Deux jeunes filles qui contestaient leur exclusion définitive de leur établissement scolaire français au motif qu’elles avaient porté le foulard islamique pendant un cours de sport, viennent d’être déboutées à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). En 1999, elles avaient été exclues d’un collège de Flers, dans l’Orne, au motif qu’elles avaient refusé de retirer leur foulard pendant les cours d’éducation physique et sportive, alors qu’elles étaient scolarisées en classe de sixième.
Cette fameuse affaire de Flers avait été suivie par le Comité Ornais de Défense de la Laïcité et en particulier par Martine Ruppé et Roland Clément. Elle avait même provoqué une grève massive d’enseignants de l’établissement concerné et d’autres établissements scolaires. Hélas, la presse régionale comme la presse nationale a plutôt traîné dans la boue ces enseignants défenseurs de la laïcité, et elle a préféré donner largement la parole aux islamistes qui les harcelaient. Comme dans l’affaire de Fanny Truchelut, on inversait agresseurs et agressés devant les caméras de télévision.
Les décisions de la CEDH sont de la plus haute importance pour toutes ces victimes des soldats de l’islam conquérant en France, même si l’on peut émettre deux réserves préliminaires.
D’une part, la CEDH, juridiction européenne, est considérée comme la dernière voie de recours dans de multiples affaires, après la Cour de cassation française. Même si certaines de leurs décisions vont dans notre sens, le fait que des instances extra-françaises disent et imposent le droit en France et au plus haut niveau juridictionnel constitue une ingérence dans notre souveraineté nationale.
D’autre part, si nous apprécions ces décisions, il convient de ne pas en faire de gorges chaudes. On s’indigne quand une condamnation va à l’encontre de nos souhaits, comme dans l’affaire du gîte des Vosges, et on se réjouit quand elle nous sied comme dans le cas présent. Ce sont des réactions qui tiennent beaucoup de l’affectif, mais il faut étudier ces décisions de justice non pas selon nos humeurs, mais selon ce qu’elles disent réellement et ce qu’elles apportent ou ce qu’elles retirent à nos combats.
Et dans cette affaire des deux jeunes filles voilées d’un collège de Flers, l’étude des deux arrêts de la CEDH, l’un à l’encontre de la plainte de Belgin Dogru (1) et l’autre pour celle d’Esma-Nur Kervanci (2), sont une mine d’or juridictionnelle. Les deux textes sont identiques quasiment mot pour mot, mais la Cour devait rendre deux arrêts puisqu’il y a eu deux plaintes. La lecture d’un seul suffira donc pour se faire une idée des arguments utilisés.
Le premier point capital, c’est que les prosélytes du voile islamique tentent d’utiliser au maximum les tribunaux pour imposer leur islam conquérant. C’est tout le combat de gens comme le Docteur Thomas « Abdallah » Milcent, formé par la soldatesque de Gulbuddin Hekmatyar et de son Hezb-e-Islami en Afghanistan (3). Thomas Milcent était d’ailleurs l’un des principaux protagonistes de l’affaire de Flers.
Son ami Gulbuddin Hekmatyar, aujourd’hui allié à Ben Laden, est recherché pour crime de guerre suite à un massacre qui lui valut le surnom de « boucher de Kaboul ». Ses troupes vitriolaient au Pakistan et en Afghanistan les femmes qui refusaient le voile. Il est donc important de relativiser un prétendu humanisme revendiqué par le converti Thomas Milcent dans son ouvrage « Le foulard islamique et la République française : mode d’emploi » qu’il a écrit en 1994 pour inciter les jeunes filles à contourner les lois françaises, ou lorsqu’il fait mine de s’apitoyer sur leur sort dans les Congrès de l’UOIF. Son combat juridique et celui de ses alliés n’est qu’une forme d’un jihad bien plus vaste, et la meilleure preuve en est que le prosélytisme pro-voile, puis la chasse aux non-voilée précède ou accompagne toujours le combat politique et guerrier des islamistes : Algérie, Iran, Afghanistan, etc.
