Quand Simone Veil critiquait la loi Gayssot, doit-elle être classée à l'extrême droite ?

Riposte laique est attaquée à nouveau par le blog du Monde « droites extrêmes » qui lui fait un mauvais procès en l’accusant mensongèrement d’avoir laissé des membres de sa rédaction signer une pétition contre la loi Gayssot, alors que les deux personnes citées ne font pas partie de la rédaction de Riposte Laique.
( http://droites-extremes..blog.lemonde.fr/2010/11/01/lecrivain-yann-moix-la-petition-et-les-negationnistes/ ).
Etant moi-même à la fois concernée par la Entlösung, et opposée aux lois dites mémorielles, pour les mêmes raisons que celles qui ont amené 56 juristes parmi les plus grands de France à protester contre ces lois, je voudrais répondre à une question posée par ce blog à Riposte laique : « On attend avec impatience de Riposte laïque qu’ils exposent leurs vues sur la loi Gayssot au Bnai Brith qui les ont invité pour leur salon du livre le 14 novembre… »
La réponse Simone Veil l’a déjà donnée en 1996. La réponse tient en un adjectif , prononcé par elle en parlant des propos négationistes : « Risible ». Leurs propos sont risibles, Croire qu’il faudrait une loi pour empêcher les propos des négationistes d’être risible, est risible. Affreusement risible.
Je pourrais reprendre les explications théoriques forts judicieux des 56 juiristes ( voir ci-dessous) en les paraphrasant, ou enfaire une explication détaillée, mais je n’en ai pas le cœur. Je préfère laisser la parole à Simone Weil, pour donner ses explications sur les propos négationnistes de Garaudy, leur commentaire par l’Abbé Pierre, et la loi Gayssot.

Interview de Simone Weil , Juin 1996,France 2, Invité spécial – 20/06/1996

(Transcription, extraits)
http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I05003752/simone-veil-a-propos-du-revisionnisme.fr.html
« Quand l’Abbé Pierre dit « il y en aurait encore 500 et pas 6 milions ce serait grave », c’est là qu’il fait une erreur d’appréciation historique, c’est que en l’espece, l’extermination, la tentative d’ extermination, c’est elle qui est en cause, parce que la décision d’ extermination prise en 1942 par les nazis et Hitler, ce n’était pas 500, 1000 ou un million que l’on devait tuer, c’était l’idée même que l’on devait tuer toute personne juive, tout enfant ! (…). J’ai vu arriver des trains entiers de gens (…) des bébés qui venaient de naître quelques jours avant … des personnes âgées qui ne tenaient pas debout (…) à côté d’un crématoire, le matin il y avait plein de jouets d’enfants ( … ) . Pendant mai juin juillet 1944, Budapest a été vidé de ses juifs, des centaines de milliers de personnes … Alors c’est presque risible de voir des gens qui le contestent.
Alors c’est vrai que cinq millions, six millions … avec les archives russes qui viennent de sortir, qui montrent qu’il y a eu en fait des exactions en Russie que l’on sous-estimait, des villages entiers où les gens ont été passés comme celaà la mitrailleuse, sans chambre à gaz. Même le débat sur les chambres à gaz est idiot : le fait qui est important c’est cette volonté, qu’ils ne sont pas arrivés à réaliser, parce que d’abord il y a des gens qui ont caché des juifs, et moi je voudrais rendre hommage à beaucoup de familles françaises qui l’ont fait et ont caché notamment beaucoup d’enfants, et puis parce qu’ils n’ont pas eu le temps. Mais Budapest c’est très intéressant qu’ils sont arrivés seulement en mars 1944, et que tout de même en quelques mois la seule chose qu’ils aient faite pendant qu’ils occupaient la Hongrie c’est de tuer tous les juifs, c’est cela qui est important, alors la discussion de l’Abbé Pierre elle me parait vraiment être complêtement à côté de la plaque.
Je crois que la loi Gayssot, qui est cette loi qui interdit de nier l’extermination des juifs, la solution finale, est une erreur, parce qu’on a l’air de vouloir cacher des choses, on n’a rien à cacher, l’histoire est flagrante, elle est ce qu’elle est, il ne faut pas empêcher les historiens de travailler, je suis prête à faire un débat avec n’importe qui là-dessus, peu importe, bon il y a des gens qui le disent, il faut les prendre comme ceux qui disent Jeanne d’Arc n’existe pas ou Napoléon ou etc …, il faut au contraire avoir le plus d’histoire possible et que ce soit inscrit dans l’histoire. »
Elisseievna
Voici l’appel signé par 56 professeurs de droits des universités, dont François Terré etc.

