Affaire des lardons : pourquoi le charcutier gagnerait en appel

Lardons : nouvelles arme par destination
Lardons : nouvelle arme par destination

L’Est républicain nous informe que le tribunal correctionnel de Nancy a jugé un homme pour avoir déposé des lardons dans la boîte aux lettres d’une mosquée, quelques heures après le meurtre du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray.

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-agglomeration/2016/07/30/tomblaine-des-lardons-dans-la-boite-aux-lettres-de-la-mosquee

Il ne s’agit pas de chercher à discréditer la justice, mais de poser quelques questions à la fois quant à cette décision judiciaire et quant au traitement médiatique qu’elle a suscité.

Quant aux faits, on apprend, selon ce journal, que « vers 18 heures, la femme du président de l’Union Jeunesse et Culture, l’association qui gère la mosquée, repère une C4 blanche sur le parking de celle-ci. Le conducteur s’évertue à donner de grands coups d’accélérateur. La femme assure qu’avant de partir, l’homme a passé son pouce sur sa gorge. Manière de signifier un égorgement ». L’homme est « revenu, vers 21 heures (…) est descendu de la C4, s’est approché de la boîte aux lettres dans laquelle il a déposé des… lardons ».

En garde à vue, « il a aussi assuré être catholique pratiquant, ce qu’a démenti sa compagne… »

Quant aux déclarations des magistrats, on apprend que le président a qualifié le dépôt des lardons de « geste plus que bête, dangereux ». Et d’ajouter : « tous les responsables de notre pays ont indiqué qu’il était hors de question de donner un caractère religieux à ce meurtre, qu’il ne fallait surtout pas entrer dans une guerre de religion. Ce serait faire le jeu de Daech ». Le procureur semble du même avis : « il ne faut pas suréagir à ces tentatives de déstabilisation ourdies par Daech qui veut semer la discorde, rompre l’unité nationale, monter les communautés les unes contre les autres (…). Ces gens sont profondément lâches, n’ont aucune conscience de ce qu’est leur religion ». Qualifiant ce geste de « grave et porteur de danger potentiel, (…) il requiert 6 mois ferme et maintien en détention ».

Quant à l’avocate du prévenu, elle a déclaré : « « il a parfaitement compris qu’il avait été un parfait imbécile ».

Le jugement le condamne à six mois avec sursis.

Les sites patriotiques expriment largement sinon unanimement la colère des internautes, comme le montre les commentaires sous l’article de Charles Marteau (http://ripostelaique.com/6-mois-de-prison-depose-lardons-devant-mosquee.html).

Avant toute chose, on peut s’étonner de la déclaration faite par le prévenu selon laquelle il est catholique pratiquant : en quoi cela devrait-il être d’un quelconque intérêt dans un Etat laïc, alors que la loi est la même pour tous, quelle que soit la religion, prévenu comme victime d’ailleurs ? Déclaration contredite par sa compagne, apprend-on : à quelle fin ? Celle-ci a-t-elle craint une peine plus lourde ? On n’ose y croire. On aimerait pourtant savoir dans quelles circonstances cette déclaration a eu lieu : lui a-t-on demandé sa religion ? Qui l’a fait, le cas échéant ? L’Est républicain aurait dû nous en dire davantage, ou ne rien dire, tant cette précision sur la religion de l’intéressé interroge quant à une possible christianophobie.

Laissons cela de côté pour envisager maintenant le commentaire juridique.

D’abord, l’article de L’Est républicain ne peut que décevoir, qui ne précise pas sur quel fondement est intervenue la condamnation. Certes, tout journaliste n’est pas censé être juriste, mais notre héritage révolutionnaire nous fait quand même bénéficier d’un grand principe de la philosophie des Lumières : « nullum crimen, nulla poena sine lege ». Pas de crime, pas de peine sans fondement juridique légal, sans, donc, qu’elle soit prononcée sur le fondement d’un texte de loi. Or, le journal ne nous dit rien du fondement juridique de la condamnation. Pire, il ne précise pas la qualification juridique des faits reprochés ! C’est pour le moins dérangeant et peu professionnel de la part de l’auteur de l’article.

Il faut alors se renseigner ailleurs pour en savoir davantage. L’Express, par exemple, nous indique que la condamnation est intervenue pour « violences commises en raison de l’appartenance de la victime à une religion ».

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/a-nancy-un-charcutier-condamne-pour-avoir-depose-des-lardons-devant-une-mosquee_1817356.html

Or, selon le code pénal, les violences volontaires font partie des « atteintes à la personne humaine » (sic, car les personnes animales, végétales ou minérales n’existent pas, mais on fera avec).

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417637

Il faut donc en déduire que la violence ne s’est pas exercée sur la boîte aux lettres dépositaire des lardons litigieux, mais contre les personnes susceptibles de l’ouvrir, donc les responsables de la mosquée, puisque leur appartenance religieuse est en cause (et s’il ne s’était pas agi de lardons mais d’un aliment quelconque, en aurait-il été de même ?).

