Qui l’eut cru ! La jupe, ce signe vestimentaire d’une féminité à l’ancienne, devient dans certains quartiers de notre république, infestés par une idéologie machiste, un symbole d’opprobre pour les filles, qui se font traiter de putes, voire violer, quand elles osent la porter. Il nous aura fallu des millénaires pour accéder au port du pantalon – toujours interdit aux femmes – et voilà qu’en quelques décennies, c’est la jupe l’objet obscur du péril féminin. Tout ça, parce qu’une poignée de caïds débiles de banlieue a réussi à intimider tout un peuple de démocrates englués dans une bienpensance , qui est l’autre face de leur lâcheté.
Le téléfilm de Lilienfeld – « La journée de la jupe », diffusé ce vendredi 20 mars – lance un énorme et salutaire pavé dans cette mare croupie. Il montre enfin la réalité de l’école en banlieue. On est loin des clichés démagogues de « Entre les murs », palme d’or du dernier festival de Cannes. « La journée de la jupe » est un coup de poing, qui vous va droit aux tripes et ne vous lâche pas jusqu’à son dénouement tragique. Oui, une vraie tragédie grecque. Unité de lieu – la salle de classe et ses alentours – unité de temps, quelques heures – unité d’action. L’action ? Comment une jeune prof de banlieue, Sonia, humiliée, harcelée, traquée quotidiennement par sa bande de salopards d’élèves, d’autant plus qu’elle ose porter la jupe, retourne la situation. Comment sous la menace d’un revolver tombé du sac de l’un d’eux, qu’elle subtilise, elle va tenir en main ce ramassis de hors la loi, comment elle va leur apprendre de force ce qu’est justement la loi, la laicité, le respect, le vrai, pas celui de leur code maffieux, comment elle va leur imposer de répéter avec elle, que le vrai nom de Molière c’est J.B Poquelin… Un vrai bonheur de voir à terre cette engeance, dont le must est Mouss, le détenteur du revolver. Un black, qui ne sait qu’éructer des immondices, qui fait régner la terreur, qui filme des viols collectifs sur son portable, qui n’hésite pas, après avoir piégé la prof, à se jeter sur elle et à la tabasser à mort. Il l’aurait achevée sans l’intervention d’une fille de la classe qui se saisit du revolver et devient à son tour justicière. Magnifique moment de solidarité entre filles. A partir de là, basculement général dans la classe : les humillé/es osent relever la tête.
Pas une minute de relâchement dans cette tension qui monte, à l’intérieur, et à l’extérieur de la classe huit clos. Va et vient haletant entre le dedans et le dehors. Les forces de police au grand complet cernent le collège, se demandent quelle stratégie adopter, la ministre de l’intérieur elle même s’est dérangée, en tailleur pantalon et furieuse contre la demande de la prof qui exige « une journée de la jupe ». Parmi la valetaille policière, un seul être humain, qui comprend Sonia, dialogue avec elle par portable, et va essayer d’éviter un maximum de dégâts. Le seul mec qui relève le niveau vraiment très bas des autres. Que ce soit le proviseur pleutre, qui ne veut surtout pas faire de vagues et charge la prof, le collègue qui la taxe d’islamophobe et se promène avec le Coran en poche, prêt à l’exhiber en signe de collaboration, toute cette conspiration habituelle des lâches qui hurle avec la meute. Parmi les collègues de Sonia, une seule la défend. C’est dire…
Le personnage de Sonia, interprété magnifiquement par Isabelle Adjani, se hausse à la stature du mythe. De la race des Antigone. Droite dans ses bottes, autour desquelles virevolte sa jupe dynamite, elle hurle, pleure, plaide pour la laïcité, la dignité des femmes, elle enseigne. Elle peut enfin faire ce métier qu’elle aime. Sous la menace du revolver. Généreuse jusqu’au sacrifice, courageuse, tendre, face à la haine de ses ouailles, elle nous offre le spectacle de ce qu’il y a de mieux dans l’humain.
Vous sortez de là enragé, ou en pleurs, vous vous dites « mais comment en est on arrivé là ? », vous n’admettez pas qu’une fois de plus, ce soit les meilleures qui payent et vous en voulez à mort à tous ceux qui se font complices de cette horreur.
Et vous vous félicitez plus que jamais de faire partie de Riposte laique.
Anne Zelensky