Quand Siné est traité d'ordure antisémite, et Val dessiné en nazi, c'est que quelque chose ne va plus…

L’éviction du dessinateur Siné de Charlie Hebdo déchaîne les passions. Chacun est sommé de choisir son camp, et tous les jours, la tension monte.
Rappelons les faits, rapidement. Le 2 juillet, dans sa rubrique habituelle, « Siné sème sa zone », le dessinateur écrit : « Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »
La charge contre lui commence. Le journaliste du Nouvel Obs, Claude Askolovitch, parle, sur RTL, de texte antisémite, et qualifie le dessinateur d’ordure. Le journal en ligne « Marianne » relaie cette version. Philippe Val décide alors de se séparer de Siné, le dessinateur refusant de présenter des excuses. Sans doute la suite d’un contentieux sérieux entre les deux hommes, exacerbé par une polémique autour du journaliste Denis Robert, sali de manière peu élégante par Philippe Val dans un édito récent. Le fait que Richard Malka soit en même temps l’avocat de Charlie Hebdo et du fond de pension Clearstream, qui multiplie les procès contre Denis Robert, n’a pas arrangé les choses.
Il n’en demeure pas moins que sur cette affaire, Philippe Val et Claude Askolovitch ont tort. Il n’y a rien d’antisémite dans le texte de Siné, même si le passage sur le plaignant arabe n’est pas des plus heureux. Si la fille d’un dignitaire socialiste épousait un prince saoudien, et pour cela se convertissait à l’islam, j’espère qu’on pourrait écrire ce qu’a écrit Siné, sur l’opportunisme de la nouvelle convertie, sans se faire traîter d’ordure raciste sur les ondes d’une radio.

