La politique d'immigration ne nous appartient plus

Que restera-t-il de la politique migratoire de la France après le traité de Lisbonne ? La France est depuis longtemps une terre d’asile politique, territorial et économique. Au cours du 20ème siècle une terre de migration économique qui répondait surtout aux besoins du marché du travail. Quand elle avait besoin de travailleurs elle le faisait savoir, les accueillait et régularisait leur situation. A certaines périodes elle régularisait même massivement, ce qui ne l’a pas empêché de renvoyer des migrants dans leur pays quand elle n’en avait plus besoin. Ainsi les Polonais en ont-ils fait l’amère expérience. Mais de nombreux émigrés sont restés, se sont intégrés puis assimilés, tels les Russes. Eux-mêmes et leurs descendants sont devenus français. Quand un travailleur arrivait, il était normal qu’il ait une vie familiale, et le regroupement familial de la sorte a toujours existé.
Il s’est considérablement accru avec les gouvernements socialistes en particulier celui de P.Mauroy, pour des raisons politiques. On se rappellera quand même que certains sont restés lucides, comme M. Rocard, sur « l’impossibilité pour la France d’accueillir toute la misère du monde ». C’est pourtant ce qu’a voulu faire l’Union européenne pour les pays membres en supprimant toute compétence aux états en matière migratoire. Le traité de Lisbonne venant verrouiller complètement et définitivement la situation. Aucun Etat n’a plus d’autre possibilité d’action que de moduler les volumes d’entrée, autrement dit pratiquer des contingentements mais… sans le dire. Cette situation a cependant soulevé des mises en garde, dont la moindre n’est pas celle de J. Barrot peu avant son départ de la commission, tant il est vrai que l’Europe ne maitrise pas l’immigration.
Avec l’avènement de l’Union européenne, le tableau s’est radicalement transformé. L’immigration est devenue massive. Le regroupement familial s’est modifié aussi. Sous le gouvernement Mauroy, il était la première cause des migrations il n’est aujourd’hui que la deuxième après les mariages mixtes. Malgré la loi compétences et talents, il n’est plus question de migrations de travail (il n’y en a plus) mais d’avantages pour les migrants. En particulier de n’être plus obligé d’avoir un contrat de travail mais d’entrer seulement « pour chercher un emploi » et d’obtenir des avantages sociaux. La loi « compétences et talents » n’a pas tenu ses promesses, et la situation est devenue très ambigüe. Il n’y a plus aucun moyen de contrôler les entrées sur un marché du travail alimenté par des regroupements familiaux qui dépendent des traditions des pays d’où viennent les migrants. L’immigration dans l’Union augmente, tandis que la compétence et la maitrise des Etats sur celle-ci diminuent

On pouvait imaginer que le « non » français (et hollandais) au traité constitutionnel de 2005 allait nous libérer des contraintes européennes, mais le plat nous a été repassé sous un autre nom (traité de Lisbonne). Nous vivons aujourd’hui une période intermédiaire où la règle au conseil des ministres n’est plus l’unanimité des Etats mais le principe de codécision dont la règle est celle de la majorité qualifiée. Cette procédure de vote est employée par le Conseil de l’Union européenne pour la plupart de ses décisions, et elle le sera bientôt pour toutes.
L’Union comporte 490 millions d’habitants. Le vote de chaque Etat est pondéré selon une valeur fixe, fondée sur la taille de sa population. La majorité qualifiée est de 255 voix sur un total de 345 voix. Chaque décision prise à la majorité qualifiée doit obtenir un minimum de 73,9% des votes pour être adoptée. Quel est le poids de chaque état (autrement dit la population et le nombre de voix au vote) ? France 64,1 Millions et 29 voix, Allemagne 82,4 et 29, Royaume uni 59,6 et 29, Italie 58,0 et 29, Espagne 44,0 et 27, Pologne 38,6 et 27, Roumanie 22,2 et 14, Pays-Bas 15,8 et 13, Grèce 10,6 et 12, République tchèque10,3 et 12, Belgique10,2 et 12, Hongrie10,0 et 12, Portugal 9,9 et 12, Suède 8,9 et 10, Autriche 8,1 et 10, Bulgarie7,7 et 10, Slovaquie 5,4 et 7, Danemark 5,3 et 7, Finlande 5,2 et 7, Irlande 3,7 et 7, Lituanie 3,7 et 7, Lettonie 2,4 et 4, Slovénie 2,0 et 4, Estonie1,4 et 4, Chypre 0,8 et 4, Luxembourg 0,4 et 4, Malte 0,4 et 3.
Au Conseil de l’UE toute décision doit être approuvée par une majorité (pouvant atteindre les deux tiers) des États membres et tout État membre peut demander si le nombre de votes favorables représente au moins 62 % de la population totale de l’Union. Il faut noter que depuis le 1er janvier 2007, le Parlement européen comprend 785 membres représentant les 27 États, mais que le traité de Lisbonne restreindra ce nombre à 750 (751 avec le président du Parlement). Comme il n’est pas entré en vigueur à temps pour les élections européennes de 2009, il n’atteindra ce nombre qu’en 2014. Jusqu’en 2014 même si on ne vote plus à l’unanimité il faudra un accord entre les Etats,. A partir de 2014 les votes seront à la double majorité 55% des Etats et 65% de la population.
