A propos de l'acquittement d'un artiste en burqa bleu-blanc-rouge…

Un certain Yoann Le Forestier vient d’être relaxé ce vendredi 25/11 par le tribunal de police de Caen. Il avait été arrêté dans la même ville le 15 juin dernier lors d’une manifestation et était poursuivi pour « outrage au drapeau ». En effet, ce jeune homme, se définissant lui-même comme « artiste » sous le pseudonyme de Nadine Amouk (sic…)(1), avait transformé le drapeau national en burqa.
Certains internautes (orientés politiquement plutôt à droite) s’enflamment donc contre ce qu’ils considèrent comme une insulte au drapeau français, tandis que d’autres internautes (orientés politiquement plutôt à gauche) se mobilisent contre ce qu’ils considèrent comme une tentative de censure de la liberté artistique.
Les deux ont sans doute raison mais les deux sont hors-sujet. Dans ce cas précis, le plus grave n’est pas une éventuelle atteinte au sentiment patriotique ou une hypothétique attaque contre la liberté d’expression.
Dans ce cas précis, le plus grave c’est l’utilisation choquante et sans distanciation de la burqa, tissu-étendard des fondamentalistes machistes et réactionnaires, symbole indiscutable d’une l’infériorisation biologique et judiciaire revendiquée de la femme, et négation absolue de l’égalité des sexes. Le drapeau bleu-blanc-rouge, qui a survécu à deux guerres mondiales et à l’occupation nazie, se remettra de cette provocation. Le combat féministe, déjà affaibli par la montée de l’intégrisme islamiste, accuse par contre un coup supplémentaire. A cet égard, l’outrage fait à la femme par cette vision apologétique de la discrimination sexuelle semble plus nocif que le détournement d’un drapeau qui en a vu bien d’autres.
En effet, l’œuvre de cet artiste(?) peut s’interpréter comme le triomphe d’un symbole discriminatoire et sexiste (la burqa des intégristes religieux) sur un symbole révolutionnaire et démocratique (le drapeau tricolore né de la Révolution française).
Le seul couvre-chef admis par la République française (issue des Droits de l’Homme…et de la Femme!) est le bonnet phrygien qui orne Marianne, incarnation féminine de la République: c’est un symbole de liberté, pas d’asservissement.
Bien entendu, la liberté d’expression, notamment dans les domaines artistiques, ne saurait tolérer de limites ou d’entraves à son épanouissement. Cependant, un symbole tel que la burqa, aussi chargé de sens politique, doit être manié avec prudence et circonspection. Si l’art est parfois fait pour choquer et subvertir, il doit se retenir juste avant de faire la promotion (même involontaire) d’une idéologie politique et/ou religieuse antidémocratique. Sinon, il s’avilit pour devenir une abjecte propagande au service du totalitarisme.
Que d’autres artistes y réfléchissent, avant d’inclure dans leurs œuvres une étoile jaune ou une croix gammée.

Marc Nièvre

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