Le système peut dire merci à ceux qui ont cassé, depuis 40 ans, toute autorité républicaine

Une petite semaine de vacances a fait du bien à tout le monde… Quoi de neuf ? Rien de bien intéressant ni d’important : toutes les conversations tournent autour de l’élection américaine. Certains cherchent à nous convaincre que si c’est Obama, que tout le monde donne gagnant (qui jurera sur la Bible le jour de son intronisation et qui risque bien de défendre les communautarismes), la face du monde en sera changée ; beaucoup dénoncent le tandem Mac Cain–Palin, porte ouverte aux créationnistes et aux ligues anti-avortement… et nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que l’un ou l’autre, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, et qu’ils ne voudront qu’une chose, c’est conserver la place hégémonique de l’impérialisme américain.
Pendant ce temps, la bataille continue à faire rage pour savoir si ce sera Martine, Bertrand ou Ségolène qui va diriger le Parti socialiste. Mais à part les caciques de la rue de Solférino, tout le monde s’en moque. A Riposte Laïque, on sait déjà que le futur secrétaire du Parti socialiste ne sera pas un laïque. (1)

Il y a quinze jours, avant de nous octroyer notre semaine de vacances, nous n’avions ménagé ni les siffleurs de la Marseillaise, ni la gauche compassionnelle qui demandait presque pardon aux siffleurs ! Bien évidemment, cela nous a valu de nombreux compliments, et les injures habituelles, qui font dorénavant partie de notre lot hebdomadaire (lire le courrier des lecteurs).
Pourtant, au-delà de cet événement, dont rien ne doit masquer la gravité, il convient, à travers quelques anecdotes, de réfléchir à la perte de tous les symboles qui, depuis l’histoire de la République, marquaient son autorité. Cela fait quarante ans que ça dure. Une élite arrogante, prétentieuse, qui est passée du gauchisme des années 68 au libéralisme sauvage des années 80-90, a craché sa haine sur tout symbole d’autorité.
En 1968, ils criaient « Jouissez sans entrave » ; depuis les années 1980, c’est “vive l’argent roi.”
En 1968, ils criaient « Ne perdez pas votre vie à la gagner » ; depuis les années 1980, ils chantent les louanges de l’indispensable crise et du chômage de masse.
En 1968, ils criaient « Vive l’internationalisme prolétarien » ; depuis les années 1980, ils organisent les délocalisations, et défendent une immigration incontrôlée.
En 1968, ils criaient « CRS = SS » ; depuis les années 1980, ils continuent à lepéniser systématiquement la police républicaine de ce pays, et voient dans les incendiaires d’écoles les futurs révolutionnaires des banlieues.
En 1968, ils criaient « A bas l’école des flics et des patrons » ; depuis les années 1980, ils ont cassé toute autorité des enseignants, sans doute agents des flics et des patrons !
Il y aurait un livre à écrire sur cette inversion des valeurs, notamment à l’école, que notre ami Empedoclates commence à aborder, dans un article où il exprime son indignation devant un double fait divers (2). Un enseignant se voit accusé, sur le seul témoignage de l’élève, de lui avoir donné un coup de poing. Dès le soir, il est placé en garde à vue. Il se suicidera quelques jours après, avant d’avoir appris que l’élève avait enfin avoué avoir menti.
Une enseignante, en pleine école, se fait frapper par une mère d’élève, qui, 48 heures après les faits, n’avait toujours pas été interrogée.
Qui n’entend, chaque jour, des témoignages de détresse de ces même enseignants, à qui des pédagogues irresponsables ont retiré tout pouvoir, au nom du culte de l’enfant roi, de l’enfant au cœur de son apprentissage, et de l’omniprésence des parents à l’école ? Qu’il y ait ça et là quelques rares incapables qui ne devraient pas exercer cette profession est une évidence. Mais il faut arrêter de tirer sur le pianiste. Cela n’éclaire pas tout, loin de là !