D’ailleurs, il est difficile de ne pas s’associer à la majeure partie de la déclaration de ce qu’écrit Siné le 11 juin 2008 : « Je n’ai jamais brillé par ma tolérance mais ça ne s’arrange pas et, au risque de passer pour politiquement incorrect, j’avoue que, de plus en plus, les musulmans m’insupportent et que, plus je croise les femmes voilées qui prolifèrent dans mon quartier, plus j’ai envie de leur botter violemment le cul ! J’ai toujours détesté les grenouilles de bénitier catholiques vêtues de noir, je ne vois donc pas pourquoi je supporterai mieux ces patates à la silhouette affligeante et véritables épouvantails contre la séduction ! Leurs maris barbus embabouchés et en sarouel coranique sous leur tunique n’ont rien à leur envier au point de vue disgracieux. Ils rivalisent de ridicule avec les juifs loubavitchs ! Je renverserais aussi de bon cœur, le plat de lentilles à la saucisse sur la tronche des mômes qui refusent de manger du cochon à la cantoche. Quand on a des parents aussi bornés que les leurs, le seul remède est de leur désobéir et de les envoyer se prosterner […] La bêtise n’a pas de limites, c’est connu, mais arrêtons de la respecter et, qui plus est, de l’entretenir au nom d’une indulgence dont ils ne font, eux, aucune preuve ! »
On n’oublie pas, bien sûr, que ce dessinateur, bouffeur de curés, d’imams et de rabbins, est effectivement capable d’écrire des horreurs, comme ce texte honteux, sur lequel d’ailleurs il s’est excusé, écrit en 1985 : « Je suis antisémite depuis qu’Israël bombarde. Je suis antisémite et je n’ai plus peur de l’avouer. Je vais faire dorénavant des croix gammées devant tous les murs. (…) On en a plein le cul. Je veux que chaque juif vive dans la peur, sauf s’il est est pro-palestinien. »
On n’oublie pas non plus ces formules inacceptables, amalgamant l’état d’Israël, outre à l’Allemagne nazie, à l’Afrique du sud de l’apartheid, ni sa connivence très discutable avec les listes « Europalestine », à une époque où l’antisionisme était, chez beaucoup, le cache-sexe de l’antisémitisme, dans des réseaux qui allaient de Dieudonné-Soral (aujourd’hui dans les eaux du Front national) à une partie de l’extrême gauche qui défendait le voile à l’école. Mais cela fait-il de Siné pour autant un émule de Gobineau ou de Drumont ?
Pourquoi un tel emballement médiatique, de telles passions, de telles haines ? Dans le camp de Val, appuyé par la ministre de la culture, Christine Albanel, on martèle, de manière bien peu convaincante, que le texte de Siné est antisémite, et SOS Racisme, Laurent Joffrin, Libération et Bernard-Henri-Levy sont appelés à la rescousse.
En face, le camp des islamogauchistes pense que l’heure est venu de faire payer à Val son « sionisme » supposé. Ces gens là, qui sont capables de manifester avec le Hamas et le Hezbollah, n’ont pas pardonné à Val certaines de ses positions lors du référendum européen, et le qualifient de soutien à la politique de Bush. Dieudonné soutient évidemment Siné (qui ne veut pas d’un tel allié). Mais c’est Plantu qui atteint les sommets du sordide, en dessinant Val en nazi (1). Lors de l’affaire des caricatures, ce dessinateur s’était déjà distingué en jouant une partition chiraquienne, appelant à la modération pour ne pas froisser inutilement les musulmans. Toute cette mouvance prépare donc une manifestation, ce jeudi, devant les locaux de Charlie Hebdo !
Pourtant, comment oublier qu’il y a à peine deux ans, la France entière était derrière Philippe Val, Caroline Fourest et Charlie Hebdo, dans le procès intenté contre le journal satirique par l’UOIF et Dalil Boubakeur ? Nous préférons cent fois le Philippe Val qui défendait avec panache et courage la liberté des dessinateurs menacés de mort que celui qui vire Siné pour un prétexte fallacieux. Nous avions aimé les interventions de Caroline Fourest et Philippe Val, lors des journées internationales laïques de Montreuil, les 10 et 11 février 2007. Nous avions détesté leurs textes contre le film du député hollandais Geert Wilders, Fitna. Ces deux camps, qui aujourd’hui se déchirent, étaient unanimes pour condamner une œuvre et un homme, qu’ils ont contribué à lyncher, pour le plus grand plaisir des fascistes qui le menacent de mort depuis plusieurs années, après avoir assassiné Théo Van Gogh. (2)
A une époque où les islamistes sont le fer de lance d’une offensive contre la laïcité, en France, et où, dans les instances internationales, ils tentent d’introduire un délit de blasphème, jugeant raciste toute critique de leur religion, les élites médiatiques, dont chacun se réclame de la défense du camp laïque, ne feraient-elles pas mieux de montrer leur attachement à la liberté d’expression, et au droit à la libre critique de tous les dogmes ?
A six semaines de la venue du Pape en France, qui viendra crier sa haine du “laïcisme”, et au milieu de pressions communautaristes diverses où les Eglises cherchent à détricoter l’édifice laïque de notre République, n’y a-t-il pas mieux à faire que de participer à un tel spectacle, où on voit deux camps, se réclamant de la gauche et du combat anti-clérical, se déchirer pitoyablement, pour le plus grand plaisir de ceux qui rêvent de reconfessionnaliser la société française ?
Le dévoiement du combat antiraciste, constaté depuis plusieurs années, qui qualifie d’antisémite quiconque critique la politique d’Israël, et de raciste quiconque critique l’offensive des barbus et du voile islamiste, n’est-il pas en train d’éclater sous nos yeux ?
Depuis sa création, Riposte Laïque combat cet esprit de lynchage et la dictature du politiquement correct, qui entend museler toute opinion iconoclaste. Nous avons soutenu Fanny Truchelut, propriétaire d’un gîte de montagne dans les Vosges, lynchée par la bien-pensance, accusée par le Mrap et la LDH d’être une raciste parce qu’elle a demandé à une femme de retirer son voile dans les parties communes de son gîte. Nous avons soutenu, au nom de la liberté d’expression, Geert Wilders contre ceux qui voulaient interdire son film. Cela nous a valus calomnies, insultes et diffamations. Nous ne le regrettons pas.
Les lynchés d’aujourd’hui étaient les lyncheurs d’hier, et seront sans doute ceux de demain.
Avons-nous vraiment envie de vivre dans un pays où Siné ne peut plus écrire une phrase comme celle qui a mis le feu aux poudres ? Avons-nous envie d’évoluer dans un pays où toute critique de la religion musulmane sera amalgamée à du racisme ? Coluche pourrait-il, aujourd’hui, avec la dictature de la bien-pensance médiatique, interpréter son « CRS arabe » (3), ou Pierre Desproges faire de l’humour sur les Juifs (4) ?
Pierre Cassen
(1) http://www.marianne2.fr/Val-Sine-la-faute-au-Net-_a89511.html?preaction=nl&id=2952704&idnl=25497&
(2) http://www.ripostelaique.com/Defendre-Fanny-Truchelut-Ayaan.html
(3) http://fr.youtube.com/watch?v=1by5wxZv8Ao
(4) http://www.marianne2.fr/Charlie,-Sine,-Val,-grosse-fatigue-_a89316.html?preaction=nl&id=2952704&idnl=25492&

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