Le petit chœur sans cœur

Quand je lis les arguments des uns et des autres sur l’affaire du gîte des Vosges, je repense à cette réplique cinglante de Valérie Giscard d’Estaing en 1974 lors du débat traditionnel entre les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle : « Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur. »

Cette phrase m’avait alors profondément blessé, et pas seulement du fait que je soutenais activement le candidat socialiste.

Le « cœur », pour moi, c’était… comment dire ? Je n’ai pas de diplôme d’ultra-philosophisme, alors je me contenterai de donner comme définition quelques notions qui me viennent à l’esprit : altruisme, don de soi, aide aux plus faibles, amour du prochain, humanisme, générosité, philanthropie, justice, etc.

Toutes ces notions m’avaient d’ailleurs été enseignées dès mon plus jeune âge et à bonne école, soit par des camarades ultra-socialististes, soit par des curés ultra-catholicistes. (Je mets le préfixe « ultra » et le suffixe « isme » pour pas être accusé de quoi que ce soit, on ne sait jamais…) Il m’a fallu bien du temps pour comprendre pourquoi mes camarades détestaient mes curés, et inversement, alors que finalement ils avaient le même « cœur » et qu’ils prêchaient tous les quelques notions que j’ai énumérées. En 1974, je n’avais pas encore rien compris à la politique (je veux dire : à l’ultra-politisme) et je me suis rangé à l’ultra-mitterrandisme, puisque qu’en pays laïque, les curés font rarement de la politique. Je n’avais donc guère le choix que d’être « de gauche ».

Puis quand je suis devenu plus adulte, j’ai enfin compris qu’effectivement, personne n’a « le monopole du cœur » ni à droite ni à gauche, et que les utra-politistes pullulent des deux côtés. Mais j’ai gardé mon cœur à gauche puisque cela fait partie de ma culture, de ma tradition et de mon identité.

Quel rapport avec les débats « de gauche » sur l’affaire du gîte des Vosges ? Chacun a pu donner ses arguments ici et là, pour ou contre. Je n’en ajoute pas, Mais j’ai tout de même remarqué deux détails chez ceux qui se prétendent de gauche, laïques et républicains et qui contestent les arguments développés sur Riposte Laïques ou sur les sites féministes : ils causent comme les islamogauchistes, et leur humanisme brille par son absence.

Je ne parle pas bien sûr du grand chœur islamogauchiste, Mrap et LDH, relayé largement par les médias, et auquel s’était jointe bizarrement la Licra sur ce coup. C’est sans doute la seule fausse note de cette philharmonie bien rôdée.

Je parle d’un petit chœur, qui nous explique bien sûr qu’il ne faut pas chanter avec les islamogauchistes, mais qu’il ne faut pas non plus défendre Fanny Truchelut. Après avoir écarté les fausses citations, les inexactitudes et le verbiage de leurs articles aussi longs et tordus qu’un discours de Fidel Castro, j’ai réussi à dégager les trois raisons principales de leur non-soutien, voire de leur hostilité à Fanny Truchelut et à ses amis.

– La première, c’est que Fanny a été condamné « justement ». Le légalisme du petit chœur est bien curieux, car il il est à géométrie variable sur d’autres sujets comme par exemple les sans-papiers ou sans-logis. Rappelons-lui aussi le « manifeste des 343 salopes » qui défendaient en 1971 le droit à l’avortement, alors légalement interdit… puis autorité plus tard. (Sous un gouvernement ultra-giscadiste, soit dit en passant.)

– La seconde raison avancée, c’est que Fanny a pris un avocat qui défend également le MPF (auquel il appartient) et Philippe de Villiers. L’intéressé, Maître Varaut, s’en est expliqué et d’ailleurs sa plaidoirie ne fut pas politique, contrairement à celle de ses adversaires. Les ultra-juridistes expliqueront mieux que moi pourquoi, en droit français, un avocat n’est pas personnellement assimilable à la cause de ses clients. Mais quelques contre-exemples montrent que l’angle d’attaque des adversaires de Fanny est assez risible. Par exemple, va-t-on dire de la famille d’Ilan Halimi qu’elle serait chiraquienne (ou ultra-chiraquiste) et opposée aux caricatures de Mahomet parce qu’elle a le même avocat que la famille Chirac et que la Mosquée de Paris ? Va-t-on amalgamer Omar Raddad avec le F.L.N. et Klaus Barbie parce qu’ils ont eu le même défenseur dans les prétoires ?