Comment expliquer que de nombreux cours se produisent au milieu du brouhaha d’une fraction d’élèves qui, certains de leur impunité, peuvent tranquillement narguer le professeur, voire l’humilier ? Les élèves ont compris que le rapport de forces est en leur faveur. Ils ont compris que la hiérarchie est de leur côté, et qu’elle ne soutiendra pas les enseignants malmenés, pour ne pas faire de vagues. Ils ont compris qu’en cas de problème, c’est l’enseignant qui aura des ennuis. Ils ont compris qu’on pouvait insulter un adulte, professeur de surcroît, sans risque de recevoir la claque que mérite l’injure. Cette sanction, qui ferait parfois le plus grand bien, que l’Union européenne veut interdire, nous rappelle la gifle que le candidat Bayrou avait donnée à un gamin de douze ans qui osait lui faire les poches. L’ineffable Daniel Cohn-Bendit, caricature de cette bobocratie de gauche qui a contribué à briser cette école de la République, a osé qualifier Bayrou de réactionnaire fascisant, et a naturellement pris la défense du petit trésor !
Dans le même esprit, de nombreux inspecteurs conseillent, jusqu’à la caricature, de ne pas lever la voix sur un élève : cela risquerait de le traumatiser ! D’autres reprochent à un enseignant, lors d’un contrôle, d’avoir repris un élève qui avait dit une énormité : le petit chéri voulait participer ! Plus encore : faire remarquer à l’élève, avec force pédagogie, que ce qu’il énonce est faux, c’est exercer une violence à son encontre ! (Faits authentiques, transmis par des enseignants amis).
Bien évidemment, l’école de la République n’est plus capable, avec ces principes, d’assurer le rôle d’ascenseur social qu’elle a exercé, tout au long des trente Glorieuses. Aujourd’hui, moins nombreux sont les fils d’origine modeste qui s’en sortent grâce aux études qu’il y a deux générations. Le système s’en moque : les fils de famille vont apprendre dans les écoles privées. Peu importe aux énarques de droite comme de gauche que 80 % de bacheliers aient subi, à l’école publique, un enseignement qui ne leur offrira guère de débouchés professionnels à la hauteur de leur attente : leurs enfants étudient ailleurs. Les pédagogistes et les gauchistes, en cassant l’école publique, en méprisant la transmission des savoirs, en brisant l’autorité des enseignants, ont servi sur un plateau aux libéraux la possibilité de privatiser toute une partie de l’enseignement, et de laisser les plus démunis dans une école publique que beaucoup cherchent à fuir. Dans certaines villes, on ne peut plus apprendre !
Et que dire du sort réservé aux policiers ? Certes, parfois, on les déteste, et à juste titre, pour une amende mesquine. Mais eux aussi, comme les enseignants, sont un pilier essentiel de la République. Dans quel pays leur tire-t-on dessus à balles réelles, sans qu’ils ne puissent répliquer ? Dans quel pays garde-t-on systématiquement à vue un policier qui a fait usage de son arme, même quand il a sauvé la vie d’une personne en danger ? A-t-on oublié le traitement subi par ce courageux fonctionnaire qui, en tirant sur un groupe de supporters racistes du Paris-Saint-Germain en train de tabasser des supporters juifs, a sauvé la vie de l’un d’entre eux ? Quand des délinquants volent une voiture, et forcent un barrage, c’est toujours le policier qui fait figure de salaud ! Des sociologues racontent même que s’il y a des violences dans les quartiers, c’est à cause d’eux, et que s’ils restaient dans leur commissariat, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Comment les gouvernements, de droite comme de gauche, ont-ils pu abandonner ainsi ceux qui, bien souvent, sont les derniers remparts contre la loi de la voyoucratie ?
Perte de l’autorité ? Même au football, elle dépasse la simple question de la Marseillaise sifflée. Il est de bon ton, chez les bien-pensants, de stigmatiser le racisme : qu’un seul supporter, à Metz, tienne des propos inacceptables, et c’est tout le club, y compris le sport en question, qui est sali par la bien-pensance médiatique. C’est forcé : le football est un sport populaire, et le peuple est raciste, c’est bien connu ! Autre preuve : quand des supporters du PSG osent déployer une banderole «Pédophiles, consanguins, chômeurs, bienvenue chez les chtis», c’est le lynchage, et le club est sévèrement sanctionné. Mais quand une tribune entière crie «Arbitre enculé», ou bien «Arbitre salaud, le peuple aura ta peau», aucun article dans la presse, aucune sanction. Après tout, l’arbitre, comme le flic, comme l’enseignant, incarne l’autorité, voire la répression. Il est donc progressiste de le laisser se faire insulter !
Et nos fonctionnaires ? Deux exemples sont tristement révélateurs de l’intimidation qu’ils subissent de la part de leur gouvernement et de leur hiérarchie. Ainsi, sur le site « Médias Libres », Djamila Gérard (3) nous raconte cette anecdote stupéfiante : une fonctionnaire de la Mairie de Paris, qui a fait son travail en signalant la démarche d’une femme qui n’était pas en situation régulière, se voit victime d’un véritable procès en sorcellerie, lynchée par Bertrand Delanoë et par la Licra. Comment oublier ce fonctionnaire de police qui, pour s’être soucié de savoir, auprès de la Région Rhône-Alpes, s’il y avait des demandes de dérogations spécifiques pendant une fête religieuse, a vu la coalition de l’UMPS, Alliot-Marie et Queyranne, lui tomber dessus à bras raccourcis ? (4)
Après tout, Attali et les patrons ne veulent-ils pas davantage d’immigration, alors que la crise crée une angoisse légitime chez nombre de salariés du privé ? Mais le RESF, les groupes gauchistes et certains employeurs continuent à réclamer des régularisations massives de sans-papiers. Il est logique, donc, que les fonctionnaires soient priés de regarder ailleurs, puisque tout cela fait le jeu du système.
Combien d’exemples de cette nature qui montrent que le pouvoir, de droite ou de gauche, s’est engouffré totalement dans l’inversion des valeurs ! Combien de fonctionnaires dont le courage et le dévouement professionnels rappellent les derniers vrais hussards de la République ! Qu’ils officient dans la police, l’école, les municipalités, les conseils généraux ou régionaux, ne sont-ils pas empêchés de bien faire leur travail par des gouvernements ayant choisi depuis longtemps de miser sur le communautarisme contre la République une et indivisible, sur l’islam contre l’intégration, sur l’immigration contre le plein emploi (4), sur l’enfant roi – c’est-à-dire l’enfant tyran – contre l’éducation parentale et l’autorité de l’enseignant, sur le discours compassionnel à l’égard des voyous, contre l’autorité de la police, etc.
Cela ne peut qu’engendrer une société de désordre, où la loi de la jungle l’emporte sur les lois de la République – qui sont les seules à pouvoir protèger les faibles contre les forts. Le système capitaliste, qui avait besoin de casser toute notion de régulation, ne dira jamais assez merci aux gauchistes et aux compassionnels droits-de-l’hommistes qui ont contribué, par des discours irresponsables assénés depuis quarante ans, à saper les édifices républicains, pour le plus grand bonheur d’une idéologie libérale-libertaire dont l’oeuvre quotidienne est le désastre auquel nous sommes aujourd’hui confrontés.
A tous ses idiots utiles le capitalisme reconnaissant peut dire merci.
(1) http://www.ripostelaique.com/Bertrand-Martine-ou-Segolene-le.html
(2) http://www.ripostelaique.com/Mort-d-un-enseignant-chronique-de.html
(3) http://www.mediaslibres.com/tribune/index.php/2008/11/03/759-la-licra-et-le-maire-de-paris-franchissent-la-ligne-rouge-du-maccarthysme
(4) http://www.laic.fr/albaredes/HUMEUR%20%20fichage.pdf
(5) http://luette.free.fr/spip/spip.php?article213

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