Un peu avant les attentats du 11 Septembre, en Mars 2011, les Talibans afghans ont commis un acte définitif : la mise à mort d’un millier d’années de civilisation orientale, dans un lieu jusque là préservé soit par souci authentique de mémoire, soit par simple indifférence au temps et aux pierres des autres. La destruction des Bouddhas de Bamyan par les Nazis du lointain Levant demeure l’un des actes les plus tristes que la bêtise idéologique (toutes catégories confondues) ait commis depuis que l’on est capable d’enregistrer ses méfaits, donc d’en garder la trace vive.
http://archaeology.about.com/od/heritagemanagement/a/buddha.htm
Ce jour-là, le souvenir d’avoir gravi, un jour de l’été 1970, l’étroit et raide escalier menant au sommet du grand Bouddha pour contempler, des heures durant, la paisible et verte plaine de Bamyan, me tira des larmes. Larmes de colère, de rage, de vengeance désirée. Je pensais à la guerre inéluctable qui suivrait ce geste. Je ne savais quel visage elle prendrait. Un matin à Manhattan m’apporta, six mois précisément après, la réponse.
Voici que, quarante cinq ans plus tard, par une sorte de jeu de balle, le Musée de Baghdad ouvre à nouveau ses portes pas très loin de la vallée afghane suppliciée.
http://www.orange.mu/kinews/afp/actualites/398591/le-musee-de-bagdad-rouvre-ses-portes-douze-ans-apres-avoir-ete-pille.html
On y a rassemblé, après pillage là aussi, tout ce qu’il fut possible de sauver au fil de ces interminables années d’une guerre dont on n’a pas encore trouvé le nom, guerre pour laquelle je propose tout bêtement celui de IIIè Mondiale. Elle est en effet partout sur cette planète où les plus sourds, les plus aveugles, les plus obstinés à la négation finiront par découvrir, forcés, son origine une et indivisible, imprescriptible et conquérante, acharnée comme nulle autre à réduire tout ce qui, depuis quatorze siècles, lui résiste.
C’est qu’entre le massacre des Bouddhas et la ré-ouverture tremblotante, aléatoire, d’un musée, il y a, tolérée de fait par le plus grand nombre, par la masse comme on dit, l’annihilation systématique que les très lucides fossoyeurs de la Mésopotamie ancienne ont commencée. À leur secours, complice d’un ignoble trafic tueur de milliers d’innocents, grenouille la foire aux antiquités dont les gestionnaires méritent tout comme eux ce qu’en temps de guerre il est légitime et normal de nommer poteau. Avec douze balles pour compagnie vers les jardins d’Allah, que l’on soit français, qatari, irakien ou autre. Douze balles pour vidanger la pourriture. Et bon voyage.
https://images.search.yahoo.com/yhs/search;_ylt=A0LEVrdUIPNUA4AAOygPxQt.;_ylu=X3oDMTB0b2ZrZmU3BHNlYwNzYwRjb2xvA2JmMQR2dGlkA1lIUzAwMl8x?_adv_prop=image&fr=yhs-iry-fullyhosted_011&va=musée+mossoul&hspart=iry&hsimp=yhs-fullyhosted_011
On me dit qu’il y avait là des copies sans valeur d’oeuvres abritées ailleurs. Et alors, bandes de lâches ! À ce jour, la civilisation telle que nous la concevons poursuit, cernée, piquée, tourmentée, trahie de l’intérieur, sa retraite. Ses coups de boutoir sont ceux du condamné sous sac plastique, façon Pol Pot-Badiou, de l’égorgé quand son sang commence à jaillir de ses artères, façon Calife-Lunel, de la petite chrétienne de Syrie violée à dix ans par cent cinquante observants du dogme à la lettre, version monstrueuse de la tournante du vendredi à Saint-Denis.
Saint-Denis ! Terre de France perdue.
Rage et colère. Impuissance. Christiane Taubira à la barre du navire et Frère Tarik chef de chaudière. BHL au 115 de marine. Askolovitch pour l’amarrage aux bittes, Lang pour les jeux enfantins à la mi-temps du match et Attali à la serpillère du croiseur France. E la nave va.
Un jour ou l’autre, Mona Lisa recevra le jet d’acide qui la fera grimacer sur sa toile fondue. Des femen en burqua pétroleront Notre-Dame et Manuel Valls sera Président de la République de Catalogne. Je plaisante, évidemment. Mesdames et messieurs les munichois de nos temps incertains, est-il permis de rire un peu, et de tout, lorsque l’on n’est pas de votre écrasante pensée ?
Alain Dubos