La semaine passée a été riche en rebondissements.
Citons en quelques-uns : le héraut de l’athéisme militant, le « philosophe » Michel Onfray, a été l’invité des plateaux télévisés et des stations radios (France culture), aux fins de présenter sa dernière livraison, « philosophique », déboulonnant Freud sur le papier, jouant à la « grande révolution culturelle », avec la fougue que mirent à la faire dans la rue les Hongrois, mettant en jeu leur liberté et leur vie, lorsqu’ils déboulonneront la statue de Staline au début du soulèvement révolutionnaire antibureaucratique de l’automne-hiver 56-57.
Et pour être sur et certain que ses objecteurs ont bien lu, intégralement lu, son pavé de plusieurs centaines de pages, -que j’avoue bien honteusement n’avoir pas lu, ni ligne par ligne, ni même parcouru ne serait-ce qu’en diagonale et pas encore acheté-, le « philosophe d’un néo Kulturkampf sans lame et, j’ajouterai, sans âme, a mis dans un endroit du livre « une grosse coquille ». Si on ne la trouve pas, la grosse coquille, c’est que l’on n’a pas lu son ouvrage, tout son ouvrage… parce que, comme le dira jésuitiquement le psychanalyste Boris Cyrulnik, sensé représenter lors de l’émission de France culture le point de vue de la défense de Freud, déclarant avoir renoncé à cette défense : « ça se tient, il y a de bons arguments. Il y a des arguments qui se tiennent dans cet ouvrage, et blabla Bla et blabla Bla… »
Cette fois, notre athéologue frappe de sa vindicte vengeresse le fondateur du mouvement de la psychanalyse, Freud en personne. Tous les vices, tous les reproches, tous les délits pleuvent sur le malheureux Sigmund, qui n’est plus de ce monde et ne peut répondre au Procureur général Onfray.
Freud est un pédophile, Freud c’est un machiste, Freud c’est un ennemi de la femme ravalée au rang d’homme doté, avec son clitoris, « d’un tout petit pénis rabougri. »
C’est évident, notre philosophe, lui, c’est un homme, et un vrai, avec un pénis de bonne dimension. C’est sur, Freud aurait pu inverser l’équation des rapports entre les sexes et dire que l’homme est une femme avec un gros clitoris et pas de matrice…
Une chose me reste à demander à notre philosophe, moi qui ne suis qu’un petit, un tout petit autodidacte : dîtes, monsieur le philosophe, est-ce que le surréalisme ne s’est pas, avec André Breton, Benjamin Perret et tout le groupe surréaliste, engagé avec enthousiasme dans la voie qu’ils avaient cru, à tord selon votre altesse de La Philosophie et de l’Athéologie, être un instrument de libération mentale, artistique et sociale ? Mais peut-être que tous ceux qui ont voulu unir socialisme et freudisme n’étaient qu’un ramassis d’ânes bâtés qui auraient du attendre la venue du messie intellectuel normand ?
J’ai entendu les interviews télévisées et radiophoniques du « philosophe » normand. J’avoue mon étonnement que le débat et les polémiques qui déchirent les microcosmes politiques et partagent la société en deux gros tiers d’un côté » (70%) et presqu’un tiers de l’autre, au sujet du voile intégral dans l’espace public, n’ait eu aucun écho dans les propos et dans les questions posées à un homme qui fait profession de ferrailler avec les religions. Manifestement, c’est à fleuret moucheté, ou tout simplement c’est avec un sabre d’abordage sans lame que notre vigoureux universitaire ferraille lorsqu’il s’agit de parler de la Chappe de plomb dont d’aucun veulent recouvrir progressivement la société française.
Il préfère, visiblement, ne pas ferrailler du tout lorsqu’il s’agit de savoir si la démocratie, la laïcité, l’égalité de la femme et de l’homme, la vie sociale de tous les jours, la sécurité dans les banques, le tramway et les bus et tous autres lieux publics, si l’évolution humaine, sont bourqua-hijabo-niquabo-compatibles. Mais peut-être que le statut de la femme et son infériorité définitive -par mise en œuvre de la parole directe et incréé de Dieu restituée en termes juridiques et vestimentaires par les « hadiths authentiques »- c’est une question bien trop vulgaire et trop insignifiante pour la haute philosophie de l’athéologie ?
Vous me direz, Alain tu es injuste. Tu critiques ce brave bougre de vigoureux athéologue, parce qu’il ne dit pas un mot ni une bribe de mot sur la question de la bourqua relancée cette semaine, à la suite de la verbalisation à hauteur de 22 euros d’une niquabisée nantaise qui conduisait une automobile en étant privée de toute une partie de son champ de vision, mettant ainsi en danger sa vie et celle des personnes et véhicules rencontrés. La philosophie, et l’athéologie, ça ne s’abaissent pas à ces petites questions épiphénomènales d’enfermement volontaire ou non volontaire de femmes, nées dans l’islam ou converties.
