A propos de la déradicalisation des islamistes…

Dans les phénomènes de radicalisation islamiste, les situations qui ont abouti à la mise en place d’une conviction sont toujours complexes, car tout comportement radicalisé doit être considéré comme lié à processus d’apprentissage très particulier. La déradicalisation correspond à un changement de processus dans le processus d’apprentissage, soit une sorte de processus de conversion religieuse pour un changement correcteur de l’ensemble des comportements. On rapporte que Swift aurait dit : “You cannot reason a person out of something he has not been reasoned into“. (Vous ne pouvez pas détacher quelqu’un du radicalisme par le raisonnement tout simplement parce qu’il n’a pas été amené au radicalisme par le raisonnement.)

En clair, le rapport du djihadiste à l’autre non musulman est symétrique. Le djihadiste est comme en état d’escalade pour la conquête islamiste. Les djihadistes peuvent paraître tenaces, mais ils ne sont pas stupides. La zone de l’esprit où se décide la ligne de conduite djihadiste est très profondément enfouie. C’est pourquoi le simple qualificatif de stupidité ne peut rien expliquer de la radicalisation islamiste. Ces niveaux de l’esprit ne sont pas accessibles au langage psychothérapeutique et donc à la relation thérapeutique.

Les convictions qui s’y réalisent sont codées dans un processus primaire non langagier. Dans le djihadisme, la seule façon de réaliser une conviction contient sa propre négation. “Je n’ai pas peur de toi” et “Je veux te tuer” est une mise en acte et un commandement “radicalisé” de la proposition consistant à nier l’autre, aboutissant à une reductio ad absurdum de la relation à autrui, et donc du “vivre ensemble”.

“Je veux te tuer” est réalisé à travers un combat radical, qui est en fait une sorte de jeu rituel. C’est pour cette raison que le comportement islamiste évolue communément vers une affirmation “radicalisée”.

En ce sens, la fierté du djihadiste est en quelque sorte une description ironique. C’est un effort résolu de vérifier la maîtrise djihadiste du monde, avec un but ultérieur indicible, qui est de prouver en fin de compte que la radicalisation islamiste est la seule réalité efficace dans un monde occidental devenu faible et absurde.

Le combat islamiste totalitaire est tout simplement la solution radicale à tout ce qui ne marche pas dans le monde occidental démocratique. Si on considère que la radicalisation islamiste contient la négation simple du monde occidental démocratique, cette proposition n’est pas exprimée par le langage mais dans le processus primaire. Son expression islamiste totalitaire finale sera toujours l’action : celle de prendre une vie.

La bataille héroïque du djihadisme contre le monde occidental démocratique se termine toujours par la domination finale du monde occidental. “Faisons la paix et soyons amis, mais seulement dans l’islam”.

Cette hypothèse est confirmée par un fait incontestable : la bataille héroïque du djihadisme est une mise à l’épreuve monstrueuse qui conduit à la radicalisation que le djihad islamique impose à l’islamiste.

Le monde occidental démocratique a raison de vouloir le rejeter, du moins en paroles. De cette façon, il parvient à une politique absurde de la déradicalisation islamiste sous la forme de la relation thérapeutique conventionnelle sans aucun rapport avec la réalité de la radicalisation islamiste. Mais cette description de la relation thérapeutique en vue du processus de déradicalisation ne permet pas de parvenir à une solution.

Si la déradicalisation islamiste ne marchera pas, c’est parce que ça ne peut pas marcher à vouloir s’inscrire dans la codification de la relation thérapeutique dans le déni du processus djihadiste primaire.

Comment vouloir comprendre les approximations du processus djihadiste primaire et saisir qu’elles ne peuvent conduire le monde occidental démocratique à se représenter à fond les enchaînements d’actions qui prouvent la radicalisation islamiste ? Le monde occidental rencontre les problèmes du processus djihadiste primaire qui ne peuvent être résolus qu’à l’intérieur d’un modèle très particulier où, en fonction de certaines circonstances, le malaise de la radicalisation islamiste tend à renforcer le comportement radicalisé.

Cette radicalisation islamiste permet de vérifier que c’est précisément ce comportement particulier qui a été à l’origine du malaise du processus djihadiste primaire qui ne pourra qu’augmenter jusqu’à une certaine limite, au-delà de laquelle les changements de comportement radicalisé deviennent impossibles.

Un séide djihadiste radicalisé défie le monde occidental démocratique de procéder à quelque velléité de déradicalisation islamiste que ce soit. Il doit pouvoir expérimenter afin qu’il puisse se rendre compte ainsi, par lui-même, qu’il n’a aucun contrôle sur le processus djihadiste primaire. Il doit pouvoir expérimenter que le processus djihadiste primaire a été renforcé par les expériences collectives du djihad, de sorte que tout épisode de déradicalisation islamiste doit prendre un caractère de conversion et non d’auto-initiation.

Mais l’homme islamiste radicalisé ne veut pas vérifier la réalité du processus djihadiste primaire. Il a fui une sensation désagréable, en recherchant une expérience djihadiste radicalisée répétée dans les actes.

C’est pourquoi, on ne peut le rencontrer pour envisager la déradicalisation islamiste que dans certains processus comme dans les phénomènes de conversion, les seuls qui entraînent une réorganisation profonde de la personnalité.

Thierry Michaud-Nérard