Suite à la loi de 2004 sur la laïcité et les signes religieux à l’école, Thomas Milcent a créé avec l’UOIF un « Comité 15 mars et libertés », uniquement destiné à cette bataille du voile en France (4). Il comptait beaucoup sur la CEDH pour mettre en défaut la loi de 2004 et la faire abolir au nom du « droit à la religion » et du « droit à l’éducation ». Les deux arrêts du 4 décembre mettent donc un point final à ce harcèlement juridique, et à un combat que menaient les islamistes en France depuis les années 1980-1990. Mais la CEDH clôt également le bec à tous les pseudo laïques idiots utiles de ces soldats de l’islam conquérant, comme Mouloud Aounit et sa ligne directrice au Mrap, qui se faisaient les avocats systématiques des voilées militantes. L’alliance islamo-gauchiste, même si elle fut théorisée il y a une trentaine d’années en Angleterre, est plus ancienne que cela sur ces affaires de voile. Dès la guerre de décolonisation en Algérie, l’idéologue Franz Fanon assimilait le voile à l’identité des « colonisés », et le dévoilement des jeunes musulmanes à une allégeance à une France impérialiste et à une désolidarisation du combat anticolonial. Ce sont les mêmes arguments essentialistes et anti-français qui sont aujourd’hui repris par Tariq Ramadan ou les Indigènes de la République (5) : tout opposant au voile islamique ne serait qu’un raciste néo-colonial, et les Ni Putes Ni Soumises en seraient les complices soumises à l’idéologie dominante des « souchiens ».
Certes, les arrêts de la CEDH sur les voilées de Flers n’abordent pas directement ces aspects politico-religieux, mais comme les Mouloud Aounit et les Thomas Milcent comptaient utiliser les juridictions françaises et européennes pour imposer le voile islamique dans les écoles en France, la CEDH leur coupe définitivement l’herbe sous les pieds sur le terrain des tribunaux, puisqu’elle était leur dernier recours après la Cour de cassation.
Dans ces décisions de la CEDH, il y a un autre aspect qui, hélas, a peu été relevé par la presse, et qui est pourtant bien aussi important sinon plus que la fin de la bataille juridique sur la seule question du voile à l’école. En effet, il s’agit de faits datant de 1999, donc antérieurs à la loi de 2004 sur la laïcité et les signes ostensibles dans les établissements scolaires français. Ces arrêts de la CEDH se basent donc non sur cette loi de 2004 – qu’ils rappellent toutefois pour réaffirmer le droit français à la laïcité -, mais sur d’autres documents en cours en 1999, en particulier des règlements internes aux établissements scolaires et des circulaires ministérielles.
A fortiori, bien entendu, cela fait tomber toutes les requêtes sur des faits analogues postérieurs à la loi de 2004. Mais ce qu’on peut retenir des longs attendus de la CEDH, c’est qu’ils donnent force de loi à des règlements internes à des établissements, et aussi à une « tradition laïque » française sans avoir recours à la loi de 2004, donc au-delà de celle-ci en quelque sorte.
Les prosélytes du voile – dont la Halde – utilisent justement la loi de 2004 pour dire qu’elle ne s’applique pas, par exemple, aux accompagnatrices de sorties scolaires, ou aux universités, aux administrations, etc. C’est une interprétation des plus partisanes, car si la loi de 2004 ne traite pas de ces cas de figure, c’est autant dans un sens que dans l’autre : elle n’y interdit pas le voile, mais elle ne dit pas non plus qu’on ne peut s’y opposer.
Donc les arrêts de la CEDH, en évoquant des règlements internes et des circulaires ministérielles, peuvent être utilisés dans des situations ne relevant pas de la loi de 2004. On entrevoit toute la jurisprudence qu’on peut en tirer, dans les universités, les commerces, les entreprises, les administrations, et plus généralement dans tout lieu où des gens de différentes confessions (ou sans confession) peuvent se trouver ensemble. Par exemple, quand la Halde prend prétexte de la loi de 2004 pour condamner le règlement intérieur d’un hôtel qui bannit les signes religieux dans les parties communes ! Et évidemment, ces arrêts mettent à mal la notion de « discrimination indirecte » que tentent d’imposer la Halde et des directives européennes, en prenant comme exemple le fait qu’interdire tout couvre-chef dans une entreprise serait discriminatoire envers… les musulmanes voilées.
Laissons aux juristes le soin d’affiner cette ébauche d’analyse, et d’en tirer des conclusions plus précises des deux longs arrêts du 4 décembre 2004 de la CEDH. Mais examinons rapidement, sur le fond, comment ces décisions balaient les arguments principaux des plaignantes et de leurs soutiens.
