À qui les députés doivent-ils obéir ?

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Alors que les députés vont voter pour ou contre la réforme des retraites, faut-il ici rappeler à qui ils doivent obéir ? Il y a quatre options.

Les députés votent selon l’avis de celui qui achète leur voix. C’est la tradition des sociétés corrompues par des oligarchies et des lobbyistes comme aux États-Unis où l’intérêt de ceux qui payent prime l’intérêt général. Les récents scandales du Parlement européen témoignent de cette triste réalité. Alors, certains élus votent pour les assureurs, les fonds de pension, les cercles économiques qui sont généreux avec eux, parce que l’enjeu est de dissoudre lentement le régime de retraite par répartition pour introduire, puis généraliser les retraites par capitalisation qui enrichissent la finance de marché en n’assurant qu’une retraite très incertaine. Il faut avoir des amis aux USA et au Canada pour voir le désastre.

Les députés votent selon la consigne de leur parti qui peut cacher toutes sortes de compromissions et d’idéaux. La sortie du nucléaire démontre que le député peut voter n’importe quoi pour de sinistres magouilles politiciennes, sans se préoccuper une seconde des réalités et du bien commun. Il est servile et obéissant à son parti qui négocie des strapontins, des mandats, des directions d’institutions, etc. La politique au lieu du politique.

Les députés votent parfois selon leur conscience, leur intime conviction, en pensant à leur carrière, parfois du coin de l’œil, ou parce qu’ils ont tout de même un point de vue, un idéal personnel. Cela existe, même si ce n’est pas la majorité. 

Les députés peuvent enfin voter selon leurs électeurs, car ils sont nos mandants, les représentants qui ont avant toute chose le devoir moral de respecter le mandat donné en confiance par les électeurs. C’est l’esprit démocratique par excellence que d’être le député de sa circonscription, que d’écouter et d’entendre ses électeurs et de se conformer à ce que ceux-ci expriment, surtout quand l’avis est unanime et clair comme aujourd’hui.

Le vote des prochains jours sera un signe peut-être décisif pour l’avenir des institutions de la Ve République. En effet, les députés vont-ils écouter leurs électeurs, prendre pleinement conscience de l’avis général qui s’exprime autour d’eux avec insistance ? Même Jacques Attali dénonce ces jours-ci une réforme inutile, du temps perdu pour une économie qu’il qualifie lui-même d’hypothétique, pour quelques dizaines de milliards, alors qu’on en a ramassé des centaines pour d’autres causes ! Les vrais problèmes sont ailleurs, mais Macron a-t-il l’étoffe d’un vrai réformateur ? On peut en douter.

Vont-ils faire le choix de l’entêtement obtus pour appauvrir les générations futures de retraités et désespérer des professions entières pour lesquelles l’âge et l’usure invitent à une autre réforme du travail et des métiers ? Cela me rappelle les débats parlementaires indignes d’un autre temps sous la IIIe République où l’on débattait sérieusement du report de l’âge d’entrée sur le marché du travail : 10 ou 12 ans ? L’indignité était déjà là, elle est encore là.  

Vont-ils voter en s’excusant d’avoir respecté les consignes de leur parti, certains partis pactisant quelques fauteuils ministériels dans un futur gouvernement peut-être, c’est bien le seul espoir de quelques médiocres sénateurs ?

Enfin, vont-ils voter en conscience, ce qui est selon moi le pire des crimes en démocratie. Car être élu dans une démocratie, ce n’est pas recevoir le Saint-Esprit pour décider en son for intérieur. C’est avant toute chose, pour la plupart des sujets de gestion de la cité, s’engager à exprimer au Parlement l’avis de ceux qui ne peuvent y être physiquement, parce que le choix a été fait d’une représentation nationale. Se souviennent-ils qu’ils sont les représentants du peuple, pas les représentants d’eux-mêmes ?

Alors, nous saurons avant la fin de cette semaine si cette représentation nationale en est une, si nous sommes oui ou non dans une société démocratique où, au passage, la sécurité sociale est à gérer par les organisations représentatives sociales que sont les syndicats patronaux et salariés. Or, ceux-là ont été balayés, comme demain peut-être les électeurs. Il est à craindre que ce vote installe une crise de régime. Si les enquêtes d’opinion disent quelque chose de l’état d’esprit de nos concitoyens. L’immense majorité supporte la grève et ses éventuels désagréments pour faire reculer l’État macronien. Que les députés ne se trompent pas. Un pays en grève, des populations exaspérées par ce mépris, cela sent la crise de régime. Il est peut-être temps, alors qu’une toute autre crise, infiniment plus grave celle-là, nous menace, de clore ce chapitre en mettant en échec cette mauvaise réforme et en s’attaquant à protéger le système bancaire européen qui pourrait bien être en crise dans quelques semaines. 

Pierre-Antoine Pontoizeau

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5 Commentaires

  1. Quelle question!! En leur âme et conscience tout simplement et ce serait moins magouilles et compagnies..!

  2. Et s’ils obéïssaient à leur conscience ? Mais, encore faudrait-il qu’ils en aient une…

  3. ben, ils doivent obéir au président qui a été élu par une partie de la droite, une partie de la goche, une partie de l’estrêêême goooooche, par les syndicats, il sait mieux que tout le monde ce qui est bien pour les gaulois réfractaires

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