Mission parlementaire burqa : la déception Gisèle Halimi…

La scène se passe ce mardi 29 septembre, lors des auditions de la mission parlementaire sur le voile intégral retransmises en direct sur la chaine parlementaire. Le programme est alléchant : d’abord l’ « Association Ville et Banlieue de France », ensuite Gisèle Halimi et enfin André Rossinot, le maire de Nancy, auteur d’un rapport paru en 2006 sur « la laïcité dans les services publics ». Personne ne doutait que sur un tel sujet Gisèle Halimi, avec son talent, ses convictions, son histoire personnelle, allait surpasser en émotion, en rigueur, en éloquence, tous les invités.
– peut-on croire que ce sont les membres de « Choisir » qui l’ont freinée ?
Alors comment expliquer qu’elle ait « déçu », qu’elle ait « manqué de combativité » que ses propositions aient été jugées « faiblardes et fuyantes » ? Ces qualificatifs ne sont pas de moi mais de plusieurs des membres de la mission. Ils ont exprimé cela comme à regret, avec une sorte d’amertume qui était à la hauteur de l’admiration qu’ils portent comme nous toutes à l’avocate du procès de Bobigny. La présidente de « Choisir », se limitant à la question du « voile intégral », sans jamais parler du voile tout court s’est retranchée derrière les débats qui ont eu lieu au sein de son association indiquant qu’il « n’y avait pas eu d’unanimité », tout en précisant qu’il y avait eu « convergence sur le sens du voile intégral en tant qu’atteinte à la dignité des femmes ».
Or pour une association féministe quoi de pire que l’atteinte à la dignité des femmes ? C’est ce que lui ont rétorqué les membres de la mission. Alors pourquoi cette préconisation d’ «une approche graduée avec une exigence de dialogue préalable », cette inquiétude vis-à-vis d’une « possible stigmatisation des 5 millions de musulmans » ? Pourquoi s’être arcboutée sur la soi-disant nécessité d’estimer de façon précise et indépendante le nombre de femmes portant la burqa, allant même jusqu’à proposer un moratoire tant que cette estimation ne serait pas disponible ? Comme si la question du nombre de burqas était centrale… Et pourquoi citer parmi les options possibles en tant que fondement à l’interdiction du voile intégral, les aspects sécuritaires, alors que ce n’est qu’un petit bout de la lorgnette ? Bien sûr elle s’est défendue en disant que ce choix n’avait pas sa préférence… mais on comprenait mal qu’une association féministe ait une telle idée.
Et pourtant il y eut un moment où quelque chose dans la posture qu’elle avait choisi d’adopter s’est coincé. C’est lorsqu’elle développa la question de l’atteinte à la dignité des femmes. « A ce titre, déclare-t-elle, on ne peut l’accepter ». Là-dessus, elle explique ce qu’elle a ressenti lorsqu’elle a vu une femme portant le voile intégral : « ça m’a fait un choc. Une femme avec le voile intégral c’est une femme inférieure et qui intériorise son infériorité, c’est une situation infâmante, c’est une prison ambulante. On lui refuse le droit au relationnel, le droit de percevoir le monde comme le font les hommes. L’enfermement est un phénomène qui provoque un enfermement intellectuel et psychologique » Ajoutant « on voit la burqa comme une forme d’apartheid sexuel. Il y a le monde des hommes libres et celui des femmes grillagées ». Et de citer Malraux à propos de ce que c’est que la dignité « c’est le contraire de l’humiliation ».
– Et puis est arrivé André Rossinot.
« Il ne faut pas céder sur ce sujet ! Toute démission serait un recul concret de l’espace public laïque. Nous sommes confrontés à une logique de surenchère qui interdit toute négociation ». Le ton était donné. D’un revers de phrase il gomme les états d’âme sur la question de savoir s’il l’on a affaire à un objet religieux ou non, si le problème est celui du voile intégral ou du voile tout court. Il tranche avec force, il s’agit de l’ « usage religieux » d’un outil destiné à « légitimer un ordre social autre que celui de la République ». Ajoutant « On ne négocie pas la République et la liberté ».
Dans son exposé, André Rossinot démonte les ressorts cachés d’une chaine qui conduit aux mariages forcés. « Le groupe des hommes et des femmes n’ont pas des droits équivalents(…) la femme n’a pas le droit d’exister comme personne. Et c’est là que la burqa et le voile se rejoignent (…). Et de souligner la gravité de l’atteinte aux valeurs de la société dans « l’espace public, un endroit ou justement l‘on doit se reconnaître ».
Répondant aux questions des parlementaires, André Rossinot se montre convaincu de la nécessité de bien réfléchir à la stratégie à adopter face à ce qu’il qualifie de stratégie des ennemis de la République, insistant sur l’analyse comparée au niveau européen ce « qui sera un moyen de porter le débat à ce niveau ».
Autre élément de réflexion intéressante son point de vue sur la question de l’espace public « Il y a une limite à la liberté individuelle, l’ordre public. L’espace public est un lieu que les maires connaissent bien. C’est le reflet de la vie en société, on est dans l’espace partagé, ce qui n’empêche pas la rigueur ».
La préoccupation dont il se fait l’écho en conclusion c’est celle de la clarté dans les décisions qui seront prises, à l’image de la loi sur l’école. Surtout éviter l’ambiguité.
L’Association Ville et Banlieue de France qui s’était exprimée avant lui à travers les témoignages de très grande qualité de plusieurs maires, n’avait pas dit autre chose : surtout ne laissez pas la patate chaude aux maires ! Ces interventions mériteraient à elles seules un article tant elles ont été riches d’enseignement, tant elles traduisent ce malaise profond, cette colère sourde qui monte des « territoires ». Il était d’ailleurs étonnant de constater que, au fur et à mesure des discussions avec la mission, la convergence des intervenants vers l’idée d’une loi se faisait plus grande.
Décidément, cette initiative parlementaire est la bienvenue. Bel exemple de démocratie parlementaire et participative.
Annie Sugier

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