Amar Lasfar, l'islamiste du Nord. Partie 3 et fin

Andrew Wareing, décédé officiellement d’une crise cardiaque en 2005, était journaliste d’investigation à France Soir. Il a mené plusieurs enquêtes sur les milieux islamistes de France, en particulier sur Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille et activiste de l’UOIF. Amar Lasfar a intenté plusieurs procès contre Andrew Wareing pour « diffamation », et les a tous perdus, malgré la défense d’Amar Lasfar par Maître Jean-Louis Brochen, avocat des mouvements islamistes du Nord et compagnon de Martine Aubry, maire de Lille. Peu avant sa mort, Andrew Wareing publia un long article de synthèse sur Amar Lasfar. Nous vous le livrons par épisodes (1).

Amar Lasfar grand argentier d’une « ONG » islamiste

En 1994, Amar Lasfar devient trésorier national pour la France du Secours Islamique. Cette ONG internationale avait été créée en Angleterre par Hani Al Banna, fils du fondateur des Frères Musulmans. Le Secours Islamique s’est implanté en France en 1992. Il a eu son siège à Bordeaux, puis à Saint-Denis, et enfin à Montreuil.
Le Secours Islamique est considéré par les autorités américaines, mais aussi par la DST française, comme une courroie de transmission du terrorisme international. Cependant, le rôle de ces vraies-fausses ONG « porteuses de valise » est systématiquement étouffé par le pouvoir politique français, comme on l’a vu lors de l’arrestation récente d’un présumé terroriste lié à la très saoudienne Ligue Islamique Mondiale et aussitôt relâchée pour des raisons… « politiques ».
Le Secours Islamique, suspecté en septembre 1994 d’être le collecteur de fonds pour l’UOIF, par le préfet de Seine-Saint-Denis, est en réalité la filiale française de l’IIRO, l’International Islamic Relief Organization. Et c’est un ancien ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré lui-même, qui dit (in « En mon for intérieur », Jean-Claude Lattès, 1997) que le Secours Islamique « se livre à des collectes de fonds en France au profit d’une filiale de l’IIRO. Cette ONG Saoudienne aurait financé ce qu’on appelle le Bureau des Services, installé à Peshawar au Pakistan et destiné à soutenir le GIA ».
Le Secours Islamique est étroitement contrôlé par les Frères Musulmans, dont on retrouve des membres dans les statuts déposés à la préfecture de Seine-Saint-Denis. Pour remplacer le recteur de la mosquée de Lille-sud ou plutôt pour devenir président du Secours Islamique-France apparaît en 1996 le Lillois Mohamed Ben Sliman, alors collaborateur d’Amar Lasfar à la Mosquée de Lille-Sud. Sa nomination intervient quatre jours après qu’un violent incendie a embrasé les hangars abritant les activités de ce mouvement caritatif dans le nord de la France, édifiés à Mons-en-Barœul dans la proche banlieue de Lille. Selon La Voix du Nord (édition datée du 30 avril 1996 ) : «… les voisins […] ont d’abord cru à un feu d’artifice ou à des pétards. En fait c’étaient des baraquements qui brûlaient… ». Les pompiers, pour leur part, se refuseront à pénétrer dans ces bâtiments, se contentant de dresser un périmètre de sécurité à bonne distance et attendront que le feu s’éteigne de lui-même.

Les gentils G.O. de séjours jihadistes

Donc le Secours Islamique est, comme le disait le Point en Août 1993, une « agence de voyage pour barbus de tous poils ». Est-ce pour cela qu’Amar Lasfar, trésorier en son temps de cette filiale de l’IIRO, se plaît à déclarer une profession officielle d’« agent de voyage » ? Lui parle d’organisation de pèlerinage.
Concernant le Secours Islamique, celui-ci ne cache à aucun moment son inféodation à la branche égyptienne de la Confrérie des Frères Musulmans par l’entremise d’Islamic Relief, c’est-à-dire la représentation de l’IIRO en Grande-Bretagne. Comme il est d’ailleurs précisé dans les statuts de cette association dont le papier à en-tête utilisé pour la rédaction des dits statuts lors de leur dépôt à la préfecture de Bordeaux arbore l’écusson d’Islamic Relief. En tout cas, comme trésorier, il n’a pu ignorer les suspicions entourant le Secours Islamique. France-Soir du 28 mars 1995 précise même que le gentil G.O. de l’UOIF aurait bien pu signer des chèques pour permettre à de jeunes jihadistes « français » d’aller faire du jogging au Pakistan ou en Afghanistan.
Evidemment, Amar Lasfar a tout de suite attaqué France-Soir pour diffamation, mais la Cour d’Appel de Douai lui a donné tort, en reconnaissant « la bonne foi du journaliste ayant rédigé l’article, et le caractère sérieux des preuves apportées » (2). Et il n’y a pas qu’en France que l’IIRO donnera dans le tourisme islamiste. Au Danemark aussi, où l’une de ses filiales, l’Islamic Student Organization, publiait à la même période des publicités dans la presse à destination de ceux qui « ont besoin d’un entraînement militaire, mais ne peuvent le suivre au Danemark » (selon l’Express du 17 mars 1997).

