Il aura fallu du temps pour que les yeux des intellectuels de l’islam se dessillent et que la chose soit enfin dénoncée. A Meddeb dans un long article paru dans Le Monde et intitulé : « Sortir l’islam de l’islamisme » explique et dénonce le danger que représente la déferlante wahhabite salafiste : « Celle-ci est en train de transformer l’islam et de conduire ses peuples vers le pire, vers la régression, l’obscurantisme, la fermeture, le fanatisme ». De ses voyages il revient avec la conviction que : « les problèmes sont les mêmes du Maroc à ces contrées de l’Asie du Sud. Toute l’horizontale qui oblique vers les tropiques à laquelle nous appartenons est contaminée, elle chancelle vers une uniformisation dévastatrice ».
Il rejoint l’analyse de Bat Ye’ or pour situer le début de cette offensive en 1974, c’est à dire il y a presque 40 ans, après les chocs pétroliers. Alors : « une partie de la manne des pétrodollars a été méthodiquement employée à la propagation de la foi whahhabite dans le monde ».
A Meddeb analyse fort bien les changements subis par l’islam sous cette pression, « et ce dans tous les pays du monde de l’Indonésie à l’occident maghrébin. Réduisant Dieu à une sentinelle tatillonne, vous surveillant en chacun de vos gestes pour savoir s’ils sont conformes à la règle ou s’ils la transgressent ». L’obsession du respect de la règle empoisonne la vie du croyant. On le constate aussi dans notre pays où les exigences musulmanes multiples empiètent de plus en plus sur l’espace et la liberté de l’autre, du non musulman ( voiles tchadors, contenus des enseignements, cantines, nourriture, prières, ramadan etc..) .
A Meddeb souligne le problème dans le rapport du musulman avec l’autre, le bouddhiste au Bengladesh… l’investissement de sites bouddhistes par des bandes salafistes qui brûlent les temples et détruisent ou décapitent les statues de Bouddha. Tel fut le cas récemment, le 29 septembre, dans la ville de Ramu et les villages alentour, près de Cox’s Bazar, sur le golfe du Bengale. Onze temples en bois ont été réduits en cendres, dont deux vieux de trois siècles. Et ces violences se sont propagées à Patria, plus près de Chittagong, où la présence bouddhiste est relativement dense. Puis est venu le tour d’Ukhia, de Teknaf, toujours dans le sud-est du pays, non loin de la frontière birmane. Ces faits rappellent singulièrement les destructions récentes de Tombouctou. N’oublions pas qu’à la fin des années 80 Taslima Nasreen avait dénoncé dans son livre « LAJJA, La Honte » les pogroms musulmans contre les familles hindoues ….. Plus de vingt ans déjà. Avait-t-elle reçu à l’époque un quelconque soutien des intellectuels musulmans ?
Pour contrer tout cela A Meddeb propose, « s’il n’est pas trop tard » dit-il, une union de tous les intellectuels et les artistes et des actions sur 4 points qui ont été la cible des wahhabites. 1/Reconnaître la valeur des cultures antérieures à l’islam où que ce soit. 2/Restaurer les « mémoires hanafite [tendance libérale et rationaliste de l’islam] au Bangladesh et la mémoire malékite [de l’imam Malik ibn Anas (711-795), théologien et législateur qui vécut à Médine] au Maghreb.3/ Revivifier un fonds théologique impliquant spéculation et interrogation.4/ Articuler le discours à la pensée moderne et post moderne telle qu’elle s’est exprimée depuis le XVIII eme siècle Rousseau… Interroger la trace islamique avec constance ». Comme il est triste de constater que les personnages de références vers lesquelles les intellectuels suggèrent de revenir datent de plus de 10 siècles…. L’oeuvre de rénovation impossible alors?
De son point de vue ainsi peut-être : L’assimilation d’une telle pensée nous restitue aussi à la complexité et nous réoriente vers l’interrogation, elle nous détourne des réponses toutes faites. Telles sont les conditions qui nous conduisent sur la voie de la liberté et de la reconnaissance de celui qui ne partage ni vos convictions ni votre croyance.
Soyons reconnaissants à A Meddeb d’admettre la dangerosité de l’islam d’aujourd’hui et de reconnaître l’influence grandissante du whahhabisme : « cette situation n’est pas le fruit du hasard, elle est le résultat d’une politique raisonnée, qui a montré sa cohérence, sa rigueur, son souffle ».
Regrettons simplement cette dénonciation tardive, peut-être même sommes-nous a un stade de l’irréparable, à un de point de non retour…Partout en terre d’islam il y a eu maltraitance des non musulmans les Chrétiens d’Orient ont dû fuir souvent dans l’urgence, alors que le wahhabisme favorisait la fermeture le repli sur son islam dominant et dominateur.
Ce que ne souligne pas assez A Meddeb c’est que dans ce plan dont il reconnaît qu’il était concerté et dont Riposte laïque a aussi souligné la cohérence, la logique, il y a l’islamisation forcée de l’Europe, islamisation qui, comme dans les autres pays, ne peut être que salafiste et whahhabite. Nous le mesurons dans la saoudisation du visuel de nos espaces, dans les conflits qui se multiplient partout dans notre société face aux wahhabites et salafistes dans les écoles, dans les lieux publics et militant jusque sur les lieux de travail, comme cette terrible prise en mains des règles à la RATP par les chauffeurs contre les femmes conductrices. Face à ce constat, A Meddeb doit comprendre que les Français non musulmans qui, comme lui, ont pris conscience du problème mais depuis bien longtemps, ne peuvent pas rester les bras croisés et regarder passer la caravane. Une Résistance s’organise en France et en Europe, comme il le fait elle dénonce la déferlante, et, elle agit pour la contrer!
Enfin la question fondamentale : L’islam peut-il ne pas produire d’islamistes ?
Chantal Crabère
(1)http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/12/16/sortir-l-islam-de-l-islamisme_1806978_3232.html#xtor=AL-32280397