Y a-t-il ne serait-ce qu’un média pour préciser en quoi consistait l’acte de violence ? Aucun ne semble s’être davantage gratté la tête à ce sujet, et c’est dommage. En effet, de quel type de violence s’agit-il, puisque le prévenu n’a, semble-t-il, eu de contact physique avec aucune personne susceptible d’être une victime ?

De plus, le geste qui aurait été fait mimant un égorgement n’a pas été retenu par les juges à sa charge, faute d’être prouvé.

On ne peut qu’imaginer à ce stade du raisonnement que cette violence était morale.

Il est vrai que la jurisprudence a progressivement considéré que même en droit pénal, la violence peut être morale, donc porter une atteinte aux sentiments d’une personne sans atteindre son corps dans sa chair, dans son intégrité. Néanmoins, pour ce faire, il faut caractériser une attitude de nature à créer un choc émotif et même effrayer la victime.

La jurisprudence montre ainsi que la violence morale a été retenue quand une personne a tiré un coup de feu en direction d’une autre pour l’impressionner, sans pour autant chercher à la tuer ; des « conducteurs fous » ont été condamnés également lorsqu’ils ont poursuivi une voiture dans le but de faire s’arrêter son conducteur, ou encore lorsqu’ils ont reculé brusquement pour faire peur à une personne se trouvant derrière le véhicule. Un autre exemple est celui d’un homme qui prend une barre de fer et frappe  la voiture pour impressionner le conducteur, ce qui dégrade la voiture mais ne constitue pas une violence physique, puisque la voiture n’est pas plus une personne qu’une boîte aux lettres. C’est la qualification de dégradation qui sera invoquée pour punir le dommage causé à la voiture, tandis que la crainte suscitée pour le conducteur relèvera de la violence morale.  Il y a encore violence morale dans le fait d’approcher en groupe une personne, l’encercler, parler fort pour l’intimider…

Mais la « jurisprudence des lardons » innoverait considérablement, si elle n’était pas démentie en appel ou en cassation, donc si le jugement du tribunal de Nancy doit être tenu pour régulier, puisque :

– des lardons ne sont pas de nature à faire peur à une personne raisonnable (l’histoire ne dit pas s’ils étaient périmés ou non, mais ce détail semble n’avoir aucune importance) ;

– or, la laïcité constitutionnelle semble interdire aux juges de tenir compte de la religion de la victime, puisque la loi est la même pour tous, quelle que soit la religion ;

– à supposer que le lardon est menaçant pour un musulman, les victimes de la violence, si ce sont les fidèles de la mosquée, n’étaient pas menacées en leur présence apparemment, contrairement aux exemples qui viennent d’être donnés.

Les coups d’accélérateur pouvaient peut-être impressionner, ce sont eux plutôt qui aurait pu constituer la violence morale, mais qui vit en ville en entend à longueur de journée sans se sentir menacé pour autant. De plus, ils sont intervenus plusieurs heures avant le léger dépôt de viande porcine.

Enfin, faut-il vraiment tenir compte du contexte politique pour décider de l’importance de la peine, comme semblait le dire le procureur, si l’on comprend bien L’Est républicain ? Peut-on, surtout, tenir compte des déclarations des dirigeants français à ce sujet ? Le dépôt de lardons dans une boîte aux lettres est-il vraiment de nature à monter les « communautés » les unes contre les autres, alors que c’est l’acte d’un individu isolé ? Le fait qu’il soit catholique pratiquant a-t-il vraiment une importance à cet égard ?

L’avocate du prévenu avait-elle soulevé ces arguments ? A-t-elle défendu son client devant les juges autrement qu’en qualifiant son acte de « complètement idiot », afin, sans doute, d’espérer pouvoir tempérer la peine ? A-t-elle cherché à contester le principe même de la condamnation ? Il serait intéressant de le savoir.

A la place du condamné, je pense que je formerais un appel devant la cour d’appel, pour ces différentes raisons, voire changerais d’avocat si celui-ci n’a pas invoqué ces arguments.

Maxime Ferney

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23 Commentaires

  1. Il est reconnu depuis toujours que la justice ( surtout celle Française ) est à la botte du gouvernement quel qu’il soit.
    Si, les élections de 2017 changent pour un président ou une présidente de la république , vous verrez ce troupeau de serfs lèche – cul, retourner leurs vestes illico et sans vergogne, tout comme ils font d’habitude, et se mettre au service du nouvel arrivant.
    Pauvre France.

  2. Le plus simple ne serait il pas que m Ferney réitère exactement le geste de ce charcutier et expose ensuite ses arguments au juge, soit en 1ere instance soit en appel ?

  3. De toute manière, les politiques nous poussent à ce genre de réaction.
    C’est un exemple à la face du français de “souche” que ce jugement : 6 mois fermes pour finir à 6 mois avec sursis pour des lardons, c’est honteux.
    Quand on pense que ce type qui n’était pas un voyou a pris plus cher que les petites frappes “chance pour la France” qui font c….s sur c….s. Merci la gauche, merci taubira et merci aussi aux autres guignols de l’autre bord qui ne font pas mieux, sauf si l’on considère qu’être juste véhément (sans acte) devant les caméras, compte plus.

