Je vous accuse, Bertrand Delanoé, de discrimination religieuse

Monsieur le Maire de Paris,
En tant que citoyenne française attachée à l’égalité des droits de chacun, je suis scandalisée que vous agissiez, en tant qu’élu, selon le principe antirépublicain du « deux poids-deux mesures », et que vous pratiquiez une discrimination religieuse, que rien ne peut justifier.
En effet vous avez fait interdire la messe de clôture en plein air du pèlerinage Chartres-Paris, qui devait se tenir le dimanche 1er juin, à Montmartre. Par contre, vous laissez des musulmans confisquer des rues entières chaque vendredi pour la prière.
Comparons les deux événements : la messe catholique, qui n’a lieu qu’une fois l’an, se serait tenue dans un lieu qui n’aurait pas gêné la circulation des véhicules et très peu celle des piétons ; les prières musulmanes, qui ont lieu 52 fois par an, se tiennent sur la chaussée et les trottoirs, et constituent une gêne puisqu’elles interdisent la circulation des véhicules et rendent difficile (quand elles n’empêchent pas) celle des piétons.
Pour justifier cette décision, vous chargez le Chef du Cabinet de la Mairie de Paris, Thomas San Marco, de rappeler la loi (message retranscrit sur le forum catholique) : « la liberté de culte, garantie par la Constitution, s’exerce dans des lieux de culte. Elle ne comprend pas le droit de célébrer un culte dans un espace public, qui est soumis à autorisation … La Ville a interdit l’utilisation privée d’un square, comme elle en a parfaitement le droit en tant que propriétaire de cet espace. »
C’est là la loi, en effet ! Vous ne pouvez mieux la définir ! On est donc en droit de vous demander pourquoi vous ne la faites pas appliquer chaque vendredi, la Ville étant propriétaire des rues du XVIII° arrondissement ! Mais c’est un autre problème…
En tout état de cause, puisque vous consentez -qui ne dit mot consent, en effet !- à ce que l’espace public devienne lieu de culte musulman chaque semaine, vous vous deviez AU MOINS d’accorder à la Fraternité Saint Pie X l’autorisation de célébrer sa messe annuelle traditionnelle.
En effet ne pas accorder aux catholiques ce que vous laissez les musulmans s’octroyer, c’est de toute évidence discriminatoire. Ou alors il vous faut assurer le respect scrupuleux de la laïcité partout et par tous (ce qui n’est pas le cas !)

La suite du message rédigé, à votre demande, par Thomas San Marco constitue un argumentaire irrecevable pour justifier l’interdiction :
-vous faites état des propos scandaleux tenus par Mgr Williamson, l’un des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, et vous affirmez à juste titre que la négation de la Shoah est « un délit ». Plus loin, vous admettez que « cette prise de position inacceptable n’est pas partagée par les fidèles de la Fraternité ». Est-il normal que la faute d’un seul retombe sur tous ?
Les propos de Mgr Williamson n’engagent que lui (il a d’ailleurs été désavoué par la Fraternité Saint Pie X) et, s’il y a « délit » au sens pénal, il faut le faire comparaître en justice, pas priver les pèlerins de leur messe sur l’espace public !
-vous osez vous appuyer sur ces propos scandaleux pour mettre en avant des raisons de sécurité qui auraient, selon vous, justifié l’interdiction (il faut bien trouver un prétexte !) : « on pouvait craindre que des incidents n’aient lieu au moment de cette célébration. Il a donc été décidé, en raison des risques de troubles à l’ordre public, de ne pas autoriser cette année la célébration de cette messe dans ce square municipal ».
A qui ferez-vous croire que la récente manifestation anti-Israël dans les rues ne présentait, aucun risque de « troubles à l’ordre public », elle, puisqu’elle avait été autorisée (on a vu les échauffourées qui en ont résulté !), et qu’une célébration eucharistique en présentait de tellement sérieux que votre devoir vous a commandé de l’interdire ? A personne, bien sûr !
« On pouvait craindre… des risques de troubles», dites-vous, mais sur quelles bases ? Vous reconnaissez vous-même que « le comportement des pèlerins n’a jamais été critiquable », donc c’est de l’extérieur qu’étaient attendus d’hypothétiques trouble-fêtes ! « On pouvait craindre… » : ces craintes n’étaient-elles pas du domaine de la pure imagination -prétexte commode dont on peut user ou abuser !- Ou bien avez-vous eu vent de menaces émanant de la communauté juive, ou de la communauté musulmane, ou d’anticléricaux, ou d’anticatholiques ou d’un groupuscule quelconque ? Il vous appartenait en ce cas soit de ne pas autoriser cette contre-manifestation, soit de prendre toutes mesures susceptibles d’assurer la sécurité des pèlerins !
Je remarque que, quand il s’est agi, le dimanche 22 mars, d’une manifestation anti-Benoît XVI sur le parvis de Notre-Dame de Paris, à la sortie d’une messe dominicale –manifestation qui présentait à l’évidence « des risques de troubles à l’ordre public »-, elle a été autorisée, et la police était là pour maintenir l’ordre, comme elle aurait pu le faire le 1er juin.
Oui, vraiment, la spécialité de la Mairie de Paris, c’est (jusqu’à preuve du contraire) le « deux poids-deux mesures » : la manifestation du 22 mars était une provocation pure et simple contre les catholiques, et vous avez laissé faire… mais l’Apéro Géant Saucisson-Pinard, que vous avez jugé être une provocation pure et simple contre les musulmans, vous ne l’avez pas autorisé ; les prières du vendredi dans l’espace public continuent, et la messe a été interdite…
Bien que n’étant pas du tout catholique pratiquante (comme vous pourriez le penser), je suis choquée de constater que votre position de Maire de Paris est variable, selon qu’il s’agit de catholiques, d’anticatholiques ou de musulmans, ce qui constitue un grave manquement à la neutralité et à l’impartialité qui devraient être les vôtres. La discrimination n’a pas sa place chez les élus de la République une, indivisible et laïque..
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments indignés.
Chantal MACAIRE