Appel de juristes contre les lois mémorielles

Les juristes soussignés demandent l’abrogation de ces lois « mémorielles » et estiment qu’il est du devoir des autorités compétentes de saisir le Conseil constitutionnel du texte en discussion (ie pénalisant la négation du génocide arménien) et de toutes nouvelles dispositions en ce sens qui viendraient à être votées par le Parlement.
Après avoir affirmé l’existence du génocide arménien, le législateur s’est engagé dans une procédure visant à réprimer pénalement la négation de ce génocide. Cette proposition de loi, votée en première lecture par l’Assemblée nationale, s’inscrit à la suite d’une liste déjà longue de dispositions visant, soit à interdire la manifestation d’opinions, soit à écrire l’histoire et à rendre la version ainsi affirmée incontestable (loi Gayssot sur le génocide juif, loi sur l’esclavage, loi sur la colonisation). D’autres propositions sont déposées (sur le blasphème ou sur le prétendu génocide du peuple algérien commis par la France…).
La libre communication des pensées et des opinions est, selon la déclaration de 1789, l’un des droits les plus précieux de l’homme. Certes, ce droit n’est pas absolu et la protection de l’ordre public ou des droits d’autrui peuvent en justifier la limitation. En ce sens, des lois appropriées permettent de sanctionner les propos ou les comportements racistes causant, par nature, à celui qui en est victime un préjudice certain.
L’existence de lois dites « mémorielles » répond à une toute autre logique. Sous couvert du caractère incontestablement odieux du crime ainsi reconnu, le législateur se substitue à l’historien pour dire ce qu’est la réalité historique et assortir cette affirmation de sanctions pénales frappant tout propos ou toute étude qui viseraient, non seulement à sa négation, mais aussi à inscrire dans le débat scientifique, son étendue ou les conditions de sa réalisation.
Les historiens se sont légitimement insurgés contre de tels textes. Il est également du devoir des juristes de s’élever contre cet abus de pouvoir du législateur.
« La loi n’est l’expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution ». Or ces lois, que les autorités compétentes se gardent bien de soumettre au Conseil constitutionnel, violent à plus d’un titre la Constitution :
Elles conduisent le législateur à outrepasser la compétence que lui reconnaît la Constitution en écrivant l’histoire. Les lois non normatives sont ainsi sanctionnées par le Conseil constitutionnel. Tel est le cas des lois dites « mémorielles ».
Elles s’inscrivent dans une logique communautariste. Or, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, la Constitution « s’oppose à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelques groupes que ce soit, définis par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance ».
Ce faisant elles violent également le principe d’égalité en opérant une démarche spécifique à certains génocides et en ignorant d’autres, tout aussi incontestables, comme, par exemple, celui perpétré au Cambodge.
Par leur imprécision quant à la nature de l’infraction, ce dont témoignent les décisions de justice qui s’y rapportent, le législateur attente au principe constitutionnel de la légalité des peines et à la sécurité juridique en matière pénale.
Elles violent non seulement la liberté d’expression, de manière disproportionnée, mais aussi et surtout la liberté de la recherche. En effet, le législateur restreint drastiquement le champ de recherche des historiens, notamment dans des domaines complexes ou controversés comme la colonisation ou s’agissant d’un crime comme l’esclavage pour lequel la recherche des responsabilités appelle une analyse approfondie et sans a priori.
On peut aussi considérer, sur un plan plus politique, que de telles lois peuvent aller, en muselant la liberté d’opinion, à l’encontre des objectifs qui sont les leurs et dont la légitimité n’est pas en cause.
C’est pour toutes ces raisons que les juristes soussignés demandent l’abrogation de ces lois « mémorielles » et estiment qu’il est du devoir des autorités compétentes de saisir le Conseil constitutionnel du texte en discussion et de toutes nouvelles dispositions en ce sens qui viendraient à être votées par le Parlement.