  4. Vive la charcutaille ! Vivent les charcutiers !
    Si le lardon devient arme de destruction massive, alors amis, tous à nos lardons !
    Marchons, marchons, que nos lardons leur farcissent le fion !
    Pom, popom !

  5. Étonnamment le charcutier n’a pas été qualifié de déséquilibré.
    Et si ce charcutier était payé par Herta pour lancer une nouvelle pub du lardon Halal?

  6. Autre question

    si qq’un dépose une côte d’agneau dans la boîte à lettres d’une “secte-qui-ne-mange-pas-de-mouton” …la même peine serait-elle prononcée ?
    Ou bien une revue porno dans la boîte a lettres d’un presbytère ?
    je ne crois pas.

    Conclusion
    La charia est déjà appliquée en France

  7. Je n’arrive pas a comprendre tout ce remu menage pour une simple livraison de lardons, au prix ou est la viande maintenant ,les recipients de cette livraison, dans ce cas des Muz, auraient du les revendre aux voisins d’a coté qui eux peut-etre devaient etre les destinataires de ce colis helas non enveloppé ,donc contraire aux lois sur l’hygienne de denrées alimentaires. /dans tout cela les dindons de la farce sont ces pauvres cochons qui ont ete tués pour rien, meme morts personne n’en veut. MOI je vais donner mon adresse a tous les charcutiers de france pour que cette nourriture me soit délivrer et apres digestion j’irai defequer devant leur mosquées etant donné que les toilettes publiques sont inexistantes en france, donc necessité fait loi, il fallait vraiment obeir a un besoin pressant, non punissable par la loi.

  8. Fine analyse. Cependant je pense qu’il faut voir dans cette “colossale affaire” la preuve ad hominem que la notion de blasphème est toujours entrain de faire sa route. Ils ont failli l’imposer au niveau européen et ils continuent. Bientôt le blasphème sera inclus dans le nouveau code pénal !..)
    Oui faire appel, certes, mais avec quel argent ? vous direz le gentil charcutier..
    N’importe quel avocat non soumis et compétent aurait pu éviter ce désastre judiciaire.!
    lardonnement votre.

  9. Il faut impérativement interdire la commercialisation des lardons qui sont susceptibles de servir d’arme par destination ! MDR

  10. Il faut mettre les lardons en prison ! Pourtant, des lardons, ils en font en veux tu en voila !

  11. Quand la justice est rendue par des adeptes du ” Mur des cons “,il faut s’attendre à tout.

  12. Ne faudrait-il pas plaider le déséquilibre mental? C’est très en vogue en ce moment…

  13. Cet homme doit défendre, même si son geste était un peu immature, sa légitimité. J’ai des lardons dans mon réfrigérateur et à ce jour ils ne m’ont jamais attaqué. Que m’arriverait-il si j’allais en déposer une boite dans la boite aux lettres du curé de la paroisse ? Les muzz et la justice sont vraiment pourris.

  14. Comment ose-t’on critiquer l’animal qui a permis ,pendant des siècles, d’ empêcher les peuples vivant très mal de l’agriculture et notamment nos ancêtres, de mourir de disette et même de famine. Comment peut-on porter plainte contre le charcutier catholique qui a eu cette bonne idée, au pire moment pour lui,mais au bon moment pour l’Histoire.C’est ce qu’auraient dû comprendre les personnes chargées de la Justice,en étant très sévères pour la demande et un peu moins pour la décision.

    Si j’avais été en charge de ce lieu de culte ,j’aurais posé la seule bonne question: “Pourquoi?. Qui? J’aimeras le rencontrer!!!!!!! Il est tellement plus simple de “porter plainte” et en connaissant le résultat,couru d’avance! Cela,c’est une action “satanique! Bien plus que la réaction du charcutier. C’est la porte ouverte à Daech dont les responsables sont en train de rigoler .Il est vrai que dans la société dont ils rêvent c’est un interdit suprême digne de la lapidation ou de l’égorgement!!!!!!!!!!!

  15. -1/ Le principe de légalité des peines a été formulé dans l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme, mais APPLIQUE au moins dès l’Empereur Constantin : il est la reprise rationae lege de la règle de l’individualité de la responsabilité reprise dans l’Ancien et le Nouveau testament (on ne répond que de ses fautes personnelles).

    -2/ Le lardon n’est pas une arme en droit français même par destination. Le tribunal en jugeant que le lardon avait commis une violence morale sur son destinataire a implicitement mais nécessairement reconnu qu’il était une arme à raison de son caractère impur, critère de qualification irrecevable au regard de la laïcité du droit français : le lardon qui ne peut pas être” impur” en droit français, ne peut donc à raison de son impureté légalement impossible causer un préjudice de ce seul fait, alors surtout que la victime ne prouve pas son dommage.

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