La « charte de la diversité » prend les patrons pour des demeurés

Nicolas Sarkozy nous l’avait promis : le métissage est désormais O-BLI-GA-TOI-RE, et les récalcitrants au grand panachage ethno-culturel seront mis au pas par « des méthodes plus contraignantes encore ». J’avais démontré comment tout ce fatras n’est qu’une idéologie, ne serait-ce que parce que si le métissage tout azimut était si enrichissant que le prétendent ses apôtres, les Français qui sont loin d’être idiots le pratiqueraient depuis longtemps (1).
La même réflexion me vient à l’esprit quand je découvre la « Charte de la Diversité », créée en 2004 par Claude Bébéar et Yazid Sabeg, et qu’on tente d’imposer aux entreprises. Un site entier lui est consacré, sans doute avec le fruit de nos impôts (2). Je vous laisse le découvrir, et j’irai droit au but en lisant le « texte d’engagement » proposé aux entrepreneurs qui veulent le signer (3) ou qui y seront bientôt contraints, ne serait-ce que pour obtenir des marchés publics.

Le premier paragraphe dit : « Favoriser le pluralisme et rechercher la diversité au travers des recrutements et de la gestion des carrières est un facteur de progrès pour l’entreprise. Une telle démarche contribue à son efficacité et à la qualité de ses relations sociales. Elle peut avoir un effet positif sur l’image de l’entreprise vis-à-vis de ses clients, de ses prestataires extérieurs et de ses consommateurs, en France et dans le reste du monde. »
Mais si tout cela était vrai, on se demande alors pourquoi les patrons n’appliquent pas depuis longtemps le « pluralisme » et la « diversité » ! En effet, je n’en connais guère qui ne désirent pas le « progrès » de leur entreprise, son « efficacité », la « qualité de ses relations sociales », et une « image positive » à l’extérieur ! Ce sont là des objectifs de n’importe quel entrepreneur !
Donc si « favoriser le pluralisme et rechercher la diversité » apportait tous ces bienfaits, il y a bien longtemps que les patrons appliqueraient ces principes pour en bénéficier et gagner encore plus d’argent (ce qui est tout de même leur objectif principal). Ils n’auraient pas attendu Messieurs Bébéar et Sabeg pour le découvrir.
Donc on voit bien que comme dans le discours de Nicolas Sarkozy, il s’agit davantage d’un dogme auquel on veut faire croire, que d’une réalité concrète, constatable, démontrable. C’est même assez méprisant de laisser penser que les entrepreneurs sont trop idiots pour n’avoir pas découvert tout cela par eux-mêmes, ou par leurs concurrents ou collègues.
Le second paragraphe : « La Charte de la diversité adoptée par notre entreprise a pour objet de témoigner de notre engagement, en France, en faveur de la diversité culturelle, ethnique et sociale au sein de notre organisation. » Puis suivent quelques engagements où l’on mélange deux notions : la « diversité » et la « non-discrimination ».
Je me mets donc à la place du patron trop stupide pour avoir découvert que la « diversité culturelle, ethnique et sociale » allait booster son chiffre d’affaires et le bien-être de ses employés. Mais c’est quoi, au fait, la « diversité » ?
Heureusement, les équipes de choc de Claude Bébéar et Yazid Sabeg ont prévu le cas de mon ignorance crasse, et par conséquent il y a sur le site un glossaire « la diversité de A à Z » (4). Il suffit de lire : « Diversité : Caractère de ce qui est varié, divers. Appliquée à l’entreprise, désigne la variété de profils humains qui peuvent exister en son sein (origine de pays, de région, de quartier, patronymique, culture, âge, sexe, apparence physique, handicap, orientation sexuelle, diplômes, etc… La liste n’est pas exhaustive). »
Ah d’accord, c’est à peu près ce que je pensais. Mais alors, comme je le disais dans mon dernier article, je n’arrive pas bien à comprendre comment le fait d’embaucher par exemple une lesbienne (orientation sexuelle) ou un musulman (culture) serait un « facteur de progrès » systématique pour mon entreprise, qu’elle en serait plus « efficace », que ça lui donnerait une « image » plus positive, etc. Je crains plutôt que si mon employé musulman commence à exiger des « accommodements raisonnables », avec menaces de saisir la Halde qui lui donnera raison, lesdits « accommodements raisonnables » risqueraient plutôt de dégrader l’efficacité, ou même de donner une mauvaise image à mes clients. Et je ne pense pas que le fait que ma comptable soit lesbienne ou métisse apporte spécialement un supplément d’« efficacité » à l’équipe ou un quelconque « plus » à mes prestataires extérieurs.
Nous constatons donc, en deux paragraphes seulement, qu’on nous vend cette « charte de la diversité » à coup d’arguments parfaitement imaginaires. Et je ne parle même pas d’autres critères, comme par exemple le handicap ou la situation de famille. A qui fera-t-on croire qu’un handicapé est plus « efficace » qu’une personne valide, et ne coûte pas plus cher à l’entreprise ? Ou qu’une femme avec de nombreux enfants sera aussi disponible qu’une célibataire ? C’est se foutre du monde, et en l’occurrence de moi qui, comme tout le monde, ai suivi avec attention les déboires professionnels de Lynette Scavo dans « Desperate Housewives ».