Après l’ « incendie » du dépôt lillois du Secours islamique, Amar Lasfar se verra semble-t-il conseiller de se faire oublier durant un temps. Il est vrai que quand ils ont été arrêtés, Ali Ben Fattoum et Mohamed Drici, deux membres de la cellule lilloise des GIA, avoueront qu’ils se sont connus.. à la Mosquée de Lille-Sud, celle-là même dont Amar Lasfar est le recteur. Ils y rencontreront également les terroristes Abdallah Nasr et Aït Touchent, qui ont fréquenté plusieurs mosquées du Nord… toutes affiliées à l’UOIF ! Autres fidèles du lieu de culte (havre d’amour-paix-tolérance au sens villepinien du terme) dirigé par Amar Lasfar : Christophe Cazé et Lionel Dumont, deux convertis, et Rachid Souimdi, tous trois membres du gang islamo-mafieux de Roubaix démantelé en 1996. Depuis 1992, ils venaient assidûment « prier » chez Amar Lasfar, entre deux séjours « humanitaires » en Bosnie… enfin « humanitaires » au sens du Secours Islamique !
A cela rajoutons Rachid Mezzou, un autre « moudjahid » en Bosnie mais aussi lié au gang de Roubaix. Celui-ci déclarait aux policiers qu’il a commencé sa carrière de jihadiste en faisant des quêtes (argent, médicaments, vêtements) pour le Secours Islamique. Surtout « des petites sommes en argent » dont Rachid Mezzou ne se souvient plus du nom du récipiendaire… Et c’est lors de ces collectes généreuses qu’il eut très étrangement la révélation de la nécessité d’aller combattre en Bosnie… Rachid Mezzou a également rencontré, lors d’un retour de Syrie, Christophe Cazé à Roubaix, et Salah Achour, responsable du gang de Roubaix pour la région parisienne, à la mosquée « Da’wa. » (sic) de la rue de Tanger à Paris, à l’occasion d’une conférence… sur le Secours Islamique en Bosnie !
Revenu en grâce islamique à la fin des années 90, Amar Lasfar va alors participer aux différents comités Théodule destinés à mettre en place le CFCM. S’il médiatisera beaucoup son rôle à l’occasion de la création d’un « lycée musulman » à Lille (en réalité trois pièce à l’étage de sa mosquée) sur lequel nous aurons ultérieurement l’occasion de revenir, il est beaucoup moins disert sur les relation qu’il entretient avec le CBSP. Pourtant la délégation de Lille occupe les anciens locaux de l’agence de voyage d’Amar Lasfar à Wazemmes, ce dernier ayant déménagé pour occuper le rez-de-chaussée d’un immeuble HLM à quelques dizaines de mètres. Mais, sur divers documents distribués au public, l’adresse « où envoyer les dons » est celle de la mosquée d’Amar Lasfar…
Le CBSP, le Comité de Bienfaisance et de Secours à la Palestine, a vu le jour le 20 mars 1990 à Vandœuvre-les-Nancy, dans l’enceinte de la mosquée où l’UOIF à elle-même été créée. L’influence des Frères Musulmans syriens y est toujours importante, même si cela est moins visible que durant les années 80. Le CBSP a par ailleurs parmi ses pères fondateurs plusieurs adhérents d’AVS – une des associations de certification de la viande hallal de la mouvance commerciale de l’UOIF, dont un certain nombre de membres ont été mis en cause lors de diverses affaires liées au terrorisme islamique -, l’un d’entre eux étant même son trésorier à sa création (3). AVS abrite dans ses locaux parisiens l’antenne de Présence Musulmane le « mouvement » de Tariq Ramadan.
Toujours est-il que le CBSP peut difficilement cacher ses liens avec le Hamas palestinien et la branche syrienne de la confrérie. Ses « relations » avec la représentation en Palestine des Frères musulmans entraîneront d’ailleurs des mesures de rétorsion de la part des autorités américaines qui prendront à son égard des mesures de gel de ses comptes à la fin du mois d’août 2003, ainsi qu’à l’encontre d’une de ses filiales : l’association suisse ASP, présentée par la presse helvétique comme une « pompe à finance » du Hamas. Le CBSP est, en tant qu’organisation caritative, essentiellement présent dans le nord et l’est de la France, à Lyon ainsi que dans le nord de la couronne parisienne (4). Le Secours islamique a lui recentré son action dans le sud et l’ouest de l’Hexagone tout en restant fortement présent en Ile-de-France. Ce qui correspond grossièrement aux zones d’influence au sein de l’UOIF des courants et des groupes culturo-ethniques auxquels ces deux associations caritatives sont inféodées.
Voilà quelques éléments de la biographie d’Amar Lasfar, personnage controversé au sein de l’islam de France, qui espère toujours devenir aumônier général des prisons de France au titre du culte musulman et qui veut imposer la charia à Lille en refusant de reconnaître à un ex-musulman le droit posthume de se faire incinérer, et en invoquant pour cela des fatwas de ses gourous étrangers et islamistes.
Andrew Wareing
(1) http://www.ripostelaique.com/Amar-Lasfar-l-islamiste-du-Nord.html
http://www.ripostelaique.com/Amar-Lasfar-l-islamiste-du-Nord,3636.html
(2) NDRL : le « journaliste » en question est Andrew Wareing lui-même.
(3) Les statuts de cette association indiquent en effet que la personne occupant le poste de trésorier à sa création en 1990 est employé comme « sacrificateur » – c’est à dire boucher chargé d’égorger les animaux – par l’association AVS.
(4) A la fin de l’année 2003, le CBSP semble ne plus posséder officiellement que quatre adresses en France, à Paris, Lille, Lyon et Marseille. Et ce alors que les compte-chèques postaux utilisés par cette organisation sont eux toujours domiciliés à la poste de Vandœuvre-les-Nancy. Suivant les documents qu’on a en main, l’adresse lilloise est pour le moins changeante, puisque qu’on peut trouver sur un calendrier celle de la mosquée de la rue de Marquillie dirigée par Amar Lasfar mais sur des tracts c’est celle d’un ancien commerce transformé en permanence : rue Jules Guesde, dans le quartier de Wazemmes, qui figure. Détail, ce local abritera jusqu’en 2002 les bureaux d’une agence de voyage appartenant… à Amar Lasfar.

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