On va prier sur la lune

La prière est le deuxième des cinq piliers de l’islam. Même après l’hégire – l’émigration (al-hijra) de Mohammad vers Médine -, l’orientation de la prière (qibla(1)) ne se faisait pas vers la Pierre Noire de La Mecque (la Ka’ba) mais vers Jérusalem. C’est lorsque Mohammad extermina, pour insoumission, les trois tribus juives de banou Qurayza, banou Nadîr, banou Qaynuqâ‘ qu’il établit l’orientation de la prière vers La Mecque. C’était il y a 1400 ans …
De nos jours les voyages aériens ont commencé à troubler les esprits sur l’orientation de la prière en plein vol. Le président Franklin Roosevelt, en 1945, fit cadeau au roi d’Arabie Ibn Saoud d’un avion Douglas DC-3 spécialement muni d’un trône mobile permettant à Sa Majesté d’être constamment en direction de la Mecque durant les heures de prière (2). Les avions récents indiquent sur les écrans individuels des passagers la direction de La Mecque sous forme d’une flèche qui suit le plan de vol.
Le problème s’est corsé avec les vols spatiaux et notamment l’alunissage.
Comment Tintin s’y est-il pris quand il a marché sur la lune pour orienter ses prières vers La Mecque ? Certes, ce personnage n’est pas musulman pour se poser cette question hautement importante et sensible pour la gente mahométane. Les progrès réalisés dans la découverte de l’espace ont vite tourmenté les juristes musulmans : comment, un musulman, ayant posé le pied sur la lune, va-t-il trouver la direction de La Mecque pour se prosterner et exécuter les 5 prières quotidiennes ? Cette question juridique fut posée au cheikh saoudien Abdel-Karim Khoudeir (3), membre de la grande institution des savants en Arabie Saoudite. Le vénérable mufti a balayé d’un revers de main l’hypothèse même de l’arrivée de l’homme sur la lune qu’il considère comme une rigolade, et d’ailleurs improbable, affirmant même que cela sèmerait le doute sur leur croyance dans l’esprit des musulmans. Ce même savant, avec une naïveté déconcertante, a nié qu’Armstrong ait marché sur le sol lunaire.
D’autres savants juristes ont résolu le problème par le qiyâs ou raisonnement par analogie (4) : comme le musulman sur sa monture (5) peut prier vers n’importe quelle direction, le musulman, sur la lune ou dans l’avion, peut faire de même. Pour d’autres, il suffirait, sur le sol lunaire, de prier en regardant la terre pour que la prière soit validée par Allah. Reste aussi, selon d’autres cheikhs, que si un musulman débarquait sur la lune et connaissait la date de son retour sur terre, il pourrait reporter ses prières (6).
Les progrès réalisés dans l’exploration spatiale et les problèmes juridiques islamiques qui s’y rattachent ont été au centre d’un congrès qui devait se tenir en Malaisie pour traiter de sujets sensibles. Outre la direction de La Mecque, ce sont les heures des prières qui posent problème. En effet, les passagers musulmans de l’espace verraient le vaisseau spatial tourner 16 fois en 24 heures autour de la terre, avec successions de lever et de coucher de soleil (7). Comment alors déterminer les heures des prières ? Comment faire ses ablutions quand l’eau manque à bord ?
Comment, lors du ramadan, déterminer les heures pour rompre le jeune ? Reste aussi la question cruciale qui concerne le premier musulman sur la lune : sera-t-il sunnite ou chiite ? etc … etc … etc …
A force de chercher le Sud, l’islam va perdre le nord.
Bernard Dick
(1) « point de mire », synonyme de Sud
(2) Hamdi Redissi, Le Pacte de Nadjd, p. 210, Le seuil 09/2007
(3) Aziz al-Hafez, www.ssrcaw.org/ar/art/show.art.asp?aid=223502
(4) Sabrina Mervin, Histoire de l’islam, Flammarion, p. 80, 09/2000
(5) http://www.tafsir.net/vb/showthread.php?t=6543
(6) http://www.majales.alukah.net/showthread.php?t=28238
(7) www.karemlash4u.com/vb/showthread.php?t=100551

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