Niquabisée moderne quand même, que la verbalisée à 22 euros. Quand le policier nantais lui a demandé de décliner son identité, pour vérifier si elle était bien le possesseur du permis de conduire, elle a montré son visage. Elle n’a pas opposé de refus à l’agent. Elle n’a pas protesté, comme l’a fait cette voyageuse de bus du 9-3, rétorquant au contrôleur qui voulait constater si elle était bien la titulaire de la carte navigo montrée, qu’il lui était « religieusement » interdit de montrer son visage à tout autre que son époux (et peut-être aussi à ses enfants ???),
Niquabisée moderne et pas très près de ses sous, preuve qu’elle dispose d’un budget personnel confortable qui lui permet de prendre un avocat, pour défendre un « principe ». Ah mais voyons, payer 22 euros, vous n’y pensez pas !! Plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros pour ne pas payer le procès verbal à 22 euros retourné avec refus motivé, c’est bien la preuve qu’elle n’instrumentalise pas et n’est pas instrumentalisée, cette niquabisée volontaire et son tabligh d’époux, toujours flanqué ce week end de ses deux gardes du corps.
Décidément, la « liberté » vestimentaire de s’auto-enfermer, ça n’a pas de prix.
« Instrumentalisation » n’a-t-on cessé de caqueter tout le week-end du côté de la volaille ex socialiste qui dirige le PS.
Le gouvernement « ins-tru-men-ta-li-se-rait ». Et Tariq Ramadan, cet autre philosophe, philosophe du « moratoire de la lapidation des femmes adultères », il a fait quoi, à Nantes, ce week-end ? Il n’a pas « instrumentalisé », pour consolider son front unique avec la cheftaine lilloise et tous ceux qui piaillent et caquètent quand elle en donne le signal ?
Vous l’avez entendu notre philosophe du moratoire dénoncer devant les micros complaisamment tendus, l’air narquois, la « trahison des valeurs de la France » par un ministre qui constate : que l’homme qui a déclaré ne pas être polygame pour obtenir la nationalité française l’était alors secrètement ou l’était devenu, polygame avant ou après avoir obtenu la décision d’en faire un français. Etre français, en le devenant, c’est d’abord adhérer à la république, c’est admettre que s’il n’y a pas de devoir sans droit il n’y a pas de droit sans devoir, et que s’approprier les prestations familiales d’épouses selon la religion, non épouses selon la loi de la république, cela porte un nom.
Je laisserai notre distingué philosophe du moratoire de la lapidation des femmes adultères qualifier lui-même quel nom cela porte et dire après cela s’il n’est pas du devoir impérieux des pouvoirs publics de qualifier s’il y a eu ou non attribution frauduleuse d’un droit (la nationalité) et d’en tirer toutes les conséquences sur les différents plans.
Il est des situations personnelles qui concentrent et illustrent des situations et des problèmes de portée générale*. Il me semble que c’est le cas à Nantes aujourd’hui.
Alain Rubin
*commentaires entendus à la TV, émanant de supporters de l’époux de la niquabisée aux 22 euros : « il est polygame, c’est son choix »… « C’est l’islam, on fait ce qu’on veut »… « Il faut lire » (sous-entendu le coran et les hadiths)… « C’est l’islam, on en a marre d’être discriminés ».
PS : Il s’est passé deux jours depuis cet article.
Les dénonciateurs de « l’instrumentalisation » de l’affaire de la niquabisée nantaise et de son activiste tabligh d’époux poussent comme champignons après la pluie dans certains microcosmes. C’est ainsi que l’UEJF se fend d’un communiqué.
Refaisant probablement une lecture de l’évènement qu’elle cherche manifestement à assimiler à la révocation par les autorités de Vichy de milliers naturalisations récentes de familles juives, aux fins de faciliter leurs futures rafles et déportations « vers l’est », la direction de l’UEJF vient au secours de notre brave commerçant. Quelle faute grave et exceptionnelle a-t-il commis cet homme? « Quel motif grave et exceptionnel » peut-on opposer au simple utilisateur d’un gynécée ? Un gynécée abritant « non quatre épouses » comme le gouvernement l’en accuse avec méchanceté, -puisqu’il n’est pas polygame ce brave homme et qu’il se soumet à la loi matrimoniale française-, mais « quatre maîtresses » ?
Pour les dirigeants de l’UEJF, il faut le croire notre sympathique commerçant. Tout est affaire d’apparences et de coïncidences.
C’est par un pur hasard que les quatre femmes, qu’il aime d’amour (est-ce une faute grave et exceptionnelle d’aimer ?), habitent dans la même localité, dans la même rue, et dans quatre maisons limitrophes. C’est encore une pure affaire de circonstances et de coïncidences, par définition fortuites, si les maisons individuelles de chacune des « maitresses » du même homme et leurs enfants du même père, -lui-, sont encloses par une commune palissade. Sûrement est-ce la faute de l’architecte ou des services municipaux.
Non, franchement, y a pas d’autre explication à aller chercher, sauf à vouloir à toute force « stigmatiser » l’islam et les musulmans et à vouloir « instrumentaliser » cette banale affaire pour la mauvaise cause d’une loi elle-même politicienne…
Insistons, c’est encore par pure coïncidence si le père des enfants des « quatre maîtresses » est le même homme, notre brave bougre d’activiste tabligh. Il vous le dit, et toute la « foule » de ses supporters de droite comme de gauche confirme. Une si touchante unanimité devrait suffire, non ?
Alain Rubin