Donc ces critères qu’on présente comme la « diversité », sont en fait pour la plupart des critères qui font l’objet de discriminations, et justement, s’il y a des lois sur les discriminations, c’est bien parce que les patrons auraient tendance à discriminer sur ces critères s’ils n’étaient pas tenus par ces lois. Ca n’a strictement aucun rapport avec tous les avantages qu’on nous fait miroiter pour nos entreprises.
Autre exemple de langue de bois sur ce site. Je vais à la page « des actions concrètes » (5), dans l’espoir de trouver une démonstration de la relation de cause à effet présentée dans le premier paragraphe du « texte d’engagement ». En vain. Mais par contre, je découvre de drôles d’« actions concrètes » en faveur… de candidats ou d’étudiants « issus de la diversité ». Celle-ci, par exemple : « Une entreprise qui n’a pas de besoin de recrutement peut être attentive à réserver ses stages en priorité à des étudiants issus de la diversité et à nouer des contacts avec des établissements universitaires situés en zones sensibles. »
Alors là, je ne comprends pas :
1. Si je « réserve » des stages « en priorité à des étudiants issus de la diversité », c’est donc que d’autres étudiants sont moins prioritaires. Il s’agit alors d’une discrimination, et pourtant le « texte d’engagement » engage ses signataires à « respecter et promouvoir l’application du principe de non-discrimination » ! Il faudrait savoir. (Et en plus c’est inutile de le mettre le verbe « respecter » dans le texte, puisque la discrimination à l’embauche ou au travail est punie par la loi.)
2. S’il y a des « étudiants issus de la diversité » que je peux « favoriser », c’est donc qu’il y a d’autres étudiants qui ne sont pas « issus de la diversité » (et que le site de Messieurs Bébéar et Sabeg m’invitent à discriminer allègrement malgré la loi). Comme j’ai une tête de linotte, je reviens donc à la définition donnée par le glossaire : « Diversité : Caractère de ce qui est varié, divers. Appliquée à l’entreprise, désigne la variété de profils humains qui peuvent exister en son sein (…) »
Donc ce serait comme dans le sketch de Coluche : il y a des Français plus égaux que d’autres, et des gens plus « issus de la diversité » que d’autres ? Il y aurait donc une hiérarchie des « profils humains » de la diversité, certains conférant à ceux qui les ont le statut de « issus de la diversité », tandis que les autres seraient des sortes de « sous-diversifié » ? Mais c’est du racisme pur et simple !
Evidemment, sémantiquement, nous sommes tous par définition « issus de la diversité » ! Donc la distinction d’étudiants ou de personnes qui seraient davantage « issus de la diversité » que d’autres de part leurs « profils humains », c’est tout simplement un exemple de cette novlangue hypocrite qui n’ose pas dire : des étudiants qui ne ressemblent pas à la majorité des Français sur des critères comme l’origine ethnique ou nationale ! Mais dire les choses ainsi, ce serait avouer qu’on invite tout simplement à faire de la ségrégation au faciès ou au patronyme.
J’arrête là. Ces quelques exemples suffisent à démontrer que ce site sur la « charte de la diversité » est donc un beau recueil de langue de bois qui tente de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les gens qui ont rédigé cela sont soit des intellos totalement déconnectés des réalités, soit des prétentieux qui prennent leurs lecteurs pour des imbéciles.
Il aurait été plus simple que Claude Bébéar et Yazid Sabeg nous disent tout simplement : patrons, ce serait sympa de votre part d’embaucher des jeunes issus de l’immigration ou habitant dans les « zones sensibles », parce que peu d’entreprises en veulent et du coup leur chômage massif risque d’aggraver les problèmes auxquels ils sont déjà confrontés. Point barre. Et alors là, les patrons pourront dire banco, parce qu’on ne les prend plus pour des imbéciles.
Mais si l’on continue à matraquer ce galimatias sur la « diversité », on ne fera que faire fuir les entrepreneurs qui se demanderont quels pièges cache ce mauvais jargon de bonimenteurs. C’est comme sur un marché : ceux qui ont intérêt à cacher leur mauvaise camelote sont obligés de l’habiller de publicité mensongère, tandis que ceux qui vendent réellement de belles oranges pas chères n’ont pas besoin de dire qu’elles sont belles et pas chères : ça se voit !
Djamila GERARD
(1) http://www.ripostelaique.com/Metissage-obligatoire-Touche-pas-a.html
(2) http://www.charte-diversite.com
(3) http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-texte-engagement.php
(4) http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-glossaire.php
(5) http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-actions-concretes.php

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