on la considère comme l’objectif d’un humanisme planétaire. Soit, mais la laïcité française, elle, c’est du concret, elle est inscrite dans nos lois, elle est une conquête, un acquis de notre histoire, celle des Lumières, des luttes de notre peuple, elle est le produit de notre civilisation. Pour moi, la laïcité à la française est unique, et je n’ai pas encore vu un seul pays qui se réclame de l’islam montrer un quelconque universalisme. Je vois par contre de nombreux citoyens et surtout des citoyennes d’origine arabo-musulmane qui ne veulent pas subir, sur notre sol, la dictature des imams et des intégristes. Ces femmes là veulent que la laïcité et que les droits des femmes les protègent de la police politique religieuse qui se met en place, en France et en Europe.
Monsieur Pena Ruiz, quand je suis née, il n’y avait, en France, que 4 mosquées, et je n’ai pas souvenir d’avoir vu un seul voile en France, jusque dans les années 1990. Aujourd’hui, il y a plus de 2100 mosquées, et, à Marseille, Gaudin, soutenu par toute la gauche, se prépare à construire une mega-mosquée, dont il annonce avec fierté qu’elle sera la plus grande de France. Toutes les forces laïques, tous les intellectuels, se taisent devant ce scandale, laissant la seule extrême droite mener la bataille avec les risques de dérives que cela suppose. Aujourd’hui, je me sens agressée, en tant que femme, à chaque fois que je croise une Belphegor, dont la tenue est une injure aux combats féministes et émancipateurs que mes amies ont menés dans la foulée de mai 68. Je n’ai pas peur d’être laïquement incorrecte. Je suis pour l’interdiction du voile sur le territoire français, et je pense qu’il faut légiférer au plus vite contre une tenue qui n’a pas sa place en France (ni ailleurs). Et je serai fier que cela soit mon pays qui, le premier, prenne cette mesure salutaire, et qu’il soit suivi par d’autres pays européens.
Ce qui s’est passé cette semaine à Genève confirme mes craintes. Comment ne pas voir que l’islam (pas l’islamisme, l’islam tout court) est parti à la conquête de l’Europe. L’islam politique ne se démarque pas de l’islam, c’est une religion, mais aussi un projet politique qui profite de nos valeurs démocratiques pour imposer de plus en plus ses traditions et son refus de l’universalisme que vous appelez de vos vœux. Je pense qu’il y a une incompatibilité totale entre la volonté hégémonique et dominatrice de l’islam, et les valeurs pour lesquelles les rédacteurs de Riposte Laïque, et vous-même, combattez.
Au lieu de tancer les rédacteurs de Riposte laïque, comme vous l’aviez fait avec Michèle Vianès, en les accusant d’être des adeptes de la théorie du choc des civilisations, vous devriez, Henri Pena Ruiz, vous poser ces deux questions :
1) Accepteriez-vous, comme vous le faites par votre silence, la moitié de ce que vous tolérez de l’islam, si cela venait de la religion catholique ?
2) Pourquoi avez-vous un tel problème avec la critique de l’islam ?
Brigitte Bré Bayle