Les requérantes arguaient de la violation par l’Etat français de deux articles européens de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
Le premier article, le n° 9 de cette Convention (6), concerne la liberté de religion et la liberté de manifester sa religion : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Ce « droit à la religion » est l’un des prétextes généralement utilisés par les soldates du voile et leurs conseillers, mais aussi par la Halde. Or la CEDH dit que si le voile est bien « un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction religieuse », la manifestation de la religion peut être limitée par la loi – et ici elle assimile des règlements intérieurs à la loi comme nous l’avons dit – pour « concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun » (sic !)
C’est donc bien par respect des non-musulmans (ou des non-croyants) et l’intérêt collectif que la CEDH reconnaît qu’on peut interdire le voile (ou les signes religieux) dans des espaces communs. Ca rejoint totalement nos arguments laïques dans notre condamnation du voile, que nous avons utilisés en particulier en soutien à Fanny Truchelut. On pense évidemment au titre de l’article de nos amies Anne Zelensky et Annie Sugier : « Qui agresse qui ? » (7) ! « L’exhibition du voile dans l’espace public constitue donc un trouble à l’ordre public, car il remet en cause les bases de cet ordre ».
Le second article invoqué par les plaignantes est l’article 2 du protocole n° 1 de la même Convention européenne, concernant le droit à l’instruction (8) : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »
La CEDH balaie la thèse de la violation de cet article, en disant en substance d’une part que ce droit à l’instruction n’empêche pas d’obéir aux lois et qu’on peut exclure un élève qui contrevient aux lois (et ici, au règlement intérieur), et d’autre part, que les plaignantes ont bien bénéficié de ce droit puisqu’elles ont suivi des cours par correspondance suite à l’exclusion.
Or ce « droit à l’instruction » était le second grand argument utilisé par les prosélytes du voile et les Thomas Milcent. Ils jouaient à fond sur la victimisation de ces « pauvres filles discriminées » parce qu’exclues des établissements scolaires. Donc là encore, la CEDH considère que tout droit comporte des devoirs (obéir aux règlements et aux lois), mais plus fort encore, que l’exclusion d’un établissement de la République ne contredit pas le droit à l’instruction. La CEDH fait le distinguo entre la « substance du droit à l’instruction », et le lieu d’application de ce droit. Du moment que les requérantes ont bénéficié de ce droit, même en dehors de tel ou tel établissement scolaire précis, ou même d’un établissement scolaire tout court, le droit à l’instruction est respecté.
On entrevoit toute la jurisprudence qu’on peut en tirer par analogie, non seulement à l’encontre des militants de l’islam, mais également pour défaire des décisions de la Halde qui voit des « discriminations » anti-musulmanes partout. C’est une pierre jetée dans la mare des défenseurs des procès d’intention déguisés en « discriminations indirectes », et de l’inversion de la charge de la preuve.
Si on pousse le raisonnement de la CEDH jusqu’au bout, on pourrait débouter une plainte pour « discrimination » contre un bailleur, un cafetier ou un employeur refusant les signes religieux ostensibles, du moment que les plaignants trouvent ailleurs chaussure à leur pied et bénéficient ainsi de leur « droit » au logement, aux services ou à l’emploi. Nous n’en sommes pas encore là, puisque les lois sur les « discriminations » jugent la conduite des individus dans leur offre personnelle au public, et non des réponses diversifiées à un besoin. Mais la CEDH met au moins un terme à l’accusation de « racisme » envers des établissements scolaires ou envers leurs responsables trop souvent traînés dans la boue par les islamistes et leurs alliés.
Pour pouvoir élargir la jurisprudence de ces arrêts, il nous faut donc en aborder d’autres aspects très prometteurs. Notons par exemple que les juges européens font grand cas de la laïcité française, par de nombreuses références tout au long de leurs arrêts. Ils soulignent que l’expulsion n’avait pas été décidée en raison de la religion des plaignantes, comme celles-ci le prétendaient, mais qu’elle résultait de leur refus des règles laïques de l’établissement, dont elles avaient parfaitement connaissance. Donc non seulement ces règles laïques sont affirmées comme juridiquement recevables, mais elles sont largement défendues comme socialement pertinentes par la CEDH : « La limitation du droit des requérantes à manifester leurs convictions religieuses avait pour finalité de préserver la laïcité au sein de l’établissement scolaire ».