Les projets déjà en cours, le pacte européen, l’abolition des frontières, la surveillance des frontières extérieures surtout par les pays frontaliers et l’agence Frontex, la « jeunesse » du traité de Lisbonne font qu’aujourd’hui le système de codécision fonctionne encore mal, même si la règle de l’unanimité ne prévaut plus. Les Etats n’ont que le pouvoir de fixer des contingents d’immigrés, selon leurs besoins. Alors que le principe de subsidiarité stipulait que l’Union ne s’occupait que de ce que les états ne pouvaient pas faire, aujourd’hui c’est le contraire l’immigration dépend entièrement des décisions de l’Union. La loi compétences et talents est un « copier-coller » des directives européennes. La prochaine loi promise pour l’automne le sera aussi.
L’Union européenne repose sur 3 piliers Le premier celui des communautés européennes pilier de la supranationalité qui rassemble à peu près tout, le deuxième la PESC (politique extérieure et de sécurité commune) le troisième celui de la CPJP (coopération policière et judiciaire en matière pénale. La politique d’immigration est aujourd’hui dans le premier pilier. Elle est de l’ordre de la supranationalité. La marge de manœuvre des États deviendra de plus en plus étroite. Cependant encore aujourd’hui, si deux pays s’associent pour (ou contre) une décision, il faudra que les opposants trouvent une majorité qualifiée. Ce que les Européistes résument par l’aphorisme majorité qualifiée, majorité renforcée.
Comment fonctionne le processus de codécision ? Il y a deux lectures d’un texte, comme l’explique très bien Michèle Tribalat dans son livre*. Au cours de la première on cherche un accord entre conseil et parlement. Si on ne l’obtient pas on passe à une deuxième lecture. Le conseil des ministres aura plus de poids pour faire passer un vote. Le parlement ne peut proposer que des amendements, tandis que le conseil peut aller plus loin que des positions antérieures qu’il a prises. Si au cours du 2ème vote l’un des deux votes est négatif et obtient la majorité simple, toute la procédure est arrêtée et le texte est mis « au placard ». Le parlement et le conseil se surveillent mutuellement en quelque sorte. Le conseil des ministres a des moyens de pression. Il vote à la majorité qualifiée, le parlement, lui, souhaite des décisions les plus larges possibles et vote à la majorité simple. La 2ème lecture est un moment crucial pour faire passer un texte. La première lecture peut durer des années pendant lesquelles on négocie en coulisses, et en toute opacité. Si le parlement ne va pas jusqu’ ‘à la 2ème lecture, la confrontation n’est est en faveur des états qui gardent la main. Les décisions européennes restent donc encore de la responsabilité des états. Si tous les états (en matière d’immigration l’hypothèse est plausible) prennent une décision commune, elle ne pourra pas être contournée. Cependant il y a une perte de souveraineté des Etats, pas encore tout à fait complète, même s’il y a des marges de manœuvre, qui restent limitées.
Mais en fin de parcours d’un texte, l’autorité juridique (CEDH et Cour européenne de justice) peut forcer les Etats à appliquer des décisions contraires à leur législation, par exemple s’ils ont adopté une politique migratoire de maitrise et restrictive. La convention européenne des droits de l’homme a obligé de nombreux Etats dont la France à limiter la portée de leur politique migratoire. Cette notion des droits de l’Homme va au delà des droits du citoyen, dont l’Etat est garant, et permet à de nombreux étrangers de revendiquer des droits sur le territoire, en plus du droit d’asile, que l’Etat est obligé d’accepter. Les Islamistes ont enfourché ce cheval et le font galoper toujours plus vite. Les droits de l’Homme sont aujourd’hui extensifs, et vont à l’encontre des intérêts des nationaux.
La politiqué migratoire a été déviée de son cours normal vers des intérêts nationaux, au profit des droits pour les étrangers, qui sont d’ordre international, ou mondialiste et non plus national. Le pouvoir politique, quoi qu’il explique, a perdu la maitrise de sa politique migratoire, par l’intrusion dans le judiciaire français, du judiciaire européen, et de l’intégration européenne, avec ses abandons de souveraineté. C’est sa perte de pouvoir qui a fait perdre au pouvoir toute ambition pour son pays, et partant tout crédit auprès des citoyens. La politique migratoire échappe en particulier à la responsabilité politique et à tout contrôle démocratique par le peuple qui n’a pratiquement jamais été consulté dans ces occasions. Les Français ont-ils besoin d’immigration ? Ont-ils envie d’immigration ? L’immigration choisie empêche t’elle l’immigration subie ? La grande peur est qu’ils répondent « non » à ces trois questions.
La politique européenne a ainsi supprimé peu à peu l’autorité des états (consentants) sur leur politique d’immigration. Cette politique s’inspire d’une politique mondialiste prônée naguère par l’ONU, une politique « d’immigration de peuplement » un « remplissage passif par un peuplement massif ». Le mondialisme a dépossédé la France.
L’immigration disent les mondialistes est mondiale, inévitable, elle est un afflux de richesse et de sang neuf, une force de travail, de la croissance en puissance, bref un bienfait qu’il ne faut pas manquer. Le Mondialisme aujourd’hui est américain. En outre elle coûtera moins cher, pense t’on à Bruxelles, qu’une politique familiale, dans ces vieux pays de l’Union qui menacent d’imploser sur le plan démographique ! L’union européenne derechef ouvre ses portes aux USA. Le métissage dans ce cadre de pensée, est non seulement souhaité, mais invoqué et provoqué. La société doit être multi ethnique et multiculturelle ! Ce discours est aussi tenu par bien des élites en place dans nos Etats. Et puisque l’immigration est inévitable, que ces mystères nous dépassent feignons de les organiser (Montherlant). Vive le métissage à bas les Etats-nations !
Jack Petroussenko
* Les yeux grand fermés Ed. Denoël 2010