– Comme troisième argument, le petit chœur glisse subtilement de la « discrimination » anti-voile et de l’« ultra-laïciste » qu’ils reprochent à Fanny, au racisme « anti-musulman » puis « anti-arabe », en passant par d’étranges « formes mutantes ». (Heureusement que le gouvernement Sarkozy préconise un moratoire sur les OGM !) Le même chœur condamnait, il y a encore peu de temps, l’amalgame fait par Mouloud Aounit entre « islamophobie » et « arabophobie ». Le petit chœur rejoint donc parfaitement les positions du Mrap et de son avocat, déclarant sur France 3 Lorraine que le cas de Fanny Truchelut relevait du « racisme anti-maghrébin » (sic !) Le tribunal d’Epinal n’est pas allé aussi loin dans son jugement ; il s’est arrêté à la « discrimination religieuse », et n’a pas suivi le Mrap et consorts dans son délire assimilant religion et race. Mais le petit chœur, lui, n’hésite pas à enfoncer le clou et devenir une « forme mutante » d’islamogauchisme. Voilà un coup de pouce inespéré pour Mouloud Aounit !

On peut donc constater que les trois raisons avancées par le petit chœur correspondent exactement aux trois arguments des accusateurs ultra-droitsdelhommistes et islamiques au procès ! Etrange pour des gens qui disent combattre la « dérive » du Mrap et de la LDH…

Passons au second détail que j’ai remarqué. (Oh ! je viens de parler de « détail » ! Je vais encore avoir droit à un procès un sorcellerie pour un mot utilisé par Le Pen !)

Les rédacteurs de Riposte Laïque ont expliqué mieux que moi que ces attaques contre Fanny ou contre celles et ceux qui la soutiennent et la défendent sont de véritables coups de poignards à l’encontre de Fanny qui est, rappelons-le, la victime dans cette affaire : elle en perdu son outil de travail et sa santé, elle a été salie et insultée par tous les grands médias, elle est ruinée, etc. Les bonnes âmes « de gauche » du petit chœur n’en ont cure.

Mais en plus, après avoir bien lu tous les articles du petit chœur qui sur ce coup joue la même partition que la chorale du Mrap et de la LDH, je n’y ai pas trouvé une once de compassion envers Fanny, pas une goutte d’humanité, pas un zeste de solidarité, pas un chouia d’altruisme ou de générosité. Rien, que dalle, nada. Fanny n’est qu’un objet de débat pour eux.

Bref, le petit chœur n’a certainement pas le « monopole du cœur ». Tout au contraire, il s’est montré sans aucun « cœur » dans cette affaire, et finalement en parfaite harmonie avec les islamogauchistes. Alors ses grandes phrases et ses longs discours pour se justifier laborieusement montrent tout simplement la distance de ces « féministes-philosophes-laïcs » autoproclamés d’avec ceux qui, à Riposte Laïque ou ailleurs (par exemple sur les blogs réellement féministes), ont d’abord réagi parce que leur « cœur » rejoignait tout simplement leur bon sens « de gauche ». Ils n’ont pas fait que réagir : ils ont aussi agi, en allant jusqu’à Epinal participer ou assister au procès.

Merci Fanny, merci Maître Varaut, merci les féministes, merci Riposte Laïque, merci à tous les « esprits libres ». Vous m’avez donné une belle leçon de cœur, et vous m’avez aidé à mieux comprendre le fonctionnement du petit chœur sans cœur, qui n’a plus rien à envier à son aîné, le grand chœur de la bien-pensance « de gauche ».

Heureusement, le petit chœur qui hurle avec les loups médiatiques et islamogauchistes ne représente pas une grande menace numérique, si j’en juge par leurs publications répétitives et les réactions de lecteurs. C’est une autre leçon de l’affaire du gîte des Vosges : à force de « oui mais » et de « ni ni » et maintenant de « ni ni ni » (ce qu’on pourrait appeler l’« ultra-nininisme »), le petit chœur des ultra-laïcophobistes finit par se réduire comme peau de chagrin.

Roger Heurtebise

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