Or les valeurs de la laïcité française ne se limitent pas aux établissements publics d’enseignement primaire et secondaire. De même, les prosélytes anti-laïcs du voile tentent d’imposer celui-ci dans tous les domaines de notre société. L’argument de la laïcité pourrait donc être invoqué dans tous ces domaines, et, en utilisant ces arrêts de la CEDH, on démontrera que ce n’est pas une discrimination individuelle ou collective à l’encontre de tels ou tels adhérents à une religion, mais une défense de valeurs communes.
Justement, la CEDH évoque prudemment l’interminable débat sur le fait que le voile est ou non un « signe religieux » et même, comme le prétendent les voilées et leurs conseils, un élément consubstantiel à leur appartenance religieuse. La CEDH ne tombe pas dans ce piège, comme le montre la subtilité de sa formulation : elle estime que « le port du foulard peut être considéré comme un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction religieuse ». Rappelant sa propre jurisprudence dans des affaires de foulards en Turquie, elle « a mis l’accent sur le « signe extérieur fort » que représente le port du foulard et s’est également interrogée sur l’effet prosélytique qu’il peut avoir dès lors qu’il semblait être imposé aux femmes par un précepte religieux difficilement conciliable avec le principe d’égalité des sexes ». Elle estime que la limitation des foulards en Turquie « visait également à prémunir l’individu non seulement contre des ingérences arbitraires de l’Etat mais aussi contre des pressions extérieures émanant des mouvements extrémistes et que la liberté de manifester sa religion pouvait être restreinte afin de préserver ces valeurs ».
Ainsi, même si la CEDH reconnaît que le foulard « peut » être d’inspiration religieuse, elle ne reconnaît aucunement l’argument défendu en particulier par Thomas Milcent dans son « mode d’emploi », selon lequel le voile serait une composante indispensable de la musulmane. Cet argument islamiste n’est pas très sympathique pour les intéressées dont on résume la spiritualité à un bout de tissu, et c’est évidemment une imbécillité totale sur le plan religieux et philosophique, puisque ça voudrait dire que non seulement l’habit fait le moine, mais que l’habit est un élément ontologique du moine. Mais ce discours permet de culpabiliser les musulmanes – et même toute femme d’origine musulmane – comme « mauvaise musulmane » si elle ne porte pas le voile, et ainsi d’exercer une pression psychologique à leur encontre. L’actualité non seulement en terre d’islam, mais même en France démontre largement que c’est un prélude à des pressions plus musclées qui trouvent leur justification dans les discours « théologiques ». Entre Thomas Milcent et son ami Gulbuddin Hekmatyar, il y a une différence de degré et de méthodes, mais ni de discours, ni d’intention.
Donc la CEDH ferme la porte à ces arguties soi-disant spirituelles, et tout au contraire, elle rappelle à plusieurs reprises le symbolisme sexiste, anti-laïque et « extrémiste » contraire aux valeurs de nos pays ; ou du moins le droit des administrations et des Etats à légiférer – même par règlements intérieurs ou circulaires ministérielles – contre le voile en fonction de ce symbolisme.
Les deux arrêts du 4 décembre sont donc riches de jurisprudence de multiples manières, autant sur le fond idéologique des « affaires du voile » que sur les interprétations législatives. Elle balaie tous les arguments juridiques et « religieux » des soldates et soldats de l’islam conquérant, et confirme par contre tous les arguments de ceux qui résistent à cet obscurantisme taliban.
C’est un soutien et un encouragement à poursuivre notre combat contre les islamistes, non seulement dans les écoles, mais dans tous les domaines de la société civile où « dans l’ombre, discrètement, ils poussent, ils poussent, ils poussent pour essayer de changer la société française de l’intérieur partout où ils se trouvent, même si c’est encore à de petits niveaux », comme nous le disait Eric Denécé à propos des entreprises (9).
Roger Heurtebise
(1) http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=7&portal=hbkm&action=html&highlight=&sessionid=16785504&skin=hudoc-fr
(2) http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=3&portal=hbkm&action=html&highlight=&sessionid=16785504&skin=hudoc-fr
(3) http://www.atheisme.org/milcent.html
(4) http://www.15mars.net/
(5) http://lmsi.net/spip.php?article320
(6) http://conventions.coe.int/Treaty/fr/treaties/html/005.htm
(7) http://www.ripostelaique.com/Qui-agresse-qui,418.html
(8) http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/009.htm
(9) http://www.ripostelaique.com/Eric-Denece-les-grandes.html