Lettre à René Galinier : comme moi vous êtes devenu un paria de la République

Cher Monsieur Galinier,
Sans doute ne me connaissez-vous pas, mon nom vous dit peut-être quelque chose, mais pas certaine.
Marie-Neige Sardin, libraire sur la commune du Bourget en Seine-Saint-Denis depuis trente-deux ans, victime de 25 agressions en tout genre, dont deux crimes, des agresseurs connus, reconnus et libres, une garde à vue de 24 heures pour avoir usité l’expression “arrêtez de faire la bamboula” à l’encontre d’une voisine qui durant trois nuits consécutives, empêchait tous les occupants d’ un immeuble de dormir.
Le décor est érigé, les lumières sont en bleu-blanc-rouge, la musique est marseillaise, nous sommes au pays des libertés… pourtant, vous et moi, sommes devenus en quelques secondes, des parias de la République, jetés en prison.
Certes, nos cellules ne se ressemblent pas, car par chance, j’ai les clés de mon bunker.
Je vis dans ma boutique, cloîtrée, n’accordant plus ma confiance, qu’au peuple mais surtout pas aux institutions, que l’on nomme, Police et Justice.
Lors de ma garde à vue, j’étais vulnérable, puisqu’en grève de la faim; comme vous l’êtes aussi, puisque malade. Malgré cela, c’est en enfer que l’on nous a plongés; nous n’avons droit à rien et surtout pas d’ exprimer notre colère, notre fatigue, notre sentiment d’injustice, notre blessure profonde et sans doute la plus grave à mes yeux, une haute trahison de la part de la nation. Sentiment qui doit être encore plus fulgurant pour vous, qui êtes un ancien combattant d’Algérie.
Privés de nos libertés, seules nos pensées sont libres et j’ imagine les vôtres sans trop de mal.
Comment le pays pour lequel j’ai combattu, peut- il me faire cela, il doit y avoir un malentendu. Je dormais, me reposais, ne pensais pas à faire du mal, n’avais aucune préméditation de rien, j’aspirais à la sérénité et au calme, je ne rêvais pas d’un tel scénario… pourtant en quelques secondes, la violence va débouler avec sa cohorte de peurs, de stress, de paniques, décuplés par ce puissant instinct de protection que nous avons tous, au fond de nous et que j’appelle moi, mon instinct de survie. Il se met en place dès que notre intégrité physique se sent menacée; j’avoue que j’aimerai voir à l’oeuvre, les donneurs de leçons; que feraient-ils eux? Auraient-ils la maîtrise parfaite de leurs gestes, de leurs raisonnements? j’en doute fort.

J’ai beaucoup lu et entendu sur votre emprisonnement, il m’attriste profondément sur le plan humain.
Vous n’avez rien demandé à la vie, deux jeunes délinquantes décident de venir vous voler, se sachant en toute impunité sur notre territoire. Un super avantage tout de même; je vais même dire, un sacré pouvoir, car pour parvenir à leur fin, elles, elles pouvaient TOUT vous faire, elles ne risquaient strictement rien, pire, cet ajustement du code pénal, elles le connaissent et le reconnaissent comme un droit, celui de se servir dans vos biens en toute impunité. La preuve aujourd’hui, à l’heure où je vous écris, elles ne seront pas poursuivies pour leur délit, par la justice française.
Votre désarroi doit être immense, séparé ainsi brusquement de vos proches, humilié, bafoué dans votre honneur et votre dignité d’homme, piétiné par des juges , des procureurs , des avocats qui voient en vous un perturbateur de l’ordre public. Notre patrie est en danger, car nos valeurs, les vôtres, les miennes, n’ont plus cours en sol de France.
Les victimes sont des coupables sur lesquelles les institutions s’acharnent car nous osons exprimer nos craintes, notre ras le bol, notre insécurité, notre rappel à la loi.
Pour croire en la justice, il est vivement déconseillé d’être victime, en innocentant ces jeunes des délits qu ils commettent, elles les confortent tous dans leur certitude”je suis un intouchable, tout m’est permis” et leur violence va aller crescendo; Tous les échelons de ces institutions jouent un rôle dans cette escalade, celui du “no limite”; l’état est responsable, ils nous doivent protection et sécurité , ils se sont tous engagés en prêtant serment devant nos pères.
Aussi, je vous en prie, ne vous découragez pas, ne baissez pas les bras et encore moins la tête, ne vous sentez pas coupable; embarrassé certainement, car l’on ne tire pas sur autrui ainsi, sans ne rien ressentir; mais n’oubliez jamais, au plus profond de votre être, que cette situation ne correspond pas à votre choix, mais au leur. Elles ont joué et perdu gros, leur santé, ce qui est de leur seule responsabilité. Le destin a placé sur leur chemin,une limite dramatique qui n’aurait sans doute jamais eu lieu si la justice et ses magistrats avaient fait leur devoir et pris au bon moment, les bonnes décisions.
– Oui Monsieur Galinier, nous heurtons les politiquements corrects qui se taisent;
– Oui Monsieur Galinier, nous incarnons les vraies valeurs de “liberté-égalité-fraternité”;
– Oui Monsieur Galinier, nous sommes des victimes emprisonnées, jugées, mises en pâture mais nous ne sommes en aucun cas coupables.
Le peuple de France vous le crie chaque jour un peu plus fort, ils finiront par l’entendre car la voie qu’ils ont empruntée pour mener le pays est désormais sans issue pour eux.
Citoyennement vôtre.
Marie-